Le couple malien, Amadou et Mariam, et le chanteur de soul américain Jalen N'Gonda inaugurent la 13e édition du festival du «Jazz à Carthage». Attendu chaque année avec la même ferveur et le même enthousiasme de la part des férus de jazz tunisiens et étrangers, le festival Jazz à Carthage était encore une fois à la hauteur des attentes, tant sur le plan de l'organisation et les mesures de sécurité que sur la qualité du programme offert qui était de grande qualité. En témoigne la soirée d'ouverture qui a rassemblé vendredi dernier des musiciens et des chanteurs de grand talent. La première partie de la soirée était placée sous le signe de la découverte. Nouveau parmi les grosses pointures du soul, le jeune Américain Jalen N'Gonda a tous les atouts d'un grand «soulman». Originaire du Maryland, mais il nous vient de Liverpool, la ville qu'il a choisie comme terre d'accueil afin de s'épanouir en tant que musicien. Le jeune Jalen N'Gonda se décrit comme étant issu de la classe ouvrière. Il s'intéressa à la musique à l'âge de 11 ans, en fouillant dans la collection d'albums jazz, hip-hop et soul de son père. Quelques années plus tard, Jalen, fut déclaré par l'Académie du Liverpool international music festival (Limf) comme étant l'un des artistes les plus prometteurs pour l'année 2015. En plus de sa performance au Limf, l'artiste a fait des apparitions au Fiesta Bombada et au Liverpool Soulfest, en plus de jouer en première partie des tournées de Laura Mvula et de Martha Reeves. D'entrée de jeu, le ton de la soirée est donné. Avec sa voix de velours et ses arrangements blues, Jalen ne laisse pas d'autre choix à ses auditeurs que de le suivre au sein de son univers musical. Ce qu'on disait de lui est vrai. Dans sa musique, on retrouve le moderne et le «old school». Il possède un peu d'Otis Redding, de Ray Charles, ou encore de Sam Cook et les artistes de la scène soul de Chicago. «Le petit-enfant du Rand B, le vrai, l'ancien, le rythm and blues des années 1960». Maniant la guitare aussi bien que le chant, Jalen nous embarquait dans un univers riche et subtil à travers des compositions aux rythmes accrocheurs, tantôt berceurs, tantôt dynamiques et «mouvementés» pleins de fulgurances entre jazz, blues et soul. Tant d'émotions palpitent dans les singles que la voix de Jalen a pu transmettre en toute beauté. Au grand plaisir du public ! Une musique qui éclaire les esprits et enchante les cœurs «Chaud», c'était le maître mot le plus récurrent et qui servait de refrain durant la deuxième partie de la soirée. Efficace, puisque cela a pu réchauffer le public et l'entraîner dans la danse, lui, qui était un peu réticent durant la première partie de la soirée. Il s'agit du célèbre couple de musiciens aveugles maliens, Amadou et Mariam, qui se produisent pour la première fois en Tunisie. La seconde et belle découverte pour le public de Jazz à Carthage ce soir-là. Surnommés «Le couple aveugle du Mali», Amadou et Mariam promènent leurs notes chaleureuses depuis près de trente ans. Après un long début de carrière en Afrique, le duo s'est imposé sur la scène internationale en deux temps, d'abord avec la chanson «Mon amour, ma chérie» en 1998, puis en 2004 avec l'album «Dimanche à Bamako». Sur scène, les musiciens et les chanteurs dialoguent, chacun répondant à la proposition musicale et vocale de l'autre. Des morceaux aux couleurs d'une Afrique belle, solide, riche et généreuse. Des morceaux joyeux, mais empreints de gravité. Durant ce concert, le couple nous a interprété des titres de leur huitième album Intitulé «La Confusion». «C'est dur, les temps sont durs, l'insécurité partout, c'est chaud partout, la guerre partout, la haine partout», chantaient Amadou et Mariam sur «C'est Chaud». Il s'agit de l'un des tubes en puissance de ce nouvel album, mais c'est aussi un titre sur l'exode des Africains. Il résume bien l'esprit à double tranchant de cet opus : doux amer, en prise avec la réalité du monde. Les morceaux originaux et attachants se succèdent sur un fond sonore, tantôt afro-funk et disco — comme «Bofou Safou» (terme bambara désignant de jeunes garçons préférant danser que travailler) — ,tantôt jazz, pop et rock. D'autres chansons, comme l'émouvante ballade «Mokou Mokou», partent d'une orchestration dépouillée pour s'enrichir de chœurs, de percussions, d'orgue, de guitares, dans un élan de cordes sensible parfaitement maîtrisé. Possédant de magnifiques voix, Amadou et Mariam nous ont entraînés, ensemble, puis tour à tour dans un univers sonore saisissant où naissent couleurs, sons et émotions. Pour ceux qui ne connaissaient pas encore le couple, plus qu'une découverte, c'était une révélation, ce soir-là, celle d'artistes africains solides et éclairés. Le public était conquis !