Entre 1963 et 1974, Hamadi Bouaziz a commandé la défense de l'Avenir Sportif de La Marsa de la Belle époque. Il a raccroché à l'âge de 28 ans, soit dans les normes suivies dans les années 1960 et 1970. «C'est la meilleure chose qui puisse arriver à un joueur s'il garde intacte l'envie d'aller plus loin et sait conserver une condition physique compétitive. Son expérience sera très précieuse, et il lui sera très facile de s'imposer en tant que leader pour encadrer les plus jeunes. A un certain moment, lorsqu'il fallut insuffler un sang neuf, notre entraîneur à l'Avenir Sportif de La Marsa, Omar Ghadhoum, a lancé plein de jeunes pousses, tout en gardant dans l'équipe trois anciens : le gardien Ferjani Derouiche, l'attaquant Abdessalam Chammam et moi-même. Il nous répétait souvent à nous trois: «Vous serez la colonne vertébrale de l'équipe. J'attends beaucoup de vous afin de montrer le chemin aux blancs-becs». J'ai raccroché les crampons quatre ans après cette opération rajeunissement, Derouiche six ans après son lancement, alors que Chammam fera preuve de longévité et sera le dernier à partir. Le jour où j'ai trouvé quelqu'un pour me remplacer, à savoir Amor Jebali, j'ai tiré tranquillement la révérence. En fait, nous raccrochions très jeunes: 28 ans dans mon cas, 25 dans celui de notre maître à jouer, Tahar Anniba... La raison principale, c'est le fait d'être lancés très jeunes dans le bain des seniors. On procédait parfois à un double surclassement pour qualifier un joueur cadet en faveur de l'équipe seniors. Il ne faut pas oublier que nous menions en parallèle une carrière professionnelle en même temps, et c'était très dur. Ce n'est pas comme les joueurs professionnels d'aujourd'hui. Jadis, une fois le travail terminé, il ne vous restait plus beaucoup d'énergie et de concentration pour les entraînements. Pour certains, le souci de chercher un boulot les tenaillait». «Il faut faire un choix» Aujourd'hui, les footballeurs peuvent aisément préparer un plan de carrière. Ils n'ont plus que ça à faire. Les sacrifices que font certains les mènent très loin. Ils peuvent ainsi «durer» et pousser leur carrière très loin parce qu'ils observent une hygiène de vie impeccable. Ils ne doivent pas se dire: tant que je veille chez moi, c'est que j'observe cette hygiène de vie souhaitable. Non, cela reste insuffisant, car même si vous êtes chez vous, vous devez dormir de bonne heure, et ne pas manger n'importe quoi. De cette façon, lorsqu'il faut effectuer un démarrage de 100m, vous vous sentez prêt. Nous assistons aujourd'hui aux mêmes erreurs techniques commises par les joueurs tant au début qu'à la fin de la saison. L'entraîneur doit apprendre l'alphabet du football dès le plus jeune âge. Malheureusement, on ne voit plus des joueurs tenter leur chance des 30, ou 35 mètres, soit des tirs des longues distances. Je découvre parfois médusé des coaches des jeunes jeter un ballon aux bambins et leur dire d'aller jouer comme ils le veulent. Ils ne leur apprennent presque rien. Si les Wissam Ben Yahia, Karim Awadhi, Samah Derbali, Zouheir Dhaouadi et tutti quanti vivent actuellement une seconde jeunesse, c'est au prix des sacrifices qu'ils ont consentis durant toute leur carrière. En notre temps, l'exemple de longévité s'appelait Noureddine Diwa. Tout jeune au quartier, on m'appelait Diwa. Par la suite, j'ai joué contre lui lorsqu'il était rentré de l'aventure professionnelle à Limoges, en France. Durant toutes ces années-là, il a su se conserver, comme on dit. En fait, il faut choisir soit le foot et ses rigueurs et sacrifices, soit les veillées nocturnes, la chicha et les repas gargantuesques. Les deux ne peuvent pas aller de pair».