L'élaboration de la nouvelle stratégie d'aménagement et de conservation des terres agricoles (Acta) est le fruit d'une étude qui s'est échelonnée sur une période de deux ans avec la réalisation de nombreux ateliers mobilisant les directions générales concernées du ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche (Marhp), mais aussi les partenaires extérieurs et les bailleurs de fonds. Cette étude, qui s'est, entre autres, basée sur l'évaluation des deux stratégies précédentes (1990-2001 et 2002-2011), a finalement abouti à la proposition d'un plan d'action à l'horizon 2030, sachant que la réflexion globale qui a été engagée s'inscrit dans la planification tunisienne des ressources naturelles à l'horizon 2050, en harmonie avec la stratégie Eau 2050 et en intégrant l'adaptation au changement climatique. La méthodologie adoptée a consisté à réaliser tout d'abord un état des lieux de la conservation des eaux et des sols en Tunisie accompagné d'une évaluation des actions engagées dans les stratégies précédentes. Cela a permis de constater que le département de l'Aménagement et de la Conservation des terres agricoles relevant du ministère a réalisé un très grand nombre d'ouvrages (chiffres de 2011) : 775 lacs collinaires, 4.796 ouvrages de recharge, 1.506 ouvrages d'épandage et 1.532.863 ha de bassins versants aménagés (banquettes, tabia, cuvettes, etc.)... Les types d'ouvrages réalisés sont très variés : lacs collinaires, seuils, banquettes, jesser, tabia, ouvrages de dérivation et de recharge de nappes, végétalisation de talus, citernes enterrées, etc. Une grande expérience a donc été acquise durant cette vingtaine d'années dans la lutte contre l'érosion hydrique et la mobilisation des eaux de ruissellement. De ce fait, la Tunisie s'est placée comme un pays leader dans ce domaine. Valoriser les atouts des zones rurales Les atouts et faiblesses ont été identifiés de même que les menaces externes (notamment les changements climatiques), mais aussi les opportunités qui peuvent se présenter notamment en matière de financement international pour l'adaptation aux changements climatiques. Cette analyse a permis d'identifier les enjeux majeurs faisant émerger un nouveau scénario afin d'y répondre. Les deux éléments forts de cette nouvelle stratégie sont donc la gestion des ressources naturelles et l'aménagement des terres agricoles pour contribuer au développement rural. Les orientations découlant de cette stratégie ont été classées en trois catégories : celles à caractère technique, celles qui revêtent un caractère transversal et des orientations spécifiques. Elles ont été déclinées en sous-objectifs qui ont été régionalisés à la suite d'ateliers, afin de bien prendre en compte la réalité du terrain. A titre d'exemple, pour l'aménagement de bassins-versants, une approche écosystémique sera privilégiée, tenant compte de l'ensemble du bassin-versant en amont et en aval. La nouvelle stratégie de l'Acta préconise un mode d'intervention différent de ce qui a été réalisé durant les deux stratégies précédentes, en plaçant la conservation du sol dans un contexte de développement rural intégré. L'intervention du ministère se fera sur la base de la sollicitation des populations locales désireuses de valoriser les atouts de leur territoire à travers des projets multisectoriels. Le Crda, au travers des arrondissements CES et Sols (qui devront fusionner), accompagnera ces initiatives locales de projet en aidant la population à s'organiser en structure de projet. Ces structures devront être capables de monter et suivre les projets en question, mais aussi de prendre en charge l'entretien et la gestion des infrastructures et ouvrages réalisés. Enfin, dans cette démarche transversale, les autres services techniques du gouvernorat (transport, énergie, éducation, santé, etc.) devront être mis à contribution pour parvenir à une approche intégrée de développement territorial. Dynamisme des porteurs de projets Ces Projets d'aménagement et de développement intégré des territoires (Padit) mobiliseront divers partenaires institutionnels en fonction de la sollicitation des populations locales et des thématiques abordées. Ils seront réalisés sur une unité territoriale de quelques milliers d'hectares et sur une durée de trois ans. Des territoires prioritaires d'intervention ont été définis pour chacune des 9 orientations. La carte, qui en a résulté, a pour objectif de permettre d'accompagner les initiatives locales visant à développer les atouts du territoire dans le respect de la bonne gestion des ressources naturelles. La nouvelle stratégie se distingue également de la précédente en termes de quantification des besoins et de programmation budgétaire. En effet, il ne s'agit pas d'atteindre des objectifs quantifiés de réalisation d'ouvrages dans chaque catégorie qui seraient définis dans un programme d'action, mais de répondre aux attentes des populations ciblées par les Padit. Autrement dit, les chances seront équitables entre les ruraux des différentes zones agro-socio-écologiques pour mettre en valeur et développer leur territoire. Mais c'est le dynamisme des porteurs de projet qui dictera la programmation budgétaire finale. Pour planifier les besoins de l'Acta en restant dans un cadre budgétaire raisonnable, il a été décidé de conserver les investissements annuels dans l'enveloppe observée ces dernières années. Le financement de la nouvelle stratégie a donc été évalué comme suit : le budget annuel de l'Etat représentera la partie principale en termes de fonctionnement (environ 3 millions de DT par an pour la masse salariale) et d'investissement (60 millions de DT par an pour la DGActa plus les financements appliqués à la CES (Fosdap, Padit…) à hauteur de 20 millions de DT par an). Les financements extérieurs (hors budget de l'Etat) ont été évalués à 30 millions de DT par an. Au total, le budget d'investissement serait de 110 MDT par an et de 3 MDT pour le fonctionnement, soit 113 MDT. Mise en place d'une agriculture de conservation Le financement prévisionnel des Padit (environ 36,5 MDT par an) se fera sur la base suivante : un quota prévisionnel de 30 Padit sera affecté à chaque gouvernorat sur une période de 10 ans (soit 3 par an en moyenne). Ce dispositif sera ajusté lors de la première évaluation interne des Padit. Le nouveau mode d'intervention proposé pour la nouvelle stratégie sera soutenu par la formation du personnel de l'Acta (central et régional), notamment dans les thématiques suivantes : animation rurale, savoirs d'expérience, BDD et SIG, agroécologie et techniques agricoles conservatoires des sols, etc. Des formations sur certaines de ces thématiques ont déjà eu lieu et ont permis de former 180 agents de l'Acta. Des actions pluriannuelles plus soutenues avec appui extérieur d'organismes de recherche-développement (R&D) seront réalisées sur des projets de démonstration qui pourront concerner la mise en place d'une agriculture de conservation. Au final, la mise en œuvre de la nouvelle stratégie sur une période de 10 ans a été évaluée à 1,3 milliard de DT.