Pour faire vrai, ne pas verser dans l'utopisme, les désillusionnés de la révolution ne manquent pas à cette galerie de portraits. Ils restent toutefois minoritaires Le court-métrage «La révolution est là» fait sa sortie en salles. Un documentaire réalisé par Teycir Ben Nasr et présenté en avant-première au mois de mai de cette année. Initialement ou parallèlement journaliste free-lance, Ben Nasr s'est spécialisée, comme elle se définit elle-même, dans «l'information positive». L'opus de 50 minutes, une interview grand format, en est la parfaite illustration. Le travail collectif, l'engagement écologique, la transmission du savoir, du savoir-faire, la foi en l'avenir de la Tunisie, en ses générations futures s'y déploient à l'envi. De la place Moncef Bey, au village de Bir-Salah, aux villes de Chenini, Jemna, Gabès, Fernana, la journaliste qui se place parfois devant la caméra pour interviewer ses interlocuteurs, nous prend à travers les transports en commun, «louage» pour découvrir des gens et des expériences personnelles. Des entrepreneurs, agriculteurs, militants associatifs, professeurs de français ont cru en leur pouvoir de faire changer les choses. Ils ont lancé chacun dans son domaine des initiatives privées, citoyennes et engagées. Ils en parlent naturellement, graves ou souriants, défendant leurs choix avec conviction. Les personnages jouant leurs propres rôles, relatent leurs vies, donnent des exemples concrets de leurs réussites ou de leur militantisme à toute épreuve qui a explosé après 2011, parfois bien avant. La terre est très présente dans les histoires racontées, elle en est même le fil conducteur. Revenir à l'agriculture biologique, sans produits chimiques ni pesticides, et inculquer cet amour aux enfants est un leitmotiv dans le film et un précepte défendu par ce grand-père qui enseigne à son petit-fils les techniques ancestrales de la culture des salades. De l'espoir Pour faire vrai, ne pas verser dans l'utopisme, les désillusionnés de la révolution ne manquent pas à cette galerie de portraits. Ils restent toutefois minoritaires. Les travailleurs précaires, les jeunes qui lorgnent les lointains rivages, les résignés, les révoltés, eux aussi, ont eu droit de cité. Des femmes et des hommes, jeunes et moins jeunes qui n'espèrent plus grand-chose d'une classe politique qui a failli à sa mission. Ils se sentent impuissants face à la corruption répandue à l'échelle d'un pays. D'où ces répliques : «Avant, ce sont les Trabelsi qui volaient, aujourd'hui tout le monde», «Où sont les emprunts versés par le Qatar, les Emirats Arabes Unis et l'Arabie Saoudite ? Volatilisés» . La journaliste-réalisatrice n'en est pas à son premier coup d'essai en matière de réalisation. En 2014, elle réalise un court-métrage documentaire : «Chenini, la résistante». Elle retente l'expérience avec ce road-movie, riche de son expérience et peut-être avec plus de moyens, pour faire découvrir la Tunisie verte des champs en mode panoramique. A travers des prises de vue aériennes en hélicoptère, les plaines verdoyantes ou jaunissantes s'étendent à perte de vue pour dire la beauté d'un pays et sa richesse, et assurer en même temps les plans de coupe entre deux entretiens «au sol». La bande originale signée par le groupe français Bénarès, qui tantôt chante en anglais, tantôt en tunisien avec un joli accent, apporte une touche musicale exotique. La révolution est « là », voudrait-il lancer aux Tunisiens un message de patience ? Peut-être. Le documentaire qui respire l'espoir et tente de le donner paraît néanmoins un tantinet obsolète avec une impression de déjà-vu. Il aurait certainement eu plus d'effets un an ou deux après 2011. Ceci n'enlève rien à la richesse des profils présentés, souvent des personnes très attachantes qui forcent le respect.