Ces jeunes qui ont joui d'une liberté totale dans le choix des thématiques abordées et dans le processus de création ont posé leurs regards sur différents aspects sociaux de la ville du Sud-Est tunisien toujours avec ce leitmotiv qui revient à travers leurs caméras, celui de la précarité, la pauvreté, les injustices sociales et l'absence de développement. Le CinéMadart à Carthage a présenté, récemment à l'occasion des rendez-vous cinématographiques hebdomadaires «Les jeudis de Rosa Luxembourg» et en avant-première, une série de courts métrages produits dans le cadre des Rencontres du film documentaire de Redeyef (Rfdr). Créé en 2014 par l'association Nomade et la Fondation Rosa Luxembourg, cet événement met en avant un cinéma engagé et libre qui suscite le débat et soulève des questions actuelles à travers des projections et autres ateliers. Au menu 6 courts métrages réalisés par de jeunes cinéastes (amateurs et professionnels) entre les éditions 2015 et 2017. Ce sont les trois films «Mechouar» signé en 2015 par Ali Kadech et Nadem, «Lempachi» de Okecha Ben Salah, Akrem Fakhri et Hamza Elwaer (2016) et «From Balata to Redeyef» réalisé lors de l'édition de 2016 par le Palestinien Mohamed Ben Salah Aissa, qui ont inauguré cette soirée cinématographique. Des exercices filmiques réalisés dans le cadre de la section «Regard» lors d'ateliers dirigés, entre autres, par les cinéastes Alaeddine Slim et Abdallah Yahia. Ces jeunes qui ont joui d'une liberté totale dans le choix des thématiques abordées et dans le processus de création ont posé leurs regards sur différents aspects sociaux de la ville du sud-Est tunisien toujours avec ce leitmotiv qui revient à travers leurs caméras, celui de la précarité, la pauvreté, les injustices sociales et l'absence de développement dans cette ville du bassin minier oubliée par les gouvernants, comme tant d'autres, dans notre pays. L'on nous parle de la volonté de ses habitants de travailler (dans Mechouar), de faire évoluer les choses et de changer cette triste réalité dans «From Balata to Redeyef» dans lequel le jeune cinéaste fait un parallèle entre cette ville et Balata, le camp de réfugiés palestiniens le plus peuplé de Palestine. Entre sa voix en off et autres témoignages d'habitants de tous âges, le jeune homme se projette dans la vie du camp faite de privation, d'incertitude, d'instabilité et de dureté de la vie quotidienne. Toujours dans la même section du festival «Regard», les trois autres films projetés («Cut» de Alaeddine Abou Taleb, «No women's land» de Nadia Touijir et «Delta» de Djamel Karkar), lors de ce rendez-vous ramadanesque, relèvent plutot de la proposition cinématographique, celle de cinéastes invités à poser leurs regards sur cette ville. Ainsi l'artiste visuel et réalisateur Alaeddine Abou Taleb a proposé, dans ce sens, le court métrage «Cut» (11', 2016). Designer de formation, il a à son compte trois courts métrages d'animation «Coma» (2010), «Diaspora» (2015) et «Fade» (2018) avec lesquels il a participé à un certain nombre de festivals internationaux. Il nous dévoile, à travers de longs plans, des paysages vides, secs et poussiéreux, de longues étendues de terre aride comme suspendues dans le temps. Une manière de raconter en images la dureté du climat qui fait écho à une situation sociale stagnante, le manque d'infrastructures, de loisirs, d'horizons... «No women's land», de la monteuse, réalisatrice et scénariste Nadia Touijir, se penche sur la situation de la femme dans cette ville (et dans d'autres régions du pays), une femme privée de la liberté de se déplacer librement, une femme qui se noie dans ce règne du masculin et des traditions. Elle cède la parole à un groupe d'enfants, les prenant comme témoins. L'enfance là où tout commence, là où tout est possible, garçons et filles plaident tous pour la non-mixité dans la piscine publique : «C'est pas bien», «Cela ne se fait pas» répètent-ils. Différents regards qui en disent long sur cette ville longtemps minée par les politiques publiques mais rebelle, des regards qui doivent être partagés, investir différentes salles et espaces de projection et atteindre un public plus large.