Il y a un intérêt urgent de mettre en place une stratégie efficace visant à accroître le revenu provenant des produits forestiers. Les écosystèmes forestiers produisent d'importants biens et services dont les populations bénéficient au quotidien. Si ces écosystèmes ont une valeur pour l'homme, ils n'ont cependant pas de prix. Comment justifier alors les importants investissements nécessaires à leur protection ? L'application des méthodes économiques pour évaluer la valeur des biens et services fournis par les systèmes forestiers permet de comparer les coûts et les bénéfices d'actions visant leur amélioration et d'apporter ainsi un éclairage complémentaire aux choix et décisions politiques pour mieux les conserver. L'étude sur «l'évaluation économique des biens et services des forêts tunisiennes», élaborée dans le cadre du programme de partenariat entre le Mécanisme pour les programmes forestiers nationaux (PFN) et la FAO et supervisée par la Direction générale des forêts durant deux ans, vise à identifier les méthodes appropriées pouvant être appliquées pour une évaluation objective des biens et services fournis par les écosystèmes forestiers, ainsi que des solutions innovantes en matière de gestion et de valorisation des ressources forestières ainsi qu'en matière de financement du secteur forestier. L'estimation des bénéfices forestiers a été réalisée en trois étapes. La première a permis d'identifier les bénéfices forestiers en se basant sur le concept de la Valeur économique totale (VET). Cette approche, au-delà des valeurs liées aux bénéfices marchands des ressources, permet d'inclure les valeurs des bénéfices non marchands fournis par les fonctions d'un écosystème en tant que valeur d'usage indirect ou de non usage. Outre ces bénéfices, les coûts de dégradation sont également considérés afin de tenir compte aussi des pertes subies par la société en général. La deuxième étape a permis d'identifier, parmi la riche gamme de méthodes et technique d'estimation des composantes de la VET d'un écosystème, celles jugées les plus fiables et applicables. La troisième permet également de définir un cadre pertinent pour mener l'étude à travers le choix de sites représentatifs des écosystèmes forestiers. Les deux sites retenus sont le bassin versant de Barbra situé au Nord et le bassin versant de Siliana situé au centre du pays. Pour chaque site, la valeur économique totale a été estimée par l'addition des valeurs de tous les biens et services. Cette valeur est par la suite distribuée selon le type du bénéficiaire, à savoir l'Etat (budget), la population locale, la société tunisienne et la communauté internationale. Afin d'obtenir une estimation de la valeur économique totale de l'ensemble des forêts tunisiennes, tous les biens et services ont été identifiés, les quantités produites et leurs valeurs ont été aussi déterminées. Pour les services forestiers tels que la conservation des eaux et du sol, la spécificité des sites choisis ne donne pas lieu à des extrapolations de résultats de cette étude à la totalité des forêts tunisiennes. Pour le bassin versant Barbra, la valeur des bénéfices est estimée à 1,89 million de DT, soit 328DT/ ha de forêt en 2010 en moyenne. En effet, la valeur des coûts de dégradation est estimée à 25DT/ha. Ceci entraîne une valeur économique totale estimée à 1,75 million DT, soit 303DT/ha. Les bénéficiaires sont la population locale (48%), l'Etat (25%), la société tunisienne (13%) et la communauté globale (14%). La forêt : une source de revenus Le bénéfice moyen par ménage dépend de la population usagère : 163-493DT/ménage (1 à 1/3 de la population rurale). Le fourrage et le liège représentent à eux seuls 61% de la valeur économique totale. Pour ce qui est du bassin versant de Siliana, la valeur économique totale est estimée à 4,630 millions DT en 2010, soit 197DT/ha en moyenne, le fourrage constitue le principal bénéfice (57%) de la forêt en termes de valeur économique, suivi de la protection des sols contre l'érosion (26%). La valeur des biens et services vendus par la forêt bénéficie à hauteur de 63% pour la population locale, 25% pour la société tunisienne, 4% pour le budget de l'Etat et 8% pour la communauté internationale. Le bénéfice moyen par ménage se situe entre 250 et 1.000 DT/an (1 à 1/4 de la population rurale est usagère). Malgré les bénéfices dont profite la population locale, la forêt est souvent perçue par les communautés locales comme une entrave au développement et non pas comme une source de revenus. Cet état de fait s'explique par la faiblesse des revenus des ménages, les ressources limitées des territoires forestiers et le chômage, et engendre des conflits entre l'administration forestière et la population locale sur l'usage des ressources forestières et la création d'emplois, qui se sont manifestés par des feux et des violences vis-à-vis des gestionnaires et des dégâts dans les parcs nationaux. Pour cela, les activités de gestion et de conservation devraient s'accompagner par des systèmes de compensation de la perte de revenus et les projets de valorisation des produits forestiers devraient être encouragés par la participation de la population locale. Gestion optimale des forêts Les orientations en matière d'aide à la décision visent l'optimisation de la production des biens et services des forêts à travers la promotion de la gestion optimale des forêts, le développement des revenus issu des biens et services forestiers, la promotion de la participation de la population locale et le dialogue intersectoriel, l'adaptation du cadre budgétaire national pour garantir la fourniture et l'utilisation durables des biens et services des forêts, outre la conception de mécanismes de financement pour encourager la gestion durable des ressources forestières et réduire les coûts de leur dégradation. Par ailleurs, il y a un intérêt urgent de mettre en place une stratégie efficace visant à accroître le revenu provenant des produits forestiers. Il s'agit non seulement de créer des marchés là où ils n'existent pas encore, mais aussi de différencier positivement ces produits par le biais de la certification. En matière de financement, il s'agit d'établir un système transparent et participatif pour le financement de la gestion durable des forêts pouvant assurer des interventions en ligne avec les priorités et plans nationaux. Ce fonds pourrait assurer la compensation pour la mise en défense , les subventions pour le reboisement en terrains privés, le financement de la conservation de la biodiversité...