Ils sont nombreux à y trouver leur compte. Les habits sont souvent catalyseurs de faits culturels. Ils sont révélateurs d'un état d'esprit vis-à-vis de soi, d'une réaction envers l'autre. Et pour bien s'habiller, être élégant et ne pas paraître ringard, on est prêt à toutes les dépenses et à tous les crédits pour pouvoir plaire et être présentable au bureau, à l'école, dans la rue, dans les réceptions et autres cérémonies familiales. Et si certains citoyens ont une préférence pour les boutiques de prêt-à-porter et pour les grandes enseignes, d'autres optent pour la friperie dont ils louent la créativité, l'art vestimentaire, le choix des couleurs et le savoir-faire. Il va sans dire que les prix qui dépendent de la qualité sont très accessibles auprès des friperies installées dans tous les quartiers, près des écoles et des administrations, à l'entrée du cimetière et aux alentours des marchés et des souks. Leurs marchandises qui jonchent le sol ou qui sont posées sur quelques cartons connaissent beaucoup de succès auprès de citoyens en quête de bonnes affaires. Asma H., 48 ans, mère de 4 enfants, nous a confié dans ce contexte : «Bien que ces étalages aient défiguré notre quartier, ils nous rendent un grand service et nous aident à subvenir aux besoins vestimentaires été comme hiver... Ainsi, il m'arrive d'acheter un pull col roulé à 500 millimes, un pantalon à 1d, une veste à 3d, trois paires de chaussettes à 1d. Alors, je ne vois pas pourquoi j'irai chercher ailleurs...». Halima M., 22 ans, étudiante, est du même avis : «Comme je trouve que la qualité et la variété des articles sont garanties, je ne m'en prive pas. D'ailleurs, il m'arrive de dénicher de très belles occasions et des articles signés et à la mode, à des prix imbattables. Exit donc l'idée que la fripe c'est de vieux vêtements rétros!». La fripe de luxe, ça se paie D'un autre côté, il existe dans la plupart des quartiers de la cité aghlabide des boutiques de super-fripe convoitées surtout par des personnes aisées et qui ont les moyens de se payer des articles signés à un prix excessif. Ainsi, dans une boutique située au centre-ville, on trouve des pantalons, des vestes, des manteaux, des blousons en cuir, des chemises et des sous-vêtements de très bonne qualité. Lotfi, le gérant, 52 ans, nous explique qu'il a beaucoup de clients tellement fidèles qu'il les contacte par téléphone à chaque nouvel arrivage. Ainsi, chacun y trouve son compte. C'est le cas de Basma N. et de Habiba Z., deux jeunes femmes que nous avons trouvées en train de choisir des tenues de soirées sexy, aux tons chauds qui allient charme et simplicité et qui sont ornées de broderies or et argent : «Nous préférons acheter des articles à la mode, qui ne déteignent pas et qui ne rétrécissent pas au premier lavage. Ici, au sein de cette boutique c'est notre caverne d'Ali Baba. Evidemment, les prix ont beaucoup augmenté et varient de 50 à 90d pour une robe de 40 à 100d pour un blouson, de 100 à 120d pour des chaussures. Mais au moins, on est sûres d'être élégantes leurs des fêtes familiales en portant des tenues au tissu resplendissant qui émerveille l'assistance. Il nous arrive de dire que nous les avons achetées à Paris ou à Istanbul!». Beaucoup plus loin au quartier d'El Mansourah, Hamidi,le gérant d'une boutique de luxe, nous explique que le commerce des vêtements d'occasion fait face à de nombreux problèmes : «D'abord, le prix des balles a beaucoup augmenté, surtout après la montée de l'euro face au dinar. Ainsi, une balle super-fripe de pantalons coûte 400D, celle des robes mille dinars, celle des chaussures 800D, celle des blousons 1.000 dinars, celle des ceintures vaut 120D. L'autre problème concerne la rareté de la marchandise et il nous arrive de rester des semaines sans pouvoir acquérir rien de nouveau, surtout en hiver où la demande est importante...». 10 tonnes tous les 6 mois! M. Hsouna Ammari, un des 24 grossistes ayant des autorisations légales et qui achète des balles de fripe soit de Tunis, soit des deux unités industrielles situées à El Baten (Kairouan-Nord), déplore le fait que leur quota est faible et très insuffisant : «En effet, tous les 6 mois, nous ne pouvons acheter que 10 tonnes, soit 300 balles! En outre, il nous est interdit de transporter la marchandise d'un gouvernorat à un autre, ce qui nous prive de beaucoup de transactions entre différentes régions. Cela sans oublier la cherté de tous les articles à cause de la baisse de la valeur du dinar... C'est pourquoi notre chiffre d'affaires a beaucoup baissé, surtout depuis l'année dernière». Par contre, beaucoup de fripiers ambulants sont contents de leur métier malgré le froid, les tempêtes, la chaleur et les P.V. Hédi N., 72 ans, et qui dispose de deux grandes charettes à proximité du marché El Euch où il vend un peu de tout à des prix très accessibles : «Grâce à mon savoir-faire et ma patience, j'ai pu me faire une petite fortune qui m'a permis de construire des appartements à mes 5 enfants, d'acheter des boutiques que je loue ainsi que des lots de terrain. De plus, j'ai aidé 3 de mes enfants à se marier... donc, je n'ai pas à me plaindre de la fripe...». D'un autre côté, ces marchands ambulants représentent pour les boutiques de prêt-à-porter une concurrence déloyale et une baisse de leurs chiffres d'affaires : «On a beau concéder des baisses et des réductions de 50% sur nos articles, c'est toujours la guigne pour nous, et ce, à cause de la friperie même si c'est une source de gain pour beaucoup de familles. En outre, les clients trouvent que les articles made in Tunisia ne sont pas toujours de bonne qualité...», nous confie, Mahmoud, ayant une boutique à la route El Oueslatia.