Le programme global de réparations et de réhabilitation a été conçu sur la base d'une consultation engagée au cours de l'année 2017 par l'IVD Depuis quelques jours, un sit-in se tient dans le hall d'accueil de l'Instance vérité et dignité (IVD). Il est animé par les initiateurs de la campagne «Où en est mon dossier ?», qui réunit un groupe de victimes. Les sit-inneurs demandent à l'Instance de publier au plus vite les décisions cadres concernant la liste des victimes individuelles et collectives bénéficiaires des dédommagements financiers. Lors d'une réunion tenue la semaine dernière avec les organisateurs du sit-in, l'Instance a promis de rendre publics ces documents avant la fin de son mandat le 31 décembre 2018. En fait, dans la loi organique de décembre 2013 relative à l'instauration de la justice transitionnelle, un chapitre entier est consacré à la réparation des préjudices et à la réhabilitation. «La réparation du préjudice subi par les victimes des violations est un droit garanti par la loi et l'Etat a la responsabilité de procurer les formes de dédommagements suffisantes, efficaces et adéquates en fonction de la gravité des violations et de la situation de chaque victime. Toutefois, sont pris en considération les moyens dont dispose l'Etat lors de la mise en application», préconise l'article 11 de la loi. L'article détaille plus loin les diverses formes de réparation et de réhabilitation en se référant aux standards internationaux dans ce domaine précis : «La réparation du préjudice est un régime individuel ou collectif basé sur l'indemnisation matérielle et morale, le rétablissement de la dignité, le pardon, la restitution des droits, la réhabilitation et la réinsertion qui prend en considération la condition des personnes âgées, des femmes, des enfants, des handicapés, des catégories ayant des besoins spécifiques, des personnes malades et des catégories vulnérables». «Nous avons associé les victimes» Plusieurs ateliers de travail sur la méthodologie à suivre concernant la mise en place du programme global de réparations, une des missions de l'IVD, ont été organisés ces deux dernières années par l'Instance en association avec ses partenaires, dont le Pnud et le Centre international pour la justice transitionnelle (Ictj). Hayet Ouertani, présidente de la Commission réparation et réhabilitation à l'IVD, explique les différentes étapes de la stratégie de la Commission vérité : «Nous avons commencé par l'étude des dossiers des victimes, puis nous avons analysé les lois tunisiennes sur les réparations et réhabilitations et enfin évalué les conventions internationales et les expériences comparées dans ce domaine. C'est ce qui nous a poussés à prendre en compte les faiblesses de quelques-unes de ces expériences où les victimes n'ont pas été consultées». A côté d'une étude scientifique engagée par l'IVD sur tout ce qui a été entrepris en matière de réparations et de réhabilitation en Tunisie depuis le lendemain du 14 janvier 2011, l'Instance lance en 2017 une consultation nationale à propos du programme global de réparations visant les victimes des atteintes aux droits de l'Homme. 6.275 personnes vivant dans les différents gouvernorats de la Républiques âgées entre 19 et plus de 60 ans y ont participé. Ils sont des représentants de la société civile, d'associations féminines, de développement territorial et d'anciennes victimes. «Par programme global de réparations, on ne vise pas uniquement les indemnisations matérielles mais également la réhabilitation, l'intégration professionnelle ou des études, la restitution des droits et les excuses officielles», précise Hayet Ouertani. Les réparations financières arrivent en premier Les données qualitatives de la consultation se sont basées sur les ateliers de réflexion avec la société civile et des focus groupes avec les victimes. Les informations quantitatives ont été tirées de deux sondages d'opinion, l'un visant 2.045 victimes des violations des droits de l'Homme ayant transmis leurs dossiers à l'IVD et assisté à des auditions privées et l'autre à un échantillon de 3.044 personnes représentatives de la population tunisienne. Des résultats de la consultation ressortent une série d'attentes exprimées par les personnes interviewées. La première a trait aux dédommagements financiers individuels qui intéressent la majorité de la population sondée, la seconde au dévoilement de la vérité et la troisième à la réintégration professionnelle. Le fonds de la dignité qui indemnisera les victimes est alimenté par l'Etat une seule fois, à son ouverture où il versera un montant total de dix milliards. Il est également composé par les fonds provenant de la Commission d'arbitrage et de dons publics. Les victimes seront indemnisées par le gouvernement après la fin des travaux de l'IVD. En outre, le programme global de réparations et de réhabilitation en discussion depuis le mois d'avril dernier en interne à l'Instance est en voie de finalisation. Comment réparer les régions victimes ? Mais pour l'équipe qui accompagne Hayet Ouertani (six personnes), le plus dur a été d'identifier les moyens de réparer les « zones victimes ». 205 dossiers intéressant les régions, les villages et les quartiers ayant subi une marginalisation méthodique ont été présentés à l'Instance. «Justement, comment prouver la volonté de l'Etat en vue de stigmatiser ces régions ? Pour répondre à cette interrogation, nous sommes revenus aux discours de personnalités politiques de haut niveau et avons exploré les indicateurs et statistiques liés au développement : chômage, éducation, santé, eau potable, électricité... La difficulté décuple quand il s'agit d'un quartier. Nous avons essayé d'être imaginatifs dans nos recommandations pour sortir les régions de la marginalisation, tout en cherchant à être équitables. Nous ne voulons surtout pas que nos propositions créent une rivalité entre les uns et les autres», assure la présidente de la Commission réparations. Par ailleurs, les excuses de l'Etat sont une autre revendication des victimes. Du reste, cette demande, comme le fait remarquer Hayet Ouertani, est «stipulée par la loi».