Par M'hamed Jaïbi Les résultats des élections municipales au sortir des urnes n'ont pas réussi à départager Ennahdha et Nida Tounès, malgré l'arbitrage attendu des listes indépendantes. Celles-ci, originellement dressées contre les islamistes, ont fini par procéder à des alliances de circonstance, tantôt avec les uns, tantôt avec les autres, aboutissant à un véritable cafouillage au niveau du nouvel échiquier politique post-municipales. Car les alliances inattendues n'ont pas manqué en vue de la désignation des présidents des conseils municipaux et de leurs adjoints. Mais il est clair qu'il s'agit là d'un échiquier conjoncturel tiré par les rapports de force locaux et les ambitions personnelles. Le parti islamiste est, en effet, classé premier de tous les partis, avec près de 29% des élus, suivi de Nida Tounès qui n'a pu engranger que 21%. Mais c'est surtout au niveau de l'initiative qu'Ennahdha a réussi à surprendre, n'écartant aucun scénario. Les spécificités des municipales Il se trouve, cependant, que les élections municipales ont des spécificités qui ne permettent pas de calculer les scores des partis de manière aussi linéaire que lors des législatives. Si aux législatives les scores sont acquis tels qu'énoncés par l'Isie au sortir des urnes, ceux des municipales ne valent que par leur impact définitif au niveau des conseils municipaux, conseil par conseil. Même s'il se trouve qu'Ennahdha a été le candidat le plus présent dans toutes les circonscriptions, suivi de près par Nida. Ce sont les conseils municipaux qui représentent l'exécutif local — et certaines fois, le «pouvoir législatif» local — et fonctionnent de manière autonome , selon des règles propres par rapport aux institutions nationales, lesquelles ont des prérogatives précises de coordination et de contrôle. Des échiquiers conseil par conseil La victoire ou la défaite relative de tel ou tel parti ou coalition de partis dans les municipales obéit, en fait, aux mécanismes électoraux et prérogatives prévalant au sein des conseils municipaux. Comme l'élection du président du conseil. Le parti classé premier en nombre d'élus n'a ainsi aucune chance d'avoir cette présidence s'il n'obtient pas les alliances utiles sur cette question, sauf s'il détient la majorité absolue des élus au conseil. Or le président du conseil municipal a d'énormes prérogatives qui le distinguent par rapport aux simples élus et aux autres fonctions subalternes, également obtenues par des votes aux règles complexes au sein du conseil municipal. La fièvre des alliances Ces spécificités des municipales expliquent la fièvre des alliances à laquelle nous assistons depuis l'annonce des résultats du vote. Ennahdha, incontestable numéro 1 en nombre d'élus dans la plupart des conseil municipaux, doit agir à contracter des alliances pouvant lui ouvrir les portes de la présidence des conseils municipaux. Cela semblait aisé lorsque la coalition avec Nida Tounès était solide, beaucoup moins depuis l'épisode des législatives partielles d'Allemagne et depuis la décision de Nida de ne formuler aucune alliance électorale avec Ennahdha lors des élections devant intervenir au sein des différents conseils municipaux. D'où l'opération de charme que mène Ennahdha en direction des listes indépendantes, laquelle a tiré profit des divisions minant les rangs de Nida Tounès, plus spécialement suite au discours télévisé de Youssef Chahed.