Vente conditionnée, factures salées... les dépassements sont nombreux Comme le veulent nos traditions ramadanesques, les cafés sont pris d'assaut quelques moments seulement après la rupture du jeûne. Passage obligé pour les noctambules à la recherche de «défoulement» après les longues heures d'abstinence, ils affichent vite complet, et gare aux retardataires retenus, at home, par les interminables feuilletons, sitcoms et programmes de jeux que diffusent nos chaînes TV à satiété, c'est généralement à partir de 21h00 que la plupart des cafés commencent à jouer... à guichets fermés: plus aucune table libre, et les chaises de devenir des denrées rares. Tout cela n'est pas nouveau, diriez-vous. Et c'est vrai. Mais là où le bât blesse, ce sont les abus dans lesquels versent ces cafés dont les tenanciers, visiblement comblés par l'affluence massive des citoyens, s'enhardissent à privilégier la quantité au détriment de la qualité, aimantés qu'ils sont par l'obsession du gain facile. Ainsi, la priorité des priorités est aveuglément accordée aux tables les plus «lucratives», celles-là mêmes où la consommation est reine : cafés, jus, boissons gazeuses et eau minérale se disputent le terrain, par parties de belote et rami interposées. Autour de ces tables choyées et bénéficiant d'un traitement spécial, le patron de la boîte n'hésite pas à mobiliser deux garçons, surtout que ces jeux de cartes opposent généralement des joueurs épris... de paris et de mises, dont une partie du bénéfice finit, il est vrai, dans la caisse du propriétaire de l'établissement! Au même moment, des tables, commercialement peu rentables, sont condamnées à la... guigne. Au point que le garçon ne s'y manifeste qu'après une longue attente. Mais le cortège des abus ne s'arrête pas là. En effet, dans ces cafés populaires où on éprouve souvent toutes les peines du monde pour passer d'une table à une autre, la guerre des mots se déclare à tout moment, avec l'implication de clients nerveux qui enchaînent parfois insultes, diatribes et invectives, si cela ne se termine pas en queue de poisson, bagarre rangée en apothéose! Le tout sous le son assourdissant du poste TV... Romantisme au prix fort Ailleurs, dans les cafés chics dont pullulent les cités huppées, la différence est terriblement immense. Le jour et la nuit, quoi ! On y est chaleureusement accueilli, royalement servi dans un décor où le luxe et le confort le disputent au romantisme et au calme. Or, pas question de rester bouche bée au moment de payer l'addition. C'est que, à la caisse, on n'admire pas vos beaux yeux mais on admire le contenu de vos poches. Et pour avoir accepté de s'y amener, on n'a qu'à honorer la facture rondelette où les tarifs rivalisent de folie. Et là, attachez vos ceintures : 4 dinars le café, 5 dinars la bouteille d'eau minérale, 6 dinars pour un jus loin d'être bio et tout le bazar. Réservez-moi une table Se voulant «in», de nombreux cafés exerçant dans le pays se sont mis à l'heure de l'innovation. Si les uns se sont investis dans l'animation en faisant appel à des instrumentistes pour égayer la veillée ramadanesque, d'autres sont allés jusqu'à installer des écrans TV géants à l'intérieur de l'établissement, et parfois même sur la terrasse du café. L'autre nouveauté adoptée consiste à opter pour... les réservations. En ce sens que la fidèle clientèle le fait dans la matinée, via le portable. Nos hôtels et restaurants ne peuvent qu'en être ravis, cette pratique qui était leur chasse gardée ayant fait tache d'huile...