Lorsque Albert Memmi a écrit « L'homme dominé », il a désigné par là, tous les êtres qui ont vécu la discrimination et la sujétion. A savoir, le juif, le noir mais aussi, la femme. C'est dire que le deuxième sexe a traversé des siècles de soumission, de combat et de tentatives afin de pouvoir jouir du même statut que l'homme et surtout de ses droits. Aujourd'hui, la Tunisie célèbre la fête nationale de la Femme. Le 13 août est une date clé. Elle revêt en fait une nouvelle dimension depuis le 14 janvier car la femme tunisienne n'a sans doute jamais senti que ses acquis sont aussi menacés mais aussi, jamais la vie des Tunisiens et Tunisiennes n'a autant ressemblé à un combat que ces 7 dernières années. La révolution a ancré en nous une hargne pour la lutte partagée par des milliers de citoyennes. Une des revendications qui refait surface, aujourd'hui, est l'égalité successorale. Lors d'un événement organisé récemment par le Credif (Centre de Recherches, de Documentation et d'Information sur les Femmes), une intervenante s'est indignée. «Il est aberrant que la Tunisie, pays pionnier dans l'abolition de l'esclavage, de la polygamie et du mariage forcé, un des pays où la femme jouit d'autant de droits, puisse encore parler d'inégalité successorale». Pourtant, cette question ne semble pas faire l'unanimité. Cette controverse a créé plus de tension et jamais nous n'avons vu notre société aussi divisée sur une question que sur l'égalité dans l'héritage. Changer les mentalités Contrairement à d'autres revendications, celle-ci est difficilement acceptée. D'où l'interrogation sur la manière dont elle sera avalisée par les Tunisiens. Pour Mme Radhia Jerbi, Présidente de l'Union Nationale de la Femme Tunisienne (Unft), si l'égalité successorale est établie, elle représentera un acquis inestimable pour la femme tunisienne. Mais, son acceptation sociale n'est pas une évidence. «Actuellement, on a une panoplie de lois qui prônent l'égalité et la non-discrimination. Mais sur le terrain, il reste beaucoup à faire bien que l'égalité entre les sexes soit un principe constitutionnel et qui aille de pair avec la démocratie. La difficulté d'imposer cette norme se reflète dans les comportements masculins machistes», a-t-elle révélé. La Présidente de l'Unft a en outre signalé que pour faire accepter l'égalité en général, et celle en héritage particulièrement, beaucoup de travail reste à faire. «Il faut qu'on ait le temps de vulgariser tous ces textes de loi, pour changer la mentalité et l'éducation et cela passe à travers un programme éducatif, culturel, par des formations et des actions de sensibilisation. Mais aussi, par le biais d'une société civile dynamique, dont il ne faut pas omettre l'influence et la portée. Il faut également essayer d'endiguer la montée des mouvements intégristes, dès qu'une nouvelle réforme voit le jour. Il faut laisser le religieux parler, mais il faut aussi qu'il laisse place aux nouveaux discours qui vont avec la société tunisienne. On a cru à tort que le modèle tunisien est acquis et qu'il n'y a plus de travail à faire. Beaucoup de travail nous attend encore». L'égalité successorale n'est-elle pas un tabou qu'on continue inlassablement de défendre, sans se rendre compte que «la majorité» des Tunisiens malgré leur occidentalisation et modernisation, ont tissé des liens indéfectibles avec les traditions religieuses. La réponse, comme on le dit si bien, se trouve toujours dans l'histoire. A-t-on encore besoin d'une fête de la femme ? Beaucoup s'interrogent sur la nécessité d'une fête de la Femme. Consacrer des journées mondiales et nationales pour elle, n'est pas en lui-même un signe de discrimination ? Un homme sur deux interrogés n'adhère pas à l'idée de cette célébration. Ils ont, pour la majorité, du mal à définir le sens et y trouver une raison d'être. Interrogées sur cette question, des femmes ont affirmé de leur côté qu'une journée est insuffisante pour attribuer à la femme ses mérites, elle qui est sur tous les fronts ». Il est vrai qu'aujourd'hui à l'ère de la parité hommes-femmes, certaines célébrations n'ont plus de sens. Mais le 13 août, c'est surtout la célébration du Code du statut personnel (CSP) qui a permis d'abolir la polygamie et qui régule certaines dispositions sociales au profit de la femme. Mais tant que la femme se bat pour préserver ses droits et ses acquis, la célébration de la Journée nationale de la femme continuera à fédérer des milliers de femmes autour d'une cause commune.