Les notes de chaque instrument épousant celles de l'autre, goûtant, le temps d'un morceau, à sa culture et explorant son univers. La rencontre est celle de deux jeunes et talentueux musiciens, deux univers et deux sensibilités. Il y a, d'un côté, la harpiste française Maïa Darmé qui vient régulièrement en Tunisie. Elle est reconnue pour son jeu inventif et se produit sur tous les continents, dans des festivals, pour des productions théâtrales ou avec des compagnies de danse. Navigant avec facilité entre harpes anciennes et harpes électriques, elle se passionne pour les collaborations artistiques les plus surprenantes et joue aussi bien avec des ensembles classiques que des groupes de rock, de jazz, de reggae, de hip-hop, de musique expérimentale, de pop ou encore de musiques du monde. Elle a d'ailleurs, dans ce sens, créé un autre projet de fusion avec un jeune musicien tunisien, Mohamed Ben Slama, guitariste et joueur de Goumbri où, entre autres, ils réarrangent d'anciennes chansons tunisiennes pour les marier avec des sonorités plus actuelles. De l'autre côté, l'on trouve le joueur de Qanun tunisien Mohamed Amine Kalaï, un fier représentant de son instrument de prédilection, et le répertoire de la musique tunisienne, sur les scènes des festivals nationaux et à l'étranger, notamment en France, en Autriche, en Italie ou encore en Turquie. La rencontre est celle encore de ces deux instruments uniques et trop peu connus en dehors de leurs cultures et répertoires respectifs, des instruments que ces deux jeunes gens ont appris à aimer, à dompter et à imposer dans d'autres sphères musicales, à les marier avec d'autres sonorités, d'autres cultures... Cette rencontre a donné lieu à une magnifique création musicale intitulée «Mille et une notes» que le public a pu découvrir et apprécier, mercredi dernier à l'espace culturel L'Agora à La Marsa. Les deux artistes, qui ont baptisé leur duo «Harkan», contraction du nom des deux instruments et clin d'œil à la langue turque et arabe, «Harkan» signifiant dans la première «prêter l'oreille» et dans la seconde «le mouvement», nous ont convié à un succulent voyage musical à travers un répertoire éclectique, fruit d'un travail d'arrangement jouant sur la proximité des timbres des deux instruments cousins et provenant de cette volonté tenace des interprètes d'abolir les frontières et d'aller au-delà des préconçus entourant leurs instruments. De la subtilité, une belle présence scénique, de la maîtrise, de la sensibilité et surtout la magie de cette fusion entre la harpe et le Qanoun. Face à face, faisant parler leurs cordes, Maia et Mohamed Amine ont apporté magie et béatitude à cette soirée, de quoi nous émerveiller et nous transporter. Les notes de chaque instrument épousant celles de l'autre, goûtant, le temps d'un morceau, à sa culture et explorant son univers... Allant du baroque aux bachrafs, de l'oriental et occidental, visitant des œuvres savantes et traditionnelles ou encore des pièces lascives et enjouées. «Mille et une notes» a régalé l'audience à travers des morceaux turques (sultani yegah sirto, nikriz sirto..), tunisiens (Anouar Brahem...), hispano-andaloux (recuerdos de la alhambra, romance anonyme, caprice arabe...), baroques (Vivaldi) et français. Bravo et bon vent!