La société tunisienne est en perpétuelle mutation. Accès de la femme au marché du travail, une pyramide d'âge dont la base ne cesse de se rétrécir, indépendance de plus en plus manifeste de la famille nucléaire et son détachement de la famille large sont tous des facteurs qui ont poussé les sociologues et les experts à repenser la notion de solidarité intergénérationnelle La solidarité intergénérationnelle se présente sous plusieurs aspects au sein de la société. Sur un premier volet, elle s'illustre par l'entraide familiale, sur un deuxième volet encore plus englobant, elle est structurée sous forme de mécanisme incluant des régimes assurantiels de protection et de sécurité sociale. Il est notoire que la solidarité intrafamiliale a été de tout temps considérée comme étant un devoir imparti aux membres d'une même famille. Vers le renforcement de la famille nucléaire Le modèle de la famille au sein de la société tunisienne a changé, et il est de plus en plus orienté vers l'individualisme. Ainsi, contrairement au passé où la famille étendue pouvait comporter plusieurs générations allant jusqu'à quatre générations occupant ensemble le même endroit, de surcroît financièrement interdépendantes, la famille nucléaire moderne vit indépendamment de leurs ascendants. En effet, cette évolution est la résultante de maints facteurs entremêlés. A savoir, principalement, l'émancipation et l'accès de la femme au marché du travail et la liberté de choisir son partenaire et compagnon de vie. Réellement, il n'y a pas eu lieu d'enquête ou d'étude nationale, depuis les années 90, qui recensent le taux effectif des familles nucléaires qui vivent d'une manière indépendante de la famille étendue. Mais les derniers chiffres disponibles qui, tout de même, datent du milieu des années 90, révélés par une étude réalisée par l'Institut des recherches et des études de la population (Irep) — une institution qui a été dissoute dès le début des années 2000 —, révèlent qu'à cette époque, le taux des grands — parents qui s'occupaient de leurs petits — enfants s'élève à 50%. En effet, à cause de l'érosion progressive de l'Etat-providence et la faiblesse des politiques en termes de répartition temps et tâches entre homme et femme, l'entraide familiale et la solidarité intergénérationnelle au sein de la même famille jouent un rôle clé pour subvenir aux besoins des jeunes couples, en matière de soutien matériel et psychologique. En effet, la famille large n'a pas disparu, elle demeure encore un recours pour les membres de la famille nucléaire, et elle agit comme un filet de sécurité que l'individu peut mobiliser à certains moments de sa vie. L'impératif de réformer La solidarité intergénérationnelle, dans un sens plus englobant et plus large, quant à elle, est illustrée par le système de sécurité sociale. En Tunisie, la protection sociale est assurée par trois principales caisses. A savoir la Cnrps qui assure un régime assurantiel aux employés du secteur public, la Cnss qui couvre les travailleurs indépendants et les employés du secteur public et la Cnam, l'unique caisse d'assurance maladie. En dépit de la réussite qui a marqué, pour longtemps, le régime de couverture sociale en Tunisie, ce dernier vit un véritable déclin. Le déficit croissant des caisses en témoigne. D'ailleurs, il fait l'objet de plusieurs études afin de réformer et d'optimiser le système de la sécurité sociale. Mais il est clair que, jusque-là, il n'y a pas eu de véritable prise de conscience quant à la portée de l'ensemble des décisions prises, dans ce secteur. Le principe de solidarité intergénérationnelle repose sur les liens, essentiellement financiers entre les diverses générations, pour assurer une vie décente aux personnes du troisième âge. Inconscients de l' importance des réformes effectuées, plusieurs jeunes actifs dans le marché du travail se sont indignés et ont estimé pesantes ces nouvelles décisions. Admettre que l'on est face à une impasse est le premier pas vers une véritable réforme des régimes de la protection sociale en Tunisie.La pérennité du système assurantiel est mise en jeu. Et c'est bien la vie de retraite des générations futures qui est menacée.