La voiture est considérée comme un moyen d'affirmation de soi, selon les psychologues, ce qui autorise le jeune à chercher une certaine suprématie sur la route quand il prend le volant, d'où le grand danger La réticence était perceptible du côté des participants à l'atelier organisé ce jeudi à Tunis par l'Association tunisienne de prévention routière (Atpr) à l'égard du projet de réforme du décret fixant les catégories de permis de conduire, les conditions de leur délivrance, de leur validité et de leur renouvellement en vue d'abaisser l'âge légal d'obtention du permis de conduire de 18 à 16 ans. Dans une critique frontale, le Président de l'Atpr, Afif Frigui n'a pas hésité à comparer le permis dans le cadre de ce projet « à un linceul qu'on va proposer au jeune .Il faut s'attendre au pire », laisse-t-il entendre. Qui parle de projet de réforme ? «C'est comme si on allait délivrer un permis de suicide au jeune, enchaîne le directeur exécutif de la fédération tunisienne des sociétés d'assurance, Kamel Chibani. La question est très grave. En guise de confirmation de sa position, il explique que les indemnisations suite aux accidents routiers s'élèvent à 800MDT en 2017. Il se demande qui va payer les pots cassés pour un jeune de 16 ans. Il fallait penser plutôt à l'éducation routière dans les écoles et les lycées et étudier profondément la question. Critiqué pratiquement par la majorité des intervenants, le représentant du ministère du transport Sassi Hammami se défend et nie tout en bloc .Il n'y a jamais eu de projet. Le ministère n'a jamais élaboré ou étudié ce projet d'amendement. Il a toutefois tenu à le défendre implicitement, puisque dans d'autres pays européens il a contribué à la diminution des accidents de la route. La réponse ne s'est pas fait attendre de la part du président de l'Atpr qui a rappelé que la secrétaire d'Etat au Transport Sarra Rejeb a évoqué la réforme dudit décret lors de son passage sur les ondes d'une radio privée le 31 janvier 2018, selon ses dires. Psychologue et sociologue sont contre Les intervenants étaient unanimes à mettre en exergue l'inopportunité de cette réforme, à l'exemple de Mehiar Hamadi, délégué général à la Protection de l'enfance qui a appelé à la modernisation des structures routières dans toutes les régions et axer les efforts sur l'éducation routière. Ce projet d'amendement a-t-il tenu compte de la vulnérabilité de l'enfant à cet âge, de ses perturbations, de sa conduite à risque et de ses troubles caractériels ? S'interroge à son tour Rabiha Chibani, docteur en psychologie. Et de se demander aussi si le ministère du Transport a pensé à faire participer un spécialiste en psychologie de l'enfant dans l'élaboration de ce projet. Il faudra plutôt se pencher d'une manière plus approfondie sur cette question et tenir compte de l'augmentation du taux de suicide chez l'enfant et des risques d'addiction aux psychotropes à cet âge, des facteurs qui ne font qu'augmenter le comportement à risque et peuvent être la cause d'accidents mortels, conclut-elle . Même son de cloche du côté du sociologue Jalel Tlili qui, lors de son intervention, revient sur les facteurs décourageants, comme l'augmentation des accidents et le non-respect croissant du Code de la route. La voiture est considérée comme un moyen d'affirmation de soi, selon les psychologues, ce qui peut autoriser le jeune à chercher une certaine suprématie sur la route quand il prend le volant, d'où le grand danger. Généralement, les moins de 20 ans sont des conducteurs occasionnels en Tunisie, ce qui augmente le risque d'accidents chez ces derniers. Ce qui est le plus déplorable, c'est l'absence de civisme chez certains conducteurs et le non-respect d'autrui et du Code de la route .Le salut se trouve beaucoup plus dans l'éducation routière depuis l'école que dans les amendements des textes de loi, a affirmé Jalel Tlili. L'Association de la prévention monte au créneau Si, par moments, la tension est montée du côté des intervenants qui ne comprennent pas les raisons de ce projet, ni les motifs qui ont poussé le ministère du Transport à ne pas adopter une approche participative dans ce cadre. Le directeur général des transports terrestres Frej Ali, a tenté de calmer les esprits durant le débat en confirmant que les portes du ministère du Transport sont ouvertes à tous malgré les accusations. L'abaissement de l'âge du permis de conduire à 16 ans dans l'article 10 du décret en question n'a jamais fait l'objet d'étude au ministère. Faux débat ou revirement de dernière minute de la part du représentant du ministère du Transport devant le refus de la majorité des intervenants de ce projet. L'Association tunisienne de prévention routière ne compte pas baisser les bras. Selon son président, Afif Frigui, elle usera de tous les moyens pacifiques en concertation avec les parties prenantes pour s'opposer à la réforme de ce décret.