L'école de la deuxième chance ouvre de nouvelles perspectives à des jeunes qui ont interrompu leurs études et quitté le système scolaire classique. Le branle-bas du système éducatif tunisien bat son plein. Le tout dernier bras de fer entre le syndicat du cours secondaire et le ministère de l'Education est un signe de pourrissement de la situation. On est revenu aux origines des maux en décryptant les dernières évolutions en matière d'échec scolaire. Bien que l'éducation soit obligatoire jusqu'à seize ans en Tunisie, 50.000 adolescents de 11 à 14 ans ne sont pas scolarisés et 55.000 sont scolarisés mais se trouvent en risque de décrochage (Etude Oosci, Unicef 2014). Implacable constat. Selon cette même étude d'un observatoire de l'Unicef, l'ensemble des données semblent indiquer qu'une majorité de jeunes Tunisiens ne disposent ni des compétences ni des qualifications de base pour intégrer et profiter des opportunités offertes par le marché du travail. Sans scolarité, sans emploi et sans formation, 10% des adolescents de 15 à 19 ans sont mis au ban de l'école et se retrouvent en marge de la société du jour au lendemain. Les raisons sont multiples et diverses. Economiques, sociales, voire culturelles. Les initiatives des ministères directement concernés et impliqués avec l'appui de leurs partenaires ne manqueront pas de se concrétiser, dont celle de l'école de la deuxième chance. Certaines tares de l'enseignement public sont connues comme l'absentéisme ou l'abandon scolaire. D'autres ont été également relevées : 60% des écoles primaires ne disposent pas d'accès internet, la langue d'enseignement des matières scientifiques change à partir du cycle secondaire, causant des difficultés d'apprentissage et un faible niveau en mathématiques de deux tiers des élèves. Le risque d'exclusion, le décrochage, la zone de résidence rurale, l'éducation parentale sont les maux de l'élève qui affecteront son rendement et son assiduité scolaire. Kasserine et Jendouba, fiefs du désespoir scolaire Le Nord-Est et le Centre-Ouest ont un nombre d'enfants non scolarisés relativement élevé. Une cartographie remise sur place permet de relever les inégalités en manière d'accès à l'école ou l'abandon scolaire de façon caractérisée selon la région de provenance en Tunisie. Les régions du Centre-Ouest et du Nord-Ouest sont les plus frappées par le phénomène du décrochage scolaire avec des taux de 4 à 8% d'enfants non scolarisés. L'étude du nombre et du pourcentage d'enfants non scolarisés sur la période 2000 à 2013 a abouti aux conclusions suivantes. Les taux d'enfants non scolarisés dans le pré-scolaire ont baissé de façon plus accentuée que ceux du primaire. Tandis que pour le collège, ce même taux a évolué faiblement. Deux phénomènes ambivalents. Plus de la moitié des enfants non scolarisés en âge du primaire intégreront l'école plus tard. La majorité des enfants non scolarisés en âge de collège intègrent l'école mais décrochent. Le taux de redoublement atteint son plus haut niveau de 23% au collège. Ces enfants, on va leur donner une autre chance. Un enfant qui quitte l'école est meurtri de l'intérieur. Les adolescents âgés de 10 à 19 ans sont fragilisés. Pour chaque enfant, une seconde chance doit exister. Cette jeunesse a le droit à plus de regard. L'école de la deuxième chance est là pour matérialiser le rêve de ces jeunes qui se retrouvent au ban de la société et qui vivent le désœuvrement. L'école de la deuxième chance Un projet de construction d'un complexe adapté qui offre des conditions nécessaires à la réussite de l'élève a été lancé il y a deux semaines. Une mesure vitale pour donner une seconde chance aux élèves qui ont échoué dans leur parcours scolaire. «Plus de 25% des 18-25 ans n'ont pas de diplômes en Tunisie. Ils ne vont pas devenir actifs et de ce fait ne vont pas générer des impôts», s'inquiète une responsable du ministère de l'Education. Des actions sur la prévention contre le décrochage scolaire sont recommandées afin d'écouter et d'aider les jeunes à achever leurs études. M. Hatem Ben Salem, ministre de l'Education, s'est insurgé lors d'une la conférence de presse qui s'est tenue le 6 mars dernier : «Sur deux millions d'élèves en Tunisie, 100.000 ont décroché. Ce qui est cinq fois plus élevé qu'en France sur la base du nombre d'élèves inscrits dans l'Hexagone». De son côté, M. Mohamed Trabelsi, ministre des Affaires sociales, a affirmé : «Le ministère s'est engagé contre l'abandon scolaire. Le programme est important. Il s'agit de donner une seconde chance aux élèves qui ont décroché». Quitter l'école n'est pas un drame. Il faut prouver aux jeunes qu'ils ne sont pas seuls et qu'il y a une politique et un système alternatif qui va les aider à surmonter les difficultés. Pour que les jeunes reprennent espoir en leur pays et son système scolaire. Désormais, l'école de la deuxième chance sera ouverte à tous. Cette expérience pilote devrait constituer un pas vers la généralisation de ce projet à d'autres villes et régions défavorisées de Tunisie. A l'instar de Kasserine ou Jendouba. Elle acceptera tous les cas quels que soient leur origine scolaire, leur niveau social ou les idées qu'ils portent. De nombreuses activités extrascolaires peuvent les amener à s'affirmer davantage au-delà de l'école. Faire du sport, de la musique, apprendre un métier, une nouvelle langue, deviendront possibles dans cette école. L'école de la deuxième chance est un mode alternatif complètement dissocié de l'école qui permet d'approfondir une voie professionnelle ou de préparer une reconversion professionnelle. Ce nouveau modèle requiert la participation et l'implication des acteurs de la société civile.