« Médias, asile et migration mixte », un triptyque déclencheur d'idées et de faits. Hier, à Tunis, une rencontre a été organisée autour de ces trois mots clés à l'initiative de Reporters sans frontières (RSF), conjointement avec l'Unhcr, dans le cadre d'un plaidoyer national en faveur des réfugiés et migrants irréguliers, jusque-là sans statut juridique précis et bien déterminé. D'où l'urgence d'une loi d'asile, ici et maintenant. Le débat n'en finit pas de s'instaurer avec pour objectif de venir à bout de l'hydre migratoire et ses suites fâcheuses. Et la couverture médiatique devrait, alors, suivre de près le rebondissement de la situation. Modératrice du premier panel focalisé sur le rôle et la responsabilité des médias, Mme Souhir Belhassen, activiste de la société civile, a bien voulu mettre en évidence quelques idées forces communément partagées, à savoir l'alerte, l'enquête et la mobilisation. Une sorte de plaidoyer qui préoccupe énormément médias et société civile. Cela dit, mettre la pression pour que le gouvernement tunisien sorte de sa léthargie et accélère l'adoption du projet de loi sur l'asile, encore en instance à La Kasbah. Alors que l'article 26 de la Constitution l'a bien évoqué, en en faisant une revendication légitime. Mais, comment faire pour en arriver là ? Quel chemin à suivre ? Mme Belhassen insiste sur la conjugaison de tous les efforts, de manière à gagner cet enjeu humanitaire. Elle a mis en avant le double impact que peuvent avoir les médias et la société civile sur la politique de l'Etat dans la gestion de la crise à l'échelle locale. Un rôle de complémentarité Chargé de la protection auprès du Haut-Commissariat pour les réfugiés en Tunisie, M. Iyadh Bousselmi a fait à l'auditoire une lecture de la crise internationale de l'asile entre rapports de l'ONU et couverture médiatique. De par son caractère si complexe, la question mérite qu'elle soit abordée sous ses différents angles, humanitaire, social, sécuritaire et politique. L'Unhcr, précise-t-il, n'est pas la seule à en avoir l'apanage. La part de la société civile aussi. De même, la responsabilité morale et professionnelle des médias demeure, alors, de rigueur. D'autant qu'ils sont les mieux habilités pour faire entendre la voix des migrants et réfugiés. Chiffres à l'appui, près de 70 millions de migrants, réfugiés et déportés forcés sont, aujourd'hui, recensés de par le monde. Sans compter les 40 millions de déplacés internes. C'est pourquoi la dualité médias-société civile n'est pas celle de l'adversité, mais plutôt de la complémentarité, conclut-il. Dans le même ordre d'idées, Mme Saloua Ghazouani, directrice de l'« Article 19 » pour la région Mena, à Tunis, s'est concentrée sur la responsabilité professionnelle et humanitaire des médias dans la couverture des faits liés à la migration. C'est que la charte déontologique du métier n'exclut, en aucun cas, le côté humain des médias. Sans tomber, bien entendu, dans le sensationnel ou l'irréel. Ella a opté pour la spécialisation dans les questions migratoires. M. Zied Dabbar, du Snjt, était aussi du même avis : « L'effet apprentissage est de taille.. ». Il a dit qu'il n'y a dans le pays aucun organisme national pouvant statuer sur la crise d'asile. Ce qui a été réalisé Dans son allocution, Mme Naima Hammami, secrétaire générale adjointe chargée des relations internationales et la migration à l'Ugtt, a mis en exergue l'apport considérable de la centrale syndicale dans la protection des migrants. Pour elle, cette question est toujours d'une actualité brûlante. Sauf qu'on doit toujours éclairer sur des termes peu nuancés, en l'occurrence « migrant », « réfugié », « demandeur d'asile », « déporté forcé » et autres concepts pas si évidents dans la tête du citoyen. Et d'ajouter que le rôle joué par l'Ugtt à ce niveau n'est plus à démontrer : création d'un réseau syndical de migrants de la Méditerranée et de l'Afrique subsaharienne, connu sous l'abréviation « RSMMS » couvrant 25 organisations syndicales et 14 pays participants. Avec pour ordre du jour constant les questions de la migration, et avec aussi la mise en place des points focaux y afférents. Ce réseau a mené dernièrement un plaidoyer dont le pacte de collaboration sera signé en décembre prochain à Marrakech, au Maroc. Autre projet signé l'Ugtt, « FAIR » ou tout simplement « Programme intégré sur le recrutement équitable », qui s'intéresse particulièrement aux migrants en Tunisie. De même, l'Ugtt a ouvert des espaces d'accueil à Tunis et dans d'autres régions du pays, en plus d'un guide de migrants en cours de finalisation. De son côté, Mme Hajer Habchi, de l'Institut arabe des droits de l'homme, basé à Tunis, a tenu à passer en revue tout ce qui a été fait et réalisé en la matière. Soit l'expérience tunisienne dans le renforcement des capacités des journalistes dans le traitement des questions d'asile et de migration mixte : 75 journalistes ont déjà bénéficié de sessions de formation de 2015 à 2017 ayant débouché sur l'élaboration d'une charte de conduite professionnelle propre à la couverture spécialisée. Ce réseau de journalistes a pu aussi lancer un plaidoyer national pour l'adoption dudit projet de loi sur l'asile. Un projet de loi encore en stand-by.