Il s'agit d'un cinéma émergent qui permet de détecter de jeunes talents dont les films tendent à participer au renouvellement du cinéma tunisien. La 12e édition de «Tunis tout court», une manifestation cinématographique organisée récemment durant deux soirées à la maison de la culture Ibn-Rachiq, a proposé une dizaine de courts métrages produits au cours de l'année 2017. Il s'agit d'un cinéma émergent qui permet de détecter des jeunes talents dont les films tendent à participer au renouvellement du cinéma tunisien. Le court métrage joue un rôle déterminant de passerelle vers le long métrage. D'ailleurs, le nombre de courts métrages produits dépasse celui des longs. Dans la cuvée 2017, la thématique de la femme est dominante. C'est le cas de «Aya» de Moufida Fedhila (Tanit d'Or des JCC 2017et d'autres récompenses dans des festivals internationaux) qui jette un regard bouleversant sur l'influence qu'exercent les intégristes religieux dans les quartiers populaires. Ces derniers imposent leur foi et leur loi sur une population fragilisée. Dans ce film, la petite Aya et ses parents subissent les supplices des «frères musulmans». Le film, en 23 minutes, lève le voile sur une famille déchirée entre le conservatisme d'un père salafiste et d'une mère soumise au diktat de son mari. Aya, leur fille, a du mal à trouver l'équilibre et se fait agresser par ses camarades qui ne comprennent pas pourquoi elle porte un niqab. La réalisatrice pointe du doigt cette réalité amère qui sévit dans certains quartiers pauvres de Tunis. Le point de vue est frontal et sans concession. Pas d'images esthétisantes, ni d'abus de langages. Le film s'inscrit dans un cadre documentaire handicapant. «Black Mamba» d'Amel Guellaty, plusieurs fois primé dans des festivals internationaux, aborde presque la même thématique : celle de la femme, maillon faible de la société, qui cherche à échapper au destin tracé par sa famille. Ici, Sarra, jeune femme, fuit le mariage et choisit la boxe, sport masculin par excellence, comme refuge pour mener une vie autonome en rupture avec les conventions et le conformisme d'une société machiste, fuyant de la sorte l'enfermement. Dans «Aquarium», Sarra, jeune fille autiste, enfermée dans sa chambre par sa mère, n'accepte pas sa condition. La mère dépassée par cette maladie veut la jeter dans les bras d'un mari mais Sarra refuse. Prenant conscience du danger que peut encourir sa fille, elle finit par la comprendre et donc par se réconcilier. L'état d'enfermement de la fille est représenté par le huis clos de la maison mais aussi par l'aquarium où se trouve emprisonné un poisson mais en dehors duquel la mort le guette. Le film est construit à partir de cette métaphore. Excepté «Les Mamelouks», la thématique sociale qu'on retrouve souvent dans les films tunisiens est délaissée dans cette sélection pour le compte de contes philosophiques mettant en valeur l'intime et les souvenirs d'une mémoire personnelle. «Les secrets des vents» d'Imène Al Hssairi, par son décor et ses acteurs, ressemble plus à un film occidental qu'à une œuvre tunisienne. Le film se lit comme un album de souvenirs d'une enfant aveugle qui narre l'histoire de son père, parti en mer. De longues tirades poétiques accompagnent les images d'une mer agitée qui évoquent l'état d'âme des personnages absorbés par leur destin. Dans la même lignée, «Apnée» d'Insaf Arafa montre comment deux jeunes amoureux, dont l'un est atteint d'une maladie, s'évadent dans la nature, en l'occurrence la mer, comme ultime refuge avant la mort. Malgré la beauté des lieux, le malaise reste persistant. La mort est aussi présente dans «Eidos» de Rami Jarboui. Film expérimental tourné en extérieur dans un paysage aride et sans vie, les personnages sont piégés par leurs propres tourments et ne trouvent d'autres issues que la mort comme unique échappatoire à la morosité de la vie. Une vision pessimiste qui en dit long sur l'époque que nous vivons. La Tunisie nouvelle post-révolution avec ses contradictions apparaît dans «Noces d'épines» de Mirvet Medini Kammoun, qui, à travers une cérémonie de mariage dans un quartier populaire, décrit, dans une démarche socio-politique, les travers des personnages qui ont du mal à s'adapter aux changements politiques survenus dans le pays. Des situations tragi-comiques sur une démocratie naissante qui n'a pas échappé au regard de la réalisatrice. «Les Mamelouks» de Mohamed Ajbouni est aussi l'illustration de la Tunisie post-révolution. La traite des enfants de la rue, sujet délicat, est abordée de façon documentaire sans plus. Dans le registre de la comédie, «Stouche» de Karim Berrhouma atteint son objectif qui est le divertissement. Un portefeuille perdu se retrouve d'un personnage à un autre au cours d'une nuit à Tunis. «Faracha» de Issam Bouguerra n'a d'autres prétentions que de faire rire, même si le thème choisi par le personnage principal, qui participe à un concours pour être admis dans une école de cinéma, est la mort. Un film frais et agréable qui prend à contre-pied un sujet lugubre dans un comique de situations qui ne vire pas dans l'excès.