Par Bady Ben Naceur Ça y est, on y est presque pour aller voter. Mais aller voter pour qui et pour quoi? Dans le spectacle affligeant de l'hémicycle du Bardo où les Arpéistes, en groupes ethniques isolés, font leurs arpèges dissonants, au lieu de nous faire écouter quelque prélude agréable de l'ensemble orchestral, il règne un silence terrible qui ne présage rien de bon. Nous avons, quant à nous, été chercher et nous délecter dans le Petit Robert —cet extraordinaire réservoir de vocables qui ont traversé les époques— pour voir s'il y en avait certains empruntés qui pouvaient convenir ou être taillés sur mesure aux habits (d'anciennes ou nouvelles coutumes) que l'on prépare pour la Tunisie de demain. Eh bien, nous les avons trouvés, en feuilletant dans la lettre «p». Ce sont des mots de maux qu'il est nécesaire de revoir et de se rappeler pour le grand débat sur l'avenir de notre pays au sortir des urnes. La Tunisie était, avant la révolution, un pot-au-feu encore digeste. Il gardait encore, comme le disait Emile Zola «son ronflement de chantre endormi». Aujourd'hui, le pays est devenu un, «mélange hétéroclite de choses concrètes, de textes littéraires ou musicaux (de pièces légères comme de nos jours à la télévision ou dans des soirées tapageuses) faites de pièces empruntées, comme célébrées par un livre et des spectacles sortis des compagnons de «Taht-Essour», imaginés par notre ami et collègue Hamadi Abbassi, dans «Tunis chante et danse» édité par Alif Suivent alors d'autres vocables qui désignent des situations que nous vivons actuellement et qui sont entrées dans l'ordre du banal et, somme toute, normales. «Pot-bouille» ou popote ordinaire de ménage comme dans un quartier du m'as-tu vu où l'on proposait du chat à la place du lapin. Sans oublier les pots-de-vin qui ont fini par déstabiliser l'économie du pays. Les dessous de table que l'on appelle combines, trucs et «détournements de fonds» pour détruire l'économie du pays. Ainsi, comme le minet qui est toujours derrière son maître et qui le pourlèche ! Ces vocables qui font des potins à tire-larigot et qui font nourrir le bon peuple d'une misérable potée, une potée de malédiction. Enfin, puisqu'il n'y a plus d'argent dans les poches, on revient très en arrière pour parler d'un vocable cher à Marcel Mauss quand il explore en tant qu'anthropologue la notion de potlatch (le don ou l'échange dans sa forme archéologique). Avec l'obligation de rendre les objets que l'on a donnés. Une expérience polynésienne et qui nous concerne à notre tour. Mais, pour ce dernier vocable, nous verrons, après les élections !