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Une épreuve, mais surtout une fête grandiose
Notre cher et vénéré Sidi Romdhane est parmi nous
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 05 - 2017

Nos sociétés musulmanes ont transformé ce mois de l'austérité en mois de l'abondance, cette période d'abstinence, de retenue et méditation en fête totale.
Quand il débarque avec sa baraka, il nous prend dans un voyage plein de sensations, parfois contradictoires et nous plonge dans un fleuve d'événements qui se succèdent mais ne se ressemblent pas. Une véritable procession du corps et de l'esprit.
Il est le neuvième mois lunaire du calendrier hégirien. Vous l'avez reconnu, c'est notre fameux Ramadan, que nos ancêtres ont appelé «Sidi Romdhane», c'est-à-dire notre vénéré maître, le mois saint de Ramadan. Car, entre autres, il est le mois choisi par Dieu pour y révéler sa parole éternelle, le Coran, au cours de «la Nuit du Destin».
Il débarque et il chamboule toute notre routine quotidienne. A commencer par notre régime alimentaire. Il débarque et on l'accueille avec pleins d'égards comme un hôte de marque. Il nous impose sa loi et l'on sollicite ses récompenses. Il part et il laisse un vide immense. On fête son départ et on le pleure aussi.
Epreuve faisant partie des cinq piliers de l'Islam, le jeûne du mois de Ramadan est une occasion pour le musulman d'apprendre à se maîtriser, face aux caprices de certains besoins humains et aussi face à des situations sociales pouvant générer des comportements agressifs. Il est aussi une occasion propice aux réconciliations.
De l'aube jusqu'au coucher du soleil, tout musulman qui répond à certaines conditions bien définies, dont certaines sont circonstancielles est tenu donc s'abstenir de boire, de manger et de s'accoupler. Il doit aussi s'abstenir de tous gestes et paroles répréhensibles.
Un mois de retenue, d'abstinence, de prières, de méditations et autres bonnes actions qui visent à rééduquer le musulman pour faire de lui un membre sain de la société. Un mois clôturé en apothéose par une fête grandiose, l'Aïd el fitr, fête du dé-jeûne qui annonce la fin de l'abstinence, ou délivrance totale, donc reprise des rythmes quotidiens.
Mais nos sociétés musulmanes ont transformé ce mois de l'austérité en mois de l'abondance, cette période d'abstinence, de retenue et de méditation en fête totale. Une occasion où l'on s'adonne à bon nombre d'excès, licites cela va sans dire. Chez nous, on n'observe pas le Ramadan seulement, on le fête aussi.
Des traditions sont donc venues s'y incruster et se sont transmises de génération en génération et qui ont fait que nos nuits sont devenues plus animées que nos jours. Des nuits festives où règne une certaine liberté sociale, et où enfants et adolescents sont autorisés à veiller dehors.
C'est donc tout un mois de réjouissances au sein même de l'abstinence à laquelle l'on a affaire. Un mois vécu intensément aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des foyers et où une ambiance et des fragrances typiques règnent et donnent un sens tout à fait original aux sociétés musulmanes. Génial, non!?
De préparatifs en préparatifs
Préparatifs est le leitmotiv ramadanesque. On se prépare pour l'accueillir, on prépare les plats puis la table de rupture du jeûne, on prépare la fête de la nuit de la première quinzaine du mois, celle de la Nuit du Destin (27e jour), et ce qu'elle pourrait engager comme fêtes familiales (fiançailles et circoncision surtout), l'Aïd avec tout ce que cette fête nécessite comme rites (pâtisseries et habits neufs surtout), etc.
Donc, dès l'avènement du huitième mois, celui de Chaabane, familles et même autorités entament les préparatifs. On nettoie, on répare, on badigeonne, on peint, etc. Les familles procèdent par ailleurs au rétamage des ustensiles en cuivre, on renouvelle la vaisselle, etc. On s'y prépare aussi en renflouant le coin provisions de bouche.
Individuellement, l'on s'y prépare en réaffirmant dans son for intérieur son intention d'observer le jeûne et la plupart de ceux qui boivent régulièrement arrêtent de s'adonner à cette pratique plusieurs jours avant l'avènement du mois saint.
C'est le 29 chaâbane et c'est «la nuit du doute». Un laps de temps après le coucher du soleil qui va permettre ou non l'observation du croissant naissant du mois de ramadan. Tout le monde attend la sentence que le mufti est tenu d'annoncer. Ou c'est l'avènement du jeûne ou c'est le 30e jour de chaâbane. Quelle que soit la nouvelle, les félicitations vont fuser de partout.
Le premier jour de ramadan est alors inauguré, dès la veille. Primo,par le commencement des prières facultatives de groupe ou «trawih» qui s'effectuent après la dernière prière obligatoire, celle du «icha», et qui s'étalent tout au long du mois. Secundo par le repas du «s'hour», le petit-déjeuner pris juste avant l'aube qui précède le début du jeûne. Certaines famille en font un vrai rituel de la table familiale.
Les deux ou trois premiers jours de ramadan sont les plus difficiles pour certains, surtout les gros fumeurs. Ils ont alors les nerfs à fleur de peau. C'est la fâcheuse «h'chichet romdhane», une irritabilité exagérée et parfois intentionnelle que certains exploitent pour attester qu'ils observent le jeûne. C'est alors des scènes de prise de becs surtout dans les marchés.
Eh oui, les marchés ! C'est l'affaire des mecs. Ils assaillent ces hauts lieux de l'avant-cuisine pour y exercer leur sport quotidien des caprices, et remplir les couffins de tout et de n'importe quoi. Tous les sens en éveil, chacun se frotte donc au monde où se bousculent odeurs, couleurs et sons et où le toucher trouve aussi sa place.
Quant à la gent féminine, ce sont les travaux forcés au bagne de la cuisine. Et gare à celle qui n'est pas en forme, aussi bien côté endurance physique que côté performances culinaires. Un menu gargantuesque est alors fixé avec l'accord autoritaire du chef de la famille et aussi des enfants. Pour le repas de l'iftar, rupture du jeûne comme pour celui du «s'hour» et parfois même des entremets sucrés pour la soirée.
Après les tables festives, les soirées festives
C'est l'attente frénétique de l'appel à la prière du «moghreb», celle marquant le coucher du soleil, qui annonce la rupture du jeûne. Un moment fort de la journée. En rentrant juste avant la rupture du jeûne après un tour dans le quartier, l'on se presse pour rentrer et c'est les «Chéhya tayyba», ou bon appétit qui fusent de partout.
Toutes les familles ou presque s'affairent pour dresser la table. Festive à souhait, elle ne fait qu'attiser l'appétit et couler l'eau à la bouche. Dehors, tout est quasi immobile et les chats se lèchent les babines.
C'est la délivrance ! Par un coup de canon, la rupture du jeûne est annoncée et c'est le concert des muezzins. A partir du ramadan de l'année 1938, qui a vu le démarrage de la radio nationale, les habitants de Tunis et banlieues vont rompre le jeûne en écoutant la radio qui transmet l'appel du cheikh Ali el Barraq.
Maître de l'art de la Psalmodie, le cheikh a été chargé, ce ramadan là (octobre 1938) d'inaugurer les programmes de la radio et sa voix mystique, est devenue une composante essentielle du ramadan tunisien, surtout après l'extension de la diffusion de ladite radio sur l'ensemble du territoire national.
A table ! et «chéhia tayyba». Certains plats ou préparations sont quasi systématiques, tels que les «chorba» ou soupes et les briks, disques fins de pâte de farine farcis de différentes manières et frits. Les plus fameux sont les briks au thon et à l'œuf, un vrai régal mais aussi une note salée en termes diététiques.
Au cours de la soirée, les hommes vont aller qui à la mosquée pour les «trawih», qui au café et qui à son échoppe ou son atelier. Les femmes vont se rendre visite et les garçons jouer dehors en s'adonnant à leur sport favori, faire exploser les pétards.
C'est dans les places publiques que l'ambiance est à son apogée. Manèges, spectacles populaires, marchands ambulants, etc. Tout est prétexte au divertissement. Au quartier mythique de Bab souika, à Tunis et sous l'œil bienveillant de Sidi Mehrez, saint-patron de la Ville, c'est tout un monde, toute une culture. Place bien éclairée et pleines d'animation, du charmeur de serpent au dresseur de singe en passant par le cracheur de feu.
Cafés où les fameux «f'daoui» exercent leur art de conteur public mais surtout cafés-chantants sont pleins à craquer, et la plupart des échoppes de la fameuse Place Halfaouine se transforment au cours du mois saint en minuscules salles de spectacle. Il y en a de tous les goûts, boîte à images, le fameux théâtre de marionnettes Ismail Bacha, prestidigitateurs, etc.
Bref des soirées qui, selon les saisons peuvent s'étaler jusqu'à l'aube. Mais voilà qu'une demi-heure environ avant le coup de canon annonçant le début du jeûne, un personnage original investit rues et ruelles de nos quartiers. C'est le fameux «boutbila», un bonhomme muni d'un tambourin qui rappelle aux les familles qu'il est temps de se préparer au «s'hour». Un service réglé comme une horloge suisse qui sera récompensé le jour de l'Aïd.
L'Aïd approche
La seconde quinzaine de ramadan débarque, et avec elle d'autres préparatifs. Ceux de l'Aïd, et deux ou trois jours avant, ceux pour la Nuit du Destin. Ce sont toujours les femmes qui assurent concrètement ces préparatifs.
Confections des pâtisseries de l'Aïd, et navettes chez les couturières pour les costumes des filles, au cas où ce ne serait pas elles qui assurent ce second volet. La tâche est herculéenne. Et c'est la solidarité féminine qui, en fin de compte, réussit à la remporter. Une occasion supplémentaire de se réunir, de bavarder, de perfectionner son savoir-faire, etc. Fatigues qui seront dissipées la veille de l'Aïd par un bon hammam. Vœu pieux car la mère doit aussi emmener avec elle les petits. Une tâche qui n'a rien d'une sinécure.
Les hommes eux achètent ce qu'il faut et s'occupent aussi des costumes pour les garçons, en amenant ces derniers chez le tailleur. Ils auront aussi la responsabilité d'emmener les garçons chez le coiffeur puis la veille de l'Aïd au hammam.
Certaines familles profitent de la Nuit du Destin pour fêter la circoncision de leurs jeunes garçons et/ou les fiançailles de leurs enfants respectifs. Donc, de lourds préparatifs au sein des préparatifs déjà lourds pour l'Aïd. Un processus compliqué qui nécessite la mobilisation physique des proches mais aussi leur soutien financier dans le cadre de la solidarité familiale par retour de l'ascenseur.
Le 29 ramadan, c'est encore une fois la «nuit du doute». Tout le monde guette l'annonce impatiemment attendue. Parfois, il faudra terminer le 30e jour. Dès que le jour de l'Aïd est solennellement établi, c'est le début de l'apothéose et les familles se pressent alors de donner l'aumône obligatoire dite «zaket el fitr» aux pauvres. Commence alors la veillée de l'Aïd. Et avec elle un émouvant au revoir adressé à Sidi Romdhane.


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