«Le droit à l'alimentation doit être justiciable» car l'ordre mondial est meurtrier et absurde, selon le sociologue suisse Jean Ziegler. A l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de l'alimentation, la Cité des sciences de Tunis a abrité un séminaire sur le thème de l'alimentation et du gaspillage alimentaire. Le droit à l'alimentation est un droit humain, fondamental et universel. La première intervention lors de cet événement a été l'œuvre de Taher Gharbi de l'Association tunisienne des sciences de la nutrition. Il a exposé, en tant que nutrionniste, le principe multifactoriel de l'alimentation dans toute sa complexité. L'axe sur lequel il s'est focalisé est relatif au problème de la faim dans le monde. Josué de Castro, président du comité exécutif de la FAO, organisation onusienne pour l'alimentation et l'agriculture, a résumé les maux endémiques de la famine : « La faim, c'est l'exclusion. Exclusion du travail, du salaire, de la vie et de la citoyenneté. Quand une personne arrive au point de ne plus avoir à manger, c'est que tout le reste lui a été dénié. C'est une forme moderne d'exil. C'est la mort dans la vie». Il a avancé le chiffre de 821 millions d'affamés dans le monde ce qui représente une personne sur neuf de la population planétaire souffrant de faim chronique. Les conflits, les événements climatiques liés au changement climatique et les récessions économiques compromettent les efforts accomplis jusque-là en vue de lutter contre la faim et la malnutrition. Ils ne sont pas étrangers au dernier recensement portant à 815 millions d'affamés en 2016. La majeure partie réside en Asie et en Afrique, avec respectivement 520 millions et 243 millions d'affamés. Une ampleur importante et hétérogène qui contraste avec celle du continent européen qui compte 9 millions de personnes vivant dans la famine. Selon M Gharbi, la faim est « un crime organisé qui attente aux personnes vulnérables». Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim. Chaque jour, 100 personnes meurent de la faim ou de ses suites immédiates. Selon Bill Clinton, ancien président des Etats-Unis : « Aucun droit n'aurait de sens ni de valeur là où la faim frappe ! » Sur le plan constitutionnel, le droit à l'alimentation est consacré dans de nombreux pays. Le meilleur exemple selon Taher Gharbi concerne l'Afrique du sud où l'on peut porter plainte auprès des tribunaux lorsqu'il y annulation de ce droit universel. En Tunisie le législateur a tenu compte de façon implicite du droit à l'alimentation qui doit devenir désormais justiciable. «La Constitution de la République tunisienne garantit implicitement le droit à une alimentation adéquate. D'où l'importance de garantir l'accès à l'alimentation de toute personne. Disparités dans l'accès à l'alimentation L'accès à l'alimentation doit être assuré physiquement pour les personnes à mobilité réduite, les nourrissons ou les jeunes enfants. Il doit l'être aussi économiquement pour les personnes nécessiteuses ou pauvres matériellement. Le droit à l'eau et à la nourriture nécessitent des garanties d'accessibilité et de disponibilité. A contrario une alimentation trop riche et un accès abusif aux aliments engendrent l'obésité. Près de deux milliards de personnes dans le monde sont en surpoids soit une personne sur trois ! La population adulte obèse est portée à 670 millions de personnes. L'obésité engendre un poids financier de plus en plus lourd à porter. Une étude du cabinet McKinsey chiffre à 2 000 milliards de dollars le coût économique de l'obésité dans le monde. La corruption, les guerres et les catastrophes naturelles engendrent la faim dans le monde. Une réalité aggravée par le manque de volonté politique. Combien cela coûterait-il de nourrir le monde ? Moins cher que de le bombarder…