Par Jalel Mestiri Le sport est mystérieux et énigmatique, voire étrange pour ceux qui ne savent pas l'apprécier à sa juste valeur… Avec ses différents événements, il a pris une place inégalée dans la société tunisienne à tel point que le calendrier sportif rythme la vie quotidienne du Tunisien. Plus encore : les enjeux sociaux, économiques et même politiques autour du sport sont devenus considérables, ce qui constitue la principale menace qui pèse sur l'intégrité des compétitions sportives à partir du moment où les intérêts justifient tous les moyens à employer pour y parvenir. C'est un domaine de réflexion particulièrement intéressant à une époque où la société semble en perte de repères et où elle s'interroge sur les valeurs qu'elle souhaite faire prévaloir dans le futur. Rien n'est plus vraiment exemplaire dans notre sport, dans le sport d'aujourd'hui. Ni l'ambiance ni les rapports humains entre les différents acteurs, ni le niveau des rémunérations, ni le mode de vie, ni la gestion des fédérations, ni la gouvernance des différentes instances. Ici et là, les abus de pouvoir et l'ingérence outrepassent les compétences. La confusion dans les rôles et dans les prérogatives fait que chaque partie ne reconnaît plus l'indépendance de l'autre. Le sport tunisien vit sa propre crise de gouvernance. Il fonctionne depuis quelque temps dans une prétendue spécificité qui ne fait qu'engendrer les dérives et les dérapages successifs et accablants. Une prétendue spécificité qui sert de paravent pour tenter de cacher la prosaïque d'une réalité amère. Il s'agit au fait d'une crise institutionnelle qui recouvre plusieurs enjeux apparents et d'autres sous-jacents. D'où les conflits d'intérêts entre les différentes parties et qui nous amènent à nous interroger sur la question de la gouvernance : Qui dirige le sport en Tunisie? Il faut dire qu'au-delà des attitudes le plus souvent curieuses et pour le moins dénuées de sens de la responsabilité, c'est l'incapacité d'agencer et de conjuguer les efforts qui a entraîné les responsables sportifs dans les sentiers battus. Cela prend des proportions encore plus alarmantes lorsque le contexte social et sportif devient explosif. Cette figure de polémique et d'altercation permanente qui ne cesse de conditionner le paysage sportif a fini par devenir une source de pessimisme et de doute. Des responsables sportifs, à différents niveaux, sont allés là où ils n'étaient pas censés être. Au bout de la logique sportive et souvent «sanctionnés» par un mal-être évident. Faut-il ainsi penser qu'il est illusoire de spéculer sur la valeur éducative et l'exemplarité du sport ? Où placer le curseur ? Il est grand temps de mettre en place une véritable réforme sur la gouvernance du sport tunisien et notamment le mode de fonctionnement de ses instances. Les priorités devraient se situer dans la recherche d'une harmonie encore plus efficiente, d'une unité de pensée et d'action encore plus efficace. Les responsables techniques et administratifs sont plus que jamais appelés à défricher plus loin et tendre vers une gestion des effectifs plus efficiente pour sortir le bon athlète et la bonne formule au bon moment et au bon endroit. La plus grande exigence est de ne plus vivre selon le même statut, mais plutôt de revendiquer une vraie identité sportive. Indépendamment des prérogatives et des attributions de chaque institution, nous pensons que les différentes parties prenantes doivent s'engager fermement pour les principes de bonne gouvernance et de transparence, et surtout afficher une coordination et une harmonisation pas seulement dans le cadre sportif, mais aussi dans tous les autres aspects qui y sont liés. L'on ne saurait, d'ailleurs, adapter les structures et les procédures qu'en fonction de l'évolution des besoins de chaque discipline et prendre en considération la complexité croissante des fonctions et des activités. L'acte de remise en cause a bien sonné. Il est avant tout une obligation plus qu'un choix. Il faudrait se rendre à l'évidence et consentir que les sportifs tunisiens ont besoin aujourd'hui d'évoluer de manière bien différente de celle préconisée jusque-là. Le changement devrait nécessairement passer par davantage de responsabilisation et d'engagement dans une cause commune. Tout doit y être. Avec un projet assez fort pour souder des individualités en un ensemble. Souvent, on pense que c'est la quantité du travail qui fait la différence. Mais la réalité est tout autre. Le plus important est d'offrir quelque chose de qualité optimale qui permette aux athlètes de progresser et de s'épanouir. Madame la ministre, depuis 2011, vos prédécesseurs ont tourné le dos à la vie sportive, à la vie tout court du sport et des sportifs. Il n'est venu rarement à l'esprit de ceux qui prenaient garde à la politique sportive de s'interroger sur les exigences du sport d'aujourd'hui. Au fait, nul ne peut s'approprier le monopole du sport tunisien, et l'on ne devrait pas accepter que certains fassent de la récupération par rapport à ce qui se passe actuellement. Pour avoir fermé les yeux sur tout ce qui constitue une source de nuisance, pour avoir été dépassées par les événements, les différentes politiques en matière de sport, ainsi que l'inertie de l'appareil ont autorisé les dérives et les dérapages de différents genres. C'est dire à quel point ceux qui occupaient, et qui occupent encore, des responsabilités au ministère n'avaient pas, et n'ont pas toujours conscience de la réalité. Mais au lieu de faire le procès des personnes, faisons plutôt celui de tout un système et d'une politique sportive qui ne sont plus adaptés au sport. Certains investigateurs de bonne conduite s'étaient trompés en tirant trop sur la corde. Ont-ils vraiment compris le message? On doute fort. C'est pourquoi nous leur demandons, et avec tout le respect que nous leur devons en tant que responsables en exercice, de …se taire. Ils se retrouvent aujourd'hui dos au mur. Demandera-t-on des comptes ?