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Une vie au Lycée El Omrane
Panorama - Portraits de la vie ordinaire - Chedly Koubakji, Censeur chargé des élèves
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 05 - 2018

«Je prenais l'élève victime sur mon épaule et courais à l'urgence. Evidemment, à force de prendre des initiatives, on se fait attraper parfois. Mais ce n'est pas grave, je ne regrette rien».
Chedly Koubakji, né à Tunis, à la retraite, veuf, père de deux garçons et une fille et grand-père. Il est diplômé de l'école normale des professeurs adjoints. Il a enseigné le français au Lycée Mixte de Gafsa et dans d'autres régions comme Djebel Oust, pour être nommé ensuite surveillant général au Lycée Technique de Tunis. A la tête du bureau des examens au ministère de l'Education pour une période, son parcours prend son envol au Lycée secondaire d'El Omrane. Et pour cause : «j'y ai passé vingt ans de ma vie». Surveillant général, il a été promu censeur chargé des élèves de ce grand lycée perché sur une colline, regardant le Belvédère, d'où on pouvait apercevoir, depuis certaines de ses salles, l'éléphant du Zoo s'ennuyer à mourir.
Le Lycée de Jeunes Filles d'El Omrane est un établissement gigantesque, rien que l'internat fait trois étages, 3.000 repas par jour, près de 900 élèves. L'Etat versait 600 millimes par jour et par élève. La situation était devenue intenable et le budget rétrécissait comme peau de chagrin, «mais on essayait de nous en sortir avec les moyens du bord».
Il a choisi ce métier par amour des enfants. Les côtoyant dans le mouvement scout, maîtrisant l'art de les apprivoiser une fois devenu adulte. «J'aime les enfants, un penchant aiguisé par l'éducation que j'ai reçue dans le scoutisme. Des vertus comme la capacité d'écoute, l'esprit d'initiative, le don de la communication y ont été développées. Cette éducation m'a aidé à réussir dans mon métier. Je le dis modestement, ce que je faisais n'était en rien comparable au travail de certains de mes collègues».
Il se sentait responsable de tous les élèves
«Pourquoi donc?» «Quand je travaillais au lycée technique, des accidents liés aux utilisations des machines étaient assez fréquents. Je n'attendais personne, ni autorisation du directeur ni instruction du ministre. J'étais le directeur et le ministre à la fois. Je prenais l'élève victime sur mon épaule et courais à l'urgence. Evidemment, à force de prendre des initiatives, on se fait attraper parfois. Mais ce n'est pas grave, je ne regrette rien».
Une fois au milieu de la nuit, au lycée El Omrane, le gardien a frappé à sa porte lui annonçant qu'un élève de 17 ans est au plus mal, «tremblant de tout son corps, il a de la fièvre, il va probablement mourir». L'internat avait sa surveillante générale mais le gardien a préféré venir le voir lui. Tout le monde sait que Si Koubakji ne recule devant rien.
«J'ai appelé le médecin qui a diagnostiqué une appendicite. L'élève devait donc être opéré d'urgence. Sa famille, vivant à Sfax, était injoignable. Je me suis senti comme Robinson Crusoé, seul sur une île. C'était à moi de décider. Je ne pouvais réveiller personne ni la directrice du lycée ni la surveillante générale de l'internat, le cas était tellement urgent qu'on ne pouvait tergiverser. J'ai levé mes bras au ciel et demandé l'aide de Dieu. Le médecin que j'avais consulté est privé, j'ai décidé de me diriger vers l'Etat, ses établissements, ses services et son personnel soignant. J'ai pris le jeune homme à Charles Nicolle. C'était finalement une angine purulente. Il fallait juste la soigner à l'aide de médicaments. J'ai soufflé parce que l'opération chirurgicale a été évitée, à l'heure où j'étais l'unique responsable de cet élève. Oui j'ai eu peur !».
Il se sentait responsable de tous les élèves du lycée El Omrane. 20 ans de sa vie passés entre des moments joyeux, durs, éreintants. C'est lui qui ouvrait la porte le matin, supervisait la fermeture du lycée à 18h00. Il a travaillé avec la directrice Mme Chahata. «Les directrices qui se sont succédé à la tête du lycée, je les salue toutes». Certains de ses collègues rechignent à travailler avec les femmes, lui était le second d'une femme et n'y voyait aucun problème.
Des considérations politiques interfèrent dans la profession
«Je ne restais pas au bureau, j'étais toujours dehors, dans les couloirs. Une fois j'attrape un élève en train de courir dans la cour de l'école alors qu'il devait être en classe. C'est son professeur doublé d'un délégué syndical qui l'a envoyé chercher un paquet de cigarettes. Si un accident survenait, une catastrophe s'abattrait sur le professeur, le lycée, le ministère. Les enfants sont une responsabilité ! C'était ma priorité à moi!».
«Que pensez-vous de la situation de l'enseignement?». «En l'Etat actuel des choses, je suis pour l'enseignement public ou privé pour le préscolaire jusqu'aux petites classes. Mais dans les cycles secondaire et supérieur, c'est le public qui doit avoir le monopole. Théoriquement, il y a des garanties mais pas du côté du privé, ou pas toujours».
Seulement, l'Etat n'est plus en mesure de répondre seul aux demandes qui vont grandissant. «C'est vrai, par ailleurs, des facteurs exogènes sont en train d'envenimer la situation, relève l'homme de métier. Trop de critiques, trop de demandes, trop de grèves, plus grave encore, des considérations politiques interfèrent dans la profession. C'est très grave ! Un éducateur, un enseignant se doit de rester neutre». A bon entendeur !
«Et aujourd'hui?» «Laisser-aller et relâchement sont les maîtres mots, regrette-t-il. Si on ne peut fournir des salles de permanence, il faut bannir les heures creuses des emplois du temps». Perdu dans ses souvenirs, il ajoute «les professeurs exigent des emplois du temps faits sur mesure. Si une heure, une seule ne convient pas, il fait de toi son ennemi. Certains ne voulaient pas travailler samedi, ni lundi, voulaient finir à 16h00, les requêtes n'en finissaient pas».
«Et aujourd'hui ?» «C'est pareil, préparer les emplois du temps est de plus en plus dur. Alors que l'administration doit jongler avec plusieurs contraintes à la fois».
Si Koubakji, lui, est de la trempe des fonctionnaires de l'Etat qui travaillent encore quand la rupture du jeûne sonne. Il contrôlait tout, personne ne le lui demandait, mais lui faisait tout. «Je travaillais dans la cave du lycée la nuit avec 15 fonctionnaires, procédant au cachetage et codage de l'épreuve du bac. Tout devait être fait à temps et dans les règles».
Le mot discipline avait du sens
M. Koubakji et bien d'autres responsables et professeurs ont marqué les esprits et leur temps en faisant la notoriété du lycée El Omrane au temps da sa gloire. Mlle Kchouk, surveillante générale, semblait, elle, dotée du don d'ubiquité. Elle était partout, invincible, résistante avec sa voix qui résonne encore et son agilité à parcourir sans répit salles, couloirs et cours du grand lycée. Connaissant les élèves un par un, à l'affût de la moindre faute, le nom du ou de la contrevenante retentit alors, explose dans les airs et les longs couloirs. La dénonciation est publique. Ce jour-là on s'était permise une fantaisie, on est rappelée à l'ordre sans ménagement : «Ferme ton tablier et enlève-moi ces boucles !», crie encore la voix. Respect de l'autorité et discipline avaient du sens à l'époque.
Si Koubakji était aimé, craint et respecté. «Quand je croise aujourd'hui mes élèves devenus adultes, ils me disent m'avoir compris enfin, sourit-il modestement. J'étais sévère mais je faisais venir des élèves chanter dans mon bureau.
Le scoutisme fait du chant un instrument d'éducation». De ce long chemin parcouru, il n'en tire aucune vanité. «Je suis un citoyen tunisien qui a fait son devoir». La rencontre, qui a remué tant de souvenirs lointains, a été émouvante, presque bouleversante. Si Koubakji en était ému jusqu'aux larmes. Mais l'homme a un testament ; «Je m'adresse à l'ensemble du pays : il faut rétablir les écoles de métier. Les professeurs et les instituteurs doivent être formés par des écoles spécialisées et non des universités. L'université est le temple du savoir, mais pour enseigner, il faut maîtriser les instruments de l'enseignement et de l'apprentissage». Voilà qui est dit, reste à ce que ce soit compris.


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