Le samedi 7 avril 2018 est une journée particulière dans le processus politique national, dans la mesure où la rencontre qui s'est déroulée au palais de Carthage entre les présidents Caïd Essebsi, Youssef Chahed et Mohamed Ennaceur et les deux chefs des centrales syndicales ouvrière et patronale, Noureddine Taboubi et Samir Majoul, a montré que quand la volonté de surmonter les crises est partagée, on peut avancer, ensemble, sur la voie d'une solution consensuelle qui éviterait au pays davantage de divisions et de tiraillements. Que Noureddine Taboubi pousse la colère jusqu'à déclarer que «le gouvernement Youssef Chahed a conduit à la pire situation depuis la révolution», que Samir Majoul ne mâche plus ses mots pour appeler «au départ immédiat de Youssef Chahed et de ses ministres qui démontrent quotidiennement leur incompétence», que les Tunisiens perdent confiance en «ces partis politiques dont les leaders ne font que perdurer la crise et servir leurs agendas personnels», rien n'est pour autant perdu quand on décide de s'asseoir sur la même table pour se dire tout ce qu'on a sur le cœur, s'échanger les reproches, les critiques et aussi les propositions pour avancer et convenir — et c'est là l'essentiel — sur la nécessité de mettre un terme à la division et aux tiraillements pour promettre aux Tunisiens une nouvelle feuille de route qui aura la particularité d'être réaliste et réalisable. Et la nouvelle feuille de route dont on attend le dévoilement dans les jours à venir des principales composantes a la spécificité d'émaner ou de naître de ceux qu'on peut appeler sans risque de se tromper «les décideurs». Et ces décideurs sont bien les trois présidents de la République, du gouvernement et du Parlement soutenus par les deux organisations nationales qui comptent dans le pays, l'Ugtt et l'Utica. Et même si le communiqué officiel sanctionnant la réunion de samedi n'a pas donné de détails sur ce qui a été discuté et surtout sur ce qui a été décidé et même si les participants se sont asbtenus de distiller aux médias les indiscrétions coutumières et les révélations qu'on a l'habitude de découvrir sur ce qui a été dit et sur ce que chacun va faire, il est significatif de relever un fait : cette fois, il y a un accord tacite sur la nécessité de révéler au moment qu'il faut les décisions qui ont été prises samedi dernier et qui seront annoncées probablement quand la commission des experts remettra sa copie. Il reste une remarque qui n'a pas échappé aux Tunisiens qui ont suivi la rencontre de Carthage à travers la presse écrite ou les médias sociaux : pourquoi les partis politiques, dont en premier lieu Ennahdha et Nida Tounès, n'ont pas été invités à la messe générale et pourquoi Mohamed Ennaceur, le président du Parlement, s'est-il joint à la rencontre ? Beaucoup d'observateurs estiment, en effet, que le président Caïd Essebsi, initiateur de la rencontre, a vu juste en tenant à l'écart «les partis politiques qu'on considère malheureusement comme étant à l'origine des tensions qui marquent actuellement le paysage politique national». «Leur absence est plutôt une bonne décision dans la mesure où leurs représentants ne disposent pas de l'expérience nécessaire et de la hauteur de vue qu'il faut pour imaginer les solutions consensuelles dont le pays a besoin aujourd'hui», ajoutent les mêmes observateurs. Quant à Mohamed Ennaceur, réputé pour être M. Dialogue et bons offices, sa présence au palais de Carthage apporte cet équilibre qui a toujours manqué quand il s'agit de trouver des solutions qui contentent tout le monde et montre également que l'élargissement du dialogue et l'association de l'institution parlementaire à la résolution des crises dénotent la volonté d'avancer ensemble sans que personne ne soit exclu.