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Du gouvernement à la gouvernance des territoires, une régulation difficile pour nos villes
Entretien avec Najem Dhaher, maître de conférences à l'Ecole nationale d'architecture et d'urbanisme de Tunis
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 08 - 2018

Adopté en avril 2018, le code des collectivités locales a été salué par tout le monde en raison des espoirs qu'il a suscités quant à l'ancrage de la démocratie participative dans la société tunisienne et le renforcement de la décentralisation et la prise de décision au niveau local. Cependant, ce code a éveillé aussi des craintes de « dérapages » sur le plan de la gouvernance locale et l'aménagement territorial. Najem Dhaher, maître de conférences à l'Ecole nationale d'architecture et d'urbanisme de Tunis, évoque dans cet entretien les problématiques issues du CCL et les défis à relever. Entretien
Depuis la révolution nous avons connu un cataclysme sur le plan politique, et l'Etat cède de plus en plus de terrain en faveur de la décentralisation et la gouvernance locale. Qu'en dites-vous ?
Chaque période de grands changements politiques suscite son lot de nouveaux concepts et de nouvelles idées qui traduisent l'expression des changements des structures et de la réalité sociale et territoriale qui la croisent. Les changements qui se développent depuis l'avènement de la révolution, qui sont aussi conceptuels, répondent en réalité à des mutations importantes du rôle de l'Etat dans un nouvel ordre politico-socio-spatial national et, à vrai dire, international. De nouvelles notions ne cessent d'envahir l'imaginaire démocratique non seulement populaire mais aussi élitiste dans notre pays : la gouvernance remplace le gouvernement, la société civile le peuple, le consensus le compromis, l'élection la nomination, le dialogue la négociation, le local et le subsidiaire la centralisation et l'universel, le consommateur citoyen le travailleur citoyen comme le prétendent certaines recherches et la citoyenneté la citadinité. L'effervescence, que nous connaissons ces derniers temps dans le domaine législatif et réglementaire, laisse à penser que tout va converger pour donner naissance à une nouvelle architecture de l'aménagement du territoire en Tunisie, solidement campée depuis cinq ou six décennies sur des schémas nationaux plutôt hérités de l'époque coloniale avec un pouvoir local résiduel et marginalisé, situé dans une relation de dépendance et de subordination totales vis-à-vis du pouvoir central. Aujourd'hui, la décentralisation, l'équité territoriale et la participation citoyenne aux affaires locales sont montées sur le devant de la scène de la réforme administrative et territoriale incarnée d'un côté par un changement profond du référentiel constitutionnel et d'un autre côté par de nouvelles pratiques en faveur d'une libre administration des communes et d'une participation active des habitants à la définition des projets locaux.
Quelles sont les incidences de tout cela sur l'aménagement territorial ?
Après l'écriture de la constitution et l'installation de la deuxième république, l'Etat tunisien qui se veut démocratique et progressiste a-t-il, à la lecture des derniers textes encore en gestation concernant l'aménagement territorial après l'adoption du code des collectivités locales, un projet pour le territoire ou du moins son esquisse ? De quelle nature, exactement, pourra être ce projet ?
A quelles échelles opère-t-il ? A-t-on pensé à ce processus de fragmentation de l'action publique qui se dessine à travers le nouveau code de l'urbanisme non encore approuvé mais aussi dans le code des collectivités locales où la décentralisation constitue une étape incontournable mais qui pourra constituer un point d'arrêt ? Dans le contexte actuel de l'organisation territoriale tunisienne et en cherchant à répondre à ces questions, nous débouchons sur une interrogation plus large : comment l'aménagement du territoire est perçu par les pouvoirs publics ? S'agit-il d'une priorité nationale, d'une obligation qui pèse sur les gouvernements successifs et qui oriente leurs actions pour donner du sens à l'activité des différents organes politiques et administratifs qui quadrillent et structurent le territoire dans toutes ses échelles ?
Aujourd'hui, le territoire tunisien est quadrillé inégalement par les services déconcentrés de l'Etat. Cette réalité demande à être étudiée et analysée en profondeur pour dessiner des alternatives et dépasser les humiliations et les menaces afin d'atténuer les risques et les blocages à toute dynamique de développement mais surtout pour faciliter la tâche aux nouveaux décideurs et gestionnaires locaux. Car, et on ne le dira jamais trop, les interventions sur l'espace demeurent encore sans objectifs et sans stratégies de développement territorial. En Tunisie, l'aménagement du territoire sert souvent à donner une légitimité a posteriori aux différentes actions subies par un territoire et un foncier non maîtrisés et portés par des collectivités locales peu outillées en matière de textes et de législations permettant à l'aménagement de contribuer au développement des territoires.
Dans ce contexte, on peut citer à titre d'exemple la fiscalité locale qui représente l'un des vecteurs de développement des collectivités territoriales, mais qui est aujourd'hui très inadaptée et ne contribue nullement au financement de l'aménagement. Le rendement de l'outil fiscal local représente environ 2,4% des recettes fiscales de l'Etat. Ce rapport est très en deçà des taux enregistrés dans des pays étrangers.
D'après vous, quelles sont les problématiques que soulèvera le nouveau paysage législatif en termes d'aménagement du territoire et de gouvernance urbaine ?
Avec la réforme initiée des textes fondamentaux de l'urbanisme, les modes de gouvernance des communes et des régions et d'organisation de leurs territoires se poseront sous d'autres termes. Aujourd'hui, le contexte de la gouvernance territoriale que nous voulons instaurer, notamment avec les nombreuses compétences qui seront dévolues aux collectivités (communes, départements, régions), nécessite des plans et des programmes d'aménagement qui doivent se compléter avec des démarches et des scénarios de prospection et d'exploration produits et partagées par les différents acteurs agissant sur le territoire.
D'autre part, le nouveau paysage législatif en termes d'aménagement du territoire et de gouvernance urbaine va métamorphoser les limites territoriales des institutions locales qui sont déjà en train d'évoluer, faisant (re)émerger la problématique du rapport urbain/rural dans le fonctionnement des territoires et les rapports de «pouvoir». Or, la plupart des villes n'ont ni les moyens ni les compétences adéquates pour agir, ce qui pourra permettre à d'autres acteurs et démarches de prendre le relais.
Pour cela, le nouveau code des collectivités ne paraît pas instaurer une rationalité urbanistique et environnementale qui aura raison sur les intérêts financiers et électoraux ni encourager le regroupement et la création des collectivités locales en établissements publics de coopération intercommunale pour ne pas bloquer le fonctionnement interne des collectivités. La nouvelle période qui va s'ouvrir avec les lois de décentralisation va conférer les compétences d'urbanisme aux élus locaux.
Il en résultera donc un changement sensible du champ d'action de la corruption qui désormais pourra s'exercer pour l'essentiel au niveau local. Le champ potentiel de la corruption risque d'être élargi dans la mesure où la pression sur les élus locaux est plus facile que sur les fonctionnaires.
Pour cela, les documents d'urbanisme doivent prendre en compte de plus en plus les contraintes environnementales. Les enjeux principaux consistent pour les pouvoirs publics à faire face au choc démocratique et à produire des villes inclusives et mobilisant des moyens pour faciliter la cohésion sociale et l'accès aux services essentiels pour tous. Aujourd'hui, l'abandon progressif de la responsabilité de l'Etat dans les politiques publiques, précisément dans les politiques d'inclusion sociale recherchées, peut, malheureusement, s'avérer dangereux.
L'autre danger, et non des moindres avec l'exécution d'une démocratie locale, est le fait que plusieurs concepts s'utilisent de manière abusive, notamment le concept de gouvernance. Sous prétexte d'une plus grande proximité et au nom de la décentralisation, ne va-t-on pas vers un champ institutionnel très hétérogène, non sans risque pour l'efficacité et la synergie des politiques d'Etat qui, aujourd'hui, reste toujours l'acteur principal ? Une crainte qui a été observée et constatée dans plusieurs régimes démocratiques.
Sur quoi doit reposer le modèle d'action publique territoriale ?
Face à ces contraintes et aux difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés les acteurs privés et publics et en l'absence d'un mouvement démocratique fort, cohérent et uni autour d'un projet clair de l'avenir, appelé communément « modèle de développement », la gouvernance territoriale locale dans notre contexte postrévolutionnaire doit à notre sens être abordée vraisemblablement comme un processus de coordination des acteurs dans la construction de la territorialité et l'appropriation des ressources, un processus axé tout d'abord sur la réduction des disparités régionales et des ségrégations urbaines.
L'ordre spatial ancien qui privilégie les lieux les mieux situés, les activités et les secteurs les plus portés vers l'extérieur et qui a accentué les déséquilibres régionaux et même locaux, tout en créant de nouveaux problèmes environnementaux et territoriaux doit être remplacé par des politiques de développement et d'aménagement élaborées avec une doctrine d'ensemble basée sur l'équité et l'efficacité. Bref, le modèle d'action publique territoriale à l'échelle locale et régionale doit, à notre sens, reposer essentiellement sur un plan institutionnel avec un système qui évite cette démultiplication des acteurs de conception et de mise en œuvre des politiques et instruments d'urbanisme et d'aménagement du territoire.
Ce système doit être couplé à une stabilité dans la répartition des rôles et une bonne coordination et concertation où la logique sectorielle cesse d'être dominante. Enfin, les politiques territoriales et urbanistiques dans l'actuel contexte doivent combattre l'exclusion, répondre aux enjeux et aux défis environnementaux à travers la lutte contre l'étalement urbain, faciliter la production de logement notamment en zone tendue, réguler l'économie foncière et favoriser les opérations maîtrisées. Bref, il nous semble réaliste de passer de cette logique de normes souvent non respectées à une culture de projet créateur d'emplois dont les procédures sont simplifiées et coordonnées.
Cela exige, certainement, une clarification et une simplification des procédures d'élaboration, d'approbation, d'évaluation, de modifications et de révisions des documents d'urbanisme et d'aménagement du territoire où la structure urbaine doit être considérée comme un tout à travers les connectivités entre ses parties «formelles» et «informelles» et où l'accès à l'urbanité et à un cadre de vie décent et respectueux pour les plus fragiles devient une question cruciale. Levis-Strauss disait « penser l'espace des êtres humains c'est comprendre que les configurations spatiales ne sont pas des produits mais des producteurs de systèmes sociaux ».


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