Avec aisance, l'artiste explore des airs marocains, algériens et tunisiens, maîtrisant les sonorités et accents respectifs des trois répertoires unis le temps d'une mélodie. Le troisième rendez-vous du Festival de la Médina a été animé par la chanteuse Syrine Ben Moussa, lundi 21 mai, au Théâtre municipal. Sur un fond de rideau drapé rouge, une scène attrayante et élégante accueillait en demi-cercle six instrumentistes, deux choristes et un pianiste, tous de noir vêtus. Ils ont exécuté d'entrée de jeu une belle performance musicale. Le tempo est donné. Arrive souriante la vedette pour littéralement illuminer le théâtre. Syrine Ben Moussa parée d'étoffe soyeuse rouge et verte, et ornée de bijoux traditionnels entame le spectacle, jouant du luth et chantant de sa voix forte et mélodieuse. Les éléments sonores et visuels ; le décor, les morceaux choisis, l'artiste elle-même, tout suggère une recherche esthétique ressuscitant l'ambiance des salons de Madinat Al-Zahra de Cordoue, où poésie, chant, musique et beauté étaient à l'honneur. Le concert s'intitule justement «L'héritage andalou magrébin». Les dieux semblent s'être réunis pour décider du succès de ce moment affranchi du temps. Le public, plutôt initié, est venu pour voir et écouter une artiste professionnelle qui n'a rien perdu de sa spontanéité. Dotée d'une forte présence sur scène et d'un charme fou, elle semblait découvrir ses propres émotions en chantant «Ya nass jaritli gharayeb», «Ana targui wild targya», «Ya magouani», «Kan fi omri achrine», «Awadaouni», «Acheg mamhoun nari lhiba». Unis le temps d'une mélodie Elle chante seule, invite parfois le public à lui donner la réplique, effectue avec élégance quelques pas de danse, déclame les premiers couplets de ses chansons qu'elle a elle-même écrites et composées. Les mots sont tunisiens, les thèmes universels, la sensibilité qui s'en dégage est celle de Syrine Ben Moussa qui semble détenir un pouvoir enchanteur. Les registres patriotique et religieux sont touchés sans provoquer de rupture avec la cohérence musicale et thématique du spectacle. Avec aisance, l'artiste explore des airs marocains, algériens et tunisiens, maîtrisant les rythmes et accents respectifs des trois répertoires unis le temps d'une mélodie. On y chante l'amour, le manque et les déceptions. Quelques pages du malouf sont revisitées. Ambassadrice de l'association «Omnyati», qui réalise les vœux des enfants atteints de longues maladies, Syrine Ben Moussa invite une chorale de fillettes chanter avec elle. Une nuée d'anges blancs a papillonné sur scène. Un moment touchant. Sur des arrangements de Clément Duthoit et de Iyadh Labbene, les musiciens en parfait accord avec leur vedette ont excellé. Mention spéciale à la flûte enchantée de Nawfal Al Manaa. Le spectacle a démarré vers 22h15 pour prendre fin à minuit. Le temps est passé très vite. Vivant en France, Syrine Ben Moussa est directrice du Festival des musiques sacrées de Paris. La soirée donnée à Tunis a pu concilier exigence du goût et légèreté du divertissement. On aimerait la voir plus souvent. Le grand public ne semble pas la connaître, le Théâtre municipal étant moyennement rempli. Quant à l'auditoire présent jusqu'à la fin, il semble avoir fortement apprécié ce moment de qualité et l'a fait savoir.