«L'appel du Président à faire usage de l'article 98 de la Constitution signe un retour aux institutions. Jusqu'à présent, les choses se passaient en dehors des institutions de l'Etat», analyse le député Marouen Felfel, membre du nouveau bloc parlementaire de la Coalition nationale Dans un communiqué publié hier dans la matinée, le parti Ennahdha a réitéré son attachement au consensus, contrairement aux affirmations du chef de l'Etat dans son interview. Très suivie et très attendue par la classe politique et l'opinion publique, l'interview du chef de l'Etat lundi, sur la chaîne Al-Hiwar, a suscité plusieurs réactions. Peu clair dans ses déclarations, Béji Caïd Essebsi ouvre la porte à différentes interprétations. Certains le jugent politiquement très amoindri, voire terminé, d'autres affirment que le président de la République a plus d'une corde à son arc et qu'il n'en a pas fini de surprendre ses adversaires politiques. Avec toute la déférence qu'il a pour le chef de l'Etat, le député Marouen Felfel, membre du nouveau bloc parlementaire de la Coalition nationale, considère que les propos de BCE confirment que la recomposition du paysage politique est bien une réalité. «Il est clair aujourd'hui que nous allons aborder sereinement la dernière session parlementaire et politique avant les élections, estime Marwen Felfel. Notre bloc parlementaire fera en sorte de faire cesser la pression partisane exercée sur le gouvernement et lui permettre d'entamer les réformes qui avaient été mises à l'écart en raison des crises politiques à répétition». Commentant l'appel du président de la République adressé à Youssef Chahed de se présenter devant le Parlement pour un renouvellement de la confiance, Marouen Felfel se réjouit de ce qu'il appelle «un retour à la logique institutionnelle». «L'appel du Président à faire usage de l'article 98 de la Constitution signe un retour aux institutions. Jusqu'à présent, les choses se passaient en dehors des institutions de l'Etat», analyse le député. Pour lui, il est clair également que ceux qui voulaient faire pression sur le président de la République afin qu'il active l'article 99 de la Constitution ont finalement perdu leur pari. Sur le fond, Marouen Felfel précise que venir, ou pas, devant le Parlement est une décision qui revient au chef du gouvernement et personne d'autre. Toutefois, il s'attend à ce que le chef du gouvernement se présente à l'hémicycle dans le cadre d'un remaniement. «De toutes les manières, nous seront derrière le gouvernement», confie le député. De son côté, Watfa Belaid, présidente du comité central de Machrou Tounès, défend la proposition du chef de l'Etat, qui rejoint à peu près celle de son parti. "Il est évident qu'il n'est pas possible de continuer à s'enfoncer dans la crise, explique Watfa Belaid. Le gouvernement a perdu sa ceinture politique et son statut de gouvernement d'union nationale conféré par le Pacte de Carthage. Si le chef du gouvernement dispose encore de la légalité, il a perdu toute légitimité politique. Youssef Chahed tire sa légitimité uniquement du parti Ennahdha. D'ailleurs, la présidente du comité central de Machrou Tounès explique la frilosité du chef du gouvernement à affronter le Parlement, non pas par la crainte de ne pas réunir les voix nécessaires, mais par une crainte de la physionomie du vote à l'hémicycle. En effet, à travers cet appel, le président de la République met le chef du gouvernement dans une situation inconfortable. De fait, au vu de la recomposition du paysage politique, Youssef Chahed se retrouvera soutenu uniquement par le parti Ennahdha et le nouveau bloc parlementaire acquis à sa cause. Sur la crise au sein de Nida Tounès, Watfa Belaid considère que le président de la République a finalement été clair, contrairement à ce que disent les commentateurs. «Le président de la République a clairement signifié à son fils de se retirer dignement, tout en appelant l'ensemble des nidaistes à prendre leurs responsabilités», a-t-elle déclaré à La Presse. Elle ajoute que l'annonce de la rupture avec le parti Ennahdha a déstabilisé le parti présidé par Rached Ghannouchi. «Ennahdha a toujours besoin d'un allier démocrate pour légitimer son existence aux yeux de la communauté internationale, a-t-elle affirmé. Je ne crois pas que Youssef Chahed soit capable de fournir cette couverture internationale de la même manière que l'a fait pendant quelques années le président de la République». Dans un communiqué publié hier dans la matinée, le parti Ennahdha a réitéré son attachement au consensus, contrairement aux affirmations du chef de l'Etat dans son interview. Mardi, à l'occasion de la rentrée parlementaire, le paysage politique recomposé sera officiellement visible à l'hémicycle, reste à savoir quelle position aura le groupe rétréci de Nida Tounès par rapport au vote des réformes et des projets de lois auxquels il avait souscrit au départ. Notons que contactée par téléphone, Hager Bencheikh Ahmed (membre du bureau du bloc parlementaire de la Coalition nationale), a déclaré que son appel à la destitution du chef de l'Etat n'engageait qu'elle.