Cent ans sont passés depuis la naissance du grand homme de lettres, Mustapha Khraïef. La Tunisie honore ce centenaire en rendant un hommage appuyé à l'un des piliers de Jamaât taht essour (le cercle de dessous les remparts), né à Nefta le 10 octobre 1909, où il suivit les premiers cours au koutteb avant de partir vers la capitale pour rejoindre l'école de Cheikh Mohamed Manachou : l'école Al Ahlia, d'abord, puis la Zeïtouna, en 1926. A la Radio, avec les amateurs de lettres Il y a connu un grand nombre d'hommes de lettres et a eu pour enseignants Al Khadher Houcine, Tahar Ben Achour, Abdelaziz Jaïet… Il a été le camarade de classe de Hédi Laâbidi, Mahmoud Bourguiba, El Béji, Chebli, Mhidi, Mohamed Dahmani, Jalaleddine Naccache. Mustapha Khraïef a dû néanmoins quitter la Zitouna pour une raison bien simple : sa passion dévorante pour les lettres et les arts. Il rencontrait en ce temps-là les écrivains de son temps dans les jardins du Belvédère ou sur la colline du collège Sadiki pour respirer l'air frais et goûter aux nouvelles productions de ses amis Hédi Laâbidi et Mahmoud Bourguiba. Khraïef et la lutte nationale Mustapha Khraïef accompagna ainsi toutes les étapes de la lutte nationale, glorifiant les héros et martyrs de ce combat pour la dignité et prenant parti pour la cause nationale dans les moments les plus pénibles et les plus cruels. L'enfant de Nefta, dans le Jérid, dut faire face à de nombreuses épreuves qu'il sut surmonter grâce à une volonté de fer. Il se mit à «avaler» les livres et revues arabes, ou traduits en arabe, et à assister aux conférences d'Annadi al adabi (le club littéraire) de l'association des anciens Sadikiens, et aux réunions de Jamaât taht essour (1929-1943), d'El Jamiaâ El Khaldounia. Il a défendu la cause de son peuple, celle pour la libération et l'identité nationale sur les colonnes du journal Lissène Achaab (La voix du peuple), Al Wazir (Le ministre) et Al Doustour (La Constitution). Khraïef rédigea plusieurs études sociologiques pour Assaweb (La raison) et des articles de critique littéraire pour Assourour en 1936. Mustapha Khraïef a été un auteur prolifique. Il régala par ses études et poèmes les lecteurs de plusieurs journaux et revues de l'époque : Al Doustour qu'il publia en 1937, puis Assarih, Al Ousbou, Athouraya, Al mabaheth, Azzohra, Annahdha, Tounès al moussawara (La Tunisie illustrée), Al Horrya, As-Sabah, Al Akhbar, Az-zitouna, Alloughat, Al fikr et Al amal. A partir de ces contributions torrentielles, on peut comprendre que Mustapha Khraïef ne se reposait pas un seul jour. Il a au contraire fait de sa plume un moyen de diriger, de conseiller et d'orienter les gens, encourageant les jeunes écrivains et leur faisant prendre conscience de leur talent. Ainsi produisit-il l'émission Houet el adab (Les amateurs de lettres) à la Radio nationale à partir de 1958. Combattre le colonialisme Menant une existence bohémienne avec ses compagnons de «Jemaât Taht Essour» depuis 1929, Mustapha Khraïef défiait le colonialisme, appelant à le combattre et à défendre jalousement les fondements de l'identité nationale. Jusqu'à sa disparition en mars 1967, il se sert de sa plume pour haranguer, encourager, orienter et pousser. Mustapha Khraïef avait trois fidèles compagnons qu'il avait connus à la Zitouna (Hédi Laâbidi, Mhidi et Mahmoud Bourguiba). Ils se fréquentaient après les cours pour échanger les revues qui leur parvenaient d'Orient et tout ce qu'ils découvraient comme productions de oudaba el mahjar (les écrivains en exil). Ils se lasseront, à la fin, des cours de la Zitouna et rejoindront qui Assawab (Laâbidi), qui Lissène Achaâb (Khraïef) qui Al Wazir (Mahmoud Bourguiba). Des racines classiques Avant de connaître Zine El Abidine Senoussi en 1931, Mustapha Khraïef ne figurait pas parmi les hommes de lettres qui comptaient. Sa production publiée sur les colonnes d'El alam el adabi (le monde littéraire) et dans Lissène Echaâb portait, en effet, la signature «Abou ennokhba» (le père de l'élite). Sa sensibilité, son inspiration et son expression n'avaient pour ainsi dire mûri qu'après son apparition dans les cercles littéraires réunis à «Makteb Senoussi», rue Eddiwane de Tunis. C'est à partir de ce club qu'il avait commencé à «s'infiltrer» dans les milieux littéraires, jusqu'à prolonger ses ramifications auprès de «Jamaât taht essour» en 1936. Sa personnalité poétique ne s'affinera qu'à travers les rencontres littéraires (1936-1943). Elle s'illustrera de façon indiscutable en 1956-1957 lorsque Mustapha Khraïef était devenu un des plus grands hommes de lettres de Tunisie. Ses recueils de poésie «Achouaâ» et «Chaouk wa dhaouk» en font un poète classique, même s'il chercha parfois à imiter les romantiques tels que Ibrahim Nagy, Ilya Abou Madhi, Ahmed Zaki Abou Chadi, Jabrane Khalil Jabrane, Aboul Kacem Chebbi. Sa culture classique fit qu'il retombait régulièrement dans une expression arabe tirant ses racines de la jahilya et de l'ère omeyyade. Sans parler de ses emprunts au Coran et aux proverbes.