Etant en continuelle diminution, le ratio actif ne couvre plus les revenus des caisses En 2017, le gouvernement a injecté 600 millions de dinars pour financer le déficit budgétaire de la Cnrps Le déficit est estimé à plus de 1500 millions de dinars en 2020 La mise en application de la refonte des caisses doit être graduelle Relèvement de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Augmentation des cotisations sociales de 3%. Le remplacement de la péréquation automatique par l'indexation des pensions de retraite permettra une revalorisation plus équitable des indemnités L'impératif de la réforme des caisses sociales est un secret de polichinelle. Et c'est un leurre de croire qu'il ne fait pas l'unanimité de toutes les parties prenantes, y compris les partenaires sociaux. Des discussions sur le projet de réforme, dans le cadre d'un dialogue tripartite (gouvernement, Ugtt et Utica), ont été engagées depuis 2016. Les multiples pourparlers ont abouti finalement à une stratégie de réforme des caisses élaborée par le gouvernement ayant obtenu l'aval de l'Ugtt. Déposé à l'ARP, il y a plus de 10 mois, le projet de réforme des caisses sociales ne figure toujours pas dans l'ordre des priorités des députés et demeure l'otage des partis politiques. Bien entendu, dans une année préélectorale (2018), un million de retraités représente un réservoir d'électorat qui suscite, assurément, la convoitise des politiques préférant, en l'occurrence, reléguer cette question au second plan. Entre-temps, le déficit abyssal des caisses sociales ne cesse de se creuser, causant ainsi une hémorragie chronique des finances publiques. Un déficit de 1500 millions de dinars à l'horizon 2020 Depuis des années, les gouvernements qui se sont succédé n'ont fait qu'injecter des centaines de millions de dinars dans les caisses chaque année pour servir les indemnités à temps. Etant en continuelle diminution, le ratio actif ne couvre plus les revenus des caisses. A partir de 2012, le déficit budgétaire de la Cnrps n'a fait que doubler d'une année à l'autre. En 2017, le gouvernement a injecté 600 millions de dinars pour financer le déficit de la caisse des fonctionnaires publics. Remédier au manque de liquidité est devenu le casse-tête mensuel des gestionnaires des caisses. Les études actuarielles (études stratégiques dans le domaine de la sécurité sociale) prévoient une aggravation du déficit au cas où la réforme du système de la sécurité sociale ne serait pas entamée dans l'immédiat. Le manque à combler est estimé à environ 1000 millions de dinars durant l'année en cours et plus de 1500 millions dinars en 2020. Par ricochet, le recul de l'âge de départ à la retraite est inévitable. La révision des cotisations est inéluctable. Cependant, l'exécution tarde. « La situation est on ne peut plus catastrophique, selon les chercheurs de la sécurité sociale qui affirment qu'on est déjà dans l'impasse». Et de souligner : « Les réformes proposées par le gouvernement sont des remèdes d'urgence pour stopper l'hémorragie causée par le déficit sur le court terme. Sur le moyen et long terme, tout le système de la sécurité sociale devra être revu. Un nouveau modèle doit être instauré pour préserver le droit à la sécurité sociale ». Une réforme à quatre axes La stratégie de réforme des caisses sociales proposée par le gouvernement s'articule autour de quatre axes : l'âge légal de départ à la retraite, le calcul de la pension de retraite, les taux de cotisation des actifs et le système de péréquation automatique. Alors que la révision de la formule de calcul des pensions de retraite constitue la pomme de discorde entre l'Ugtt et le gouvernement, les trois points restant ont été, a priori, retenus et font l'objet d'un accord tripartite. Une fois adoptée, la mise en application des modifications doit être graduelle. L'adoption du projet de réforme des caisses tel qu'il est proposé par le gouvernement est prévu avant la fin de l'année en cours. Dans le cas échéant, le recul d'un an du départ à la retraite sera obligatoire pour les actifs qui vont atteindre 60 ans à partir de janvier 2019. Le recul sera de deux ans pour ceux qui atteindront l'âge légal du départ à la retraite à partir de janvier 2020. Le maintien jusqu'à l'âge de 65 ans est possible, mais l'intéressé devra l'exprimer à travers une demande renouvelable périodiquement. Dans le secteur privé, la procédure concernant le recul de l'âge de départ à la retraire est facultatif pour la gent féminine. Au chapitre de la cotisation, l'augmentation du taux au profit des caisses pour les affiliés actifs a été fixée à 3%, dont la répartition est comme suit : une augmentation de 2% sur la contribution de l'employeur et de 1% sur la cotisation de l'employé. Dès l'entrée en vigueur du projet de réforme, la mise en application de ladite majoration sera graduelle, à raison de 0,5% par an. Le remplacement de la péréquation automatique Quant à la péréquation automatique stipulée par le fameux article 37 du code de la sécurité sociale, qui a suscité récemment des débats houleux médiatisés, sera remplacée par un mécanisme d'indexation des pensions. Tout d'abord, il faut préciser que la péréquation automatique implique que chaque prime ajoutée au salaire de base des actifs sera attribuée automatiquement aux pensionnaires. Ce qui est, selon les chercheurs de la sécurité sociale, saugrenu dans la mesure où les primes allouées aux actifs sont liées, exclusivement, à des activités accomplies dans le cadre de l'exécution du travail. D'un autre côté, la péréquation automatique a créé une iniquité dans le niveau de vie des pensionnaires, étant donné qu'une partie des pensionnaires uniquement bénéficient des avantages et des primes octroyés par les établissements employeurs d'origine. Ce mécanisme sera substitué par l'indexation des pensions qui permettra de revaloriser équitablement les indemnités suivant un panier de facteurs socioéconomiques. A priori, un comité d'experts va être mis en place pour se pencher sur la question et procéder à l'évaluation du niveau du vie suivant les taux de croissance, d'inflation et d'augmentation des salaires en vue d'attribuer un index de majoration des indemnités. Les réformes proposées ne remédient pas radicalement le problème de la sécurité sociale en Tunisie. Toutefois, elles sont impérativement, inéluctablement, de mise pour stopper une hémorragie qui pille les finances publiques. Tout le monde le sait, tout le monde en est convaincu. Mais à quand l'exécution ? Et si la classe politique faisait preuve de maturité et s'attelait à remettre les pendules à l'heure ?