Un seul réfugié sans espoir, c'est déjà trop ! Quelque 54 millions dans le monde entier, cela devient insupportable. Entre réfugiés, demandeurs d'asile, déplacés internes, l'Unhcr — l'organisation qui s'en charge — doit remuer ciel et terre pour venir à bout de ce problème phénoménal. Quoi qu'il en soit, le cas de force majeure plus souvent dicté par les affres de la guerre, d'injustice manifeste ou de menaces réellement justifiées leur impose de migrer à contrecœur. Sans le vouloir, ces migrants forcés se retrouvent face à leur destin, livrés à eux-mêmes sous d'autres cieux. Il y a péril en la demeure. Leur protection pose autant de questions. En Tunisie, le flux massif venu, en 2011, de la Libye voisine, aux couleurs africaines diverses, nous a appris, certes, la leçon. Et la bouffée d'oxygène médiatique, du jamais vu à l'époque, n'avait pas laissé saisir le sens de la différence. Migrant ou réfugié ? Là, il faut faire la part des choses. Parlons-en ainsi, l'homme des médias est une courroie de transmission. Une bonne communication sur la vérité des réfugiés semble de mise. L'Unhcr a, déjà, lancé un programme de renforcement des capacités en matière de plaidoyer et de protection des droits des réfugiés et demandeurs d'asile en Tunisie. A ce niveau, une formation à l'intention des journalistes est actuellement en cours, pendant quatre jours à Sfax. A l'ouverture, M. Sebastien Apatita, le second de M. Mazen Abou Chanab, représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, a beaucoup misé sur l'apport des médias dans l'accompagnement de la mission de son organisation. Son travail en Tunisie a besoin d'aide et encore plus d'engagement politique. Du côté juridique aussi, le projet de loi portant sur la demande d'asile tarde à venir, voici, maintenant, cinq ans. Héritier de la défunte ANC, il traîne, depuis, dans les tiroirs de l'ARP. Quitte à être enterré à jamais. Et si c'était le cas, que faire avec les 731 étrangers coincés dont 665 réfugiés et 66 demandeurs d'asile ? Un tel chiffre ne doit pas passer inaperçu. Cela exige que l'intervention de l'Etat tunisien prenne la mesure d'une telle situation si fragile. L'absence d'une plateforme juridique l'a rendue d'autant plus complexe qu'elle pourrait mettre le pays devant ses responsabilités. Convention de Genève N'empêche. La Tunisie est, d'ailleurs, adhérente à la fameuse convention de Genève sur les réfugiés de 1951. Et le protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés l'engage à y mettre du sien. Droit d'accès à l'éducation, à la santé, à l'emploi, à la liberté de circulation, autant de défis à relever, selon M. Apatita, et qui lui tiennent à cœur. Un message à vouloir faire passer aux médias : « plaidoyer en faveur d'une loi protectrice de ces droits ». Avec ou sans statut, tout réfugié doit en bénéficier. C'est, là, en fait, l'ultime but de la formation. L'objectif est donc promotionnel, à vocation purement humanitaire. L'état des lieux déplorable tel qu'il a été dressé par M. Mustapha Jemmali, ancien haut cadre à l'Unhcr et représentant du Centre international pour le développement de la politique migratoire à Tunis, nous amène à en savoir plus sur la question. La souffrance des réfugiés et demandeurs d'asile résonne jusque dans nos murs. Le besoin de leur soutien se fait de plus en plus sentir. Loin des surenchères, la réalité en dit, vraiment, long. Très lentes sont les solutions législatives pour en finir avec ce statu quo. Un hiatus, semble-t-il, existe entre la législation locale et le droit international humanitaire. M. Lazhar Jouili, juge et expert en la matière, le confirme, avec insistance. « C'est l'une des questions les plus importantes au monde, non sans impact sur l'ordre des relations internationales», fait-il remarquer. En termes d'effectif, les Afghans viennent en tête de liste des réfugiés, suivis, ensuite, des Syriens et des Somaliens. Selon les statistiques actuelles, l'on en recense au total près de 54 millions, toutes catégories confondues. Cependant, précise-t-il, le monde arabe est reconnu pour être le plus concerné, soit en tant que terre d'accueil ou d'origine. Et c'est dans cette région que la loi sur les réfugiés fait encore défaut. « Aucun pays arabe ne dispose d'un cadre juridique y afférent. Certes, les conventions internationales priment sur les lois locales », relève-t-il. Journalistes, à vos codes... Peu importe ! Notre pays est appelé à honorer ses engagements dont l'application trouve ses origines dans ladite convention de Genève. De même, le principe de non-refoulement des réfugiés doit être respecté, ce qui rime avec la protection de leurs droits et la satisfaction de leur demande d'asile. A ce titre également, les médias ont un double rôle à jouer : la sensibilisation et l'information. Désormais, le journaliste tunisien aura à se servir d'un document de référence conçu conjointement par l'Unhcr et l'Institut arabe des droits de l'Homme (Iadh), avec le concours du Snjt. Il s'agit, plutôt, d'un code de conduite moral et professionnel propre au traitement avec les questions des réfugiés et de la migration. Réalisé dans le cadre de formations pareilles, ce manuel de bonnes pratiques, qualifie-t-on ainsi, repose sur ensemble de principes déontologiques. De la précision conceptuelle et d'information au respect de la loi, la charte journalistique est presque la même. L'intégrité du débat sans provocation, l'équilibre d'opinions, l'intérêt général, la protection des réfugiés en tant que catégories fragiles et le respect de leurs données personnelles sont, aussi, des détails de taille. A quoi devraient s'en tenir les médias tunisiens. Pour M. Iyadh Bousselmi, chargé de la protection au sein de l'Unhcr-bureau de Tunis, l'essentiel est de ne pas mélanger les termes conceptuels précis. Réfugié, demandeur d'asile, déplacé interne ou migrant, la différence est claire. Toute fausse définition prête à confusion. Cela donne matière à davantage de communication afin d'éclairer les lanternes et lever toute équivoque sur les profils des réfugiés. Pour cette catégorie sensible et à besoins spécifiques, avoir une place dans la société est tout à fait légitime. Jouir de ses droits socioéconomiques n'est pas une faveur.