Selon une étude de l'Organisation de coopération et de développement économique (Ocde), les perspectives pour l'économie tunisienne semblent s'améliorer avec des prévisions de croissance de 2,8% en 2018 et de 3,4% en 2019. Un optimisme mesuré, toutefois, puisque les défis auxquels fait face l'économie tunisienne persistent encore. L'inflation, la dépréciation du dinar, l'endettement extérieur, le déficit courant, le déficit commercial sont autant de facteurs qui continueront de peser davantage sur la performance de l'économie tunisienne. L'étude indique que l'assainissement de la dette publique doit s'inscrire sur un horizon à moyen terme et être accompagné de réformes structurelles pour relancer l'activité et la création d'emploi dans le secteur privé ainsi que réorienter les dépenses publiques au profit des populations défavorisées et de la croissance inclusive. De même pour l'investissement privé qui a baissé ces dernières années, souffrant des réglementations excessives sur le marché des produits et des procédures administratives complexes qui peuvent générer de la corruption, d'une fiscalité peu prévisible, des difficultés croissantes pour le passage des biens en douane et leur transport maritime et d'un système financier peu favorable aux jeunes entreprises et à celles en croissance. D'où l'importance d'une réforme structurelle dont la loi sur l'investissement est la pièce essentielle. La problématique du chômage est également une contrainte majeure pour réduire les disparités socioéconomiques en Tunisie. Les inégalités sur le marché du travail persistent, selon l'étude, avec un grand pourcentage pour les jeunes diplômés. L'emploi informel fait partie intégrante de ce paysage où la précarité est devenue un constat pour plusieurs jeunes. Ainsi, faire face aux défis qui entravent la croissance et le rétablissement des équilibres économiques est un objectif majeur pour le gouvernement tunisien. L'inflation qui continue d'augmenter davantage depuis l'année dernière fait partie des objectifs principaux de cet effort. Selon l'Ocde, il faudrait introduire un régime de ciblage de l'inflation comme en Afrique du Sud, au Canada, au Chili, en Colombie, etc. Ce ciblage requiert, néanmoins, des prérequis consistant en un système bancaire solide, des marchés financiers développés, la stabilité macroéconomique et l'ouverture du compte de capital. Consolidation Il s'agit également de consolider le secteur bancaire, surtout que l'accès au financement bancaire pose toujours problème pour certaines entreprises. Selon l'étude, entre 2010 et 2016, la part des créances douteuses dans le total des crédits est passée de 12 à 15,4 %, ce qui est élevé par rapport aux pays de l'Ocde, et a même atteint 20 % dans les banques publiques. La consolidation du secteur bancaire permettrait, d'après l'étude, de réaliser des économies d'échelle significatives, en s'appuyant sur les progrès des technologies de l'information et sur une diversification plus judicieuse. De même pour un désengagement de l'etat, ayant des participations dans une dizaine de banques de 10 à 8%. L'Ocde recommande également de reconsidérer le plafonnement des taux d'intérêt qui limite la concurrence et rend difficile la tarification du risque. Dans cet état d'esprit, un projet d'amendement de la loi relative aux taux d'intérêts excessifs a été présenté à l'Assemblée des représentants du peuple et devrait être discuté début 2018. En outre, l'étude considère qu'il faudrait améliorer les dispositifs de financement des investissements dans les régions de l'arrière-pays, évoquant le projet de la Banque des régions, visant à améliorer l'accès au financement des très petites, petites et moyennes entreprises. Assainissement Selon l'étude, il est aussi impératif d'assainir les finances publiques en préservant la croissance et renforçant la justice sociale et de les remettre sur une trajectoire soutenable. La dette publique qui augmente davantage d'année en année démontre bien cette problématique. Un constat qui requiert le rétablissement de la soutenabilité de la dette en axant sur un effort d'assainissement budgétaire et sur les réformes structurelles susceptibles de renforcer la croissance. Selon les simulations de l'Ocde, il faudrait mener simultanément un ajustement budgétaire graduel et une réforme des réglementations sur les marchés des biens et services pour permettre de neutraliser les effets négatifs qualifiés de temporaires de l'ajustement budgétaire sur l'activité et d'inscrire le ratio dette publique/PIB sur une trajectoire baissière. Au niveau de la fiscalité, l'étude indique que la charge fiscale demeure élevée et qu'il faudrait privilégier l'efficacité et la justice fiscale. On recommande, ainsi, d'élargir l'assiette fiscale pour augmenter les recettes publiques et d'opérer de la transparence sur le coût et les bénéficiaires des incitations fiscales. On considère que la publication du rapport sur les dépenses fiscales prévue pour 2018 est une première étape. De même, certaines incitations fiscales, notamment pour l'acquisition de logements, devraient être reconsidérées puisqu'elles détournent l'épargne d'un investissement plus productif et tendent à bénéficier aux ménages les plus riches. Selon l'Ocde, les économies réalisées pourraient être en partie réorientées pour améliorer l'offre de logements pour les plus démunis. Il s'agit aussi d'effectuer des évaluations de certaines incitations fiscales pour l'investissement, voire les éliminer, si elles s'avèrent peu efficaces. De même pour la fraude et l'évasion fiscale dont la lutte devra être renforcée. L'Ocde souligne qu'un rapprochement de la direction de la comptabilité publique et de recouvrement et de la direction du contrôle devrait améliorer le recoupement des informations et augmenter les taux de recouvrement, relativement faibles actuellement.