Pendant tout le mois de Ramadan, la vie nocturne à Kairouan est faite d'images réjouissantes, de visions modernes et anciennes, de rituels indémodables et de rencontres très chaleureuses dans les cafés, les mosquées, les espaces publics aménagés, les salons de thé et les foyers. Et parmi les charmes du mois saint, on pourrait citer le fameux coup de canon qui annonce d'une part le moment de la rupture du jeûne et de la délivrance et d'autre part le début du jeûne, une demi-heure avant l'aube. Par ailleurs et malgré l'existence de radios-réveils et de téléphones portables, la place du tabbel est indétrônable. En effet, il présente pour tous les Kairouanais une dimension symbolique et civilisationnelle d'autant plus qu'il fait partie, en quelque sorte, de notre patrimoine immatériel. Il va sans dire qu'au sein de la vieille ville il y a une certaine complicité entre les habitants et le tabbel dont ils apprécient les tournées nocturnes, les appels rythmés mêlant sérieux et convivialité, allant parfois jusqu'à appeler par son nom le père de famille dont le logement est abordé. En outre, on lui offre des pâtisseries et de l'argent, et ce, afin de l'encourager à continuer d'exercer ce métier provisoire et limité dans le temps d'autant plus que beaucoup de Kairouanais trouvent que Ramadan sans les sons des 2 baguettes et du tambour ressemblerait à un Ramadan dans une ville européenne. D'ailleurs, on remarque souvent la présence d'enfants qui suivent le tabbel et qui l'accompagnent en battant des mains et en chantant, et ce, au milieu des quartiers qui se vident petit à petit avant la collation du s'hour et la prière d'El Fejr. Et même si, en hiver ou en automne, le tabbel est parfois confronté aux intempéries, il éprouve une joie immense en arpentant les différents quartiers et en créant une ambiance chaleureuse et conviviale.