Par Khaled TEBOURBI Une bien bonne chose que des assises internationales du journalisme se tiennent désormais à Tunis. La manifestation a lieu, habituellement, en France, dans la ville de Tours, à l'initiative, depuis 2007, de l'association «Journalisme et citoyenneté», avec le concours de clubs de la presse, sociétés de journalisme, chercheurs et syndicats. Et elle se fixe pour rôle, un : de tenter de définir «les conditions de production d'une information de qualité» (aspects technique et pédagogique), deux : de constituer un lieu d'échange et de discussion autour de la libre expression, de l'éthique et de la déontologie. Les deux questions nous intéressent de près. Elles ont, bien sûr, rapport avec notre transition démocratique en général, une transition qui a, décidément, mal à se «dénouer».Mais elles concernent, en particulier, nos pratiques médiatiques de l'après-révolution, dont on attendait monts et merveilles après la fin des dictatures, et qui révèlent, au contraire, plein de contradictions. Lesquelles, au juste ? L'instance de Tunis (réunie le 17 novembre) en a abordé une, principalement. La plus «usitée», la plus sujette à débat : celle de la liberté de presse au regard des (nouveaux)gouvernants. Les «délégués» de 30 pays de la Méditerrannée, d'Europe et d'Afrique ont lancé un appel pressant, aux responsables politiques et économiques, aux leaders syndicaux, aux associations de la société civile pour, on cite, «que la liberté de presse soit défendue comme un bien fragile et précieux». «Fragile», «précieux» : les mots reflètent aussi bien les inquiétudes que les réalités. Les assises de Tunis auront mis l'accent, en effet, sur la censure et l'autoritarisme qui «repointent du nez» un peu partout, et dont le journalisme demeure la cible première, et la plus affectée. Dans les pays du Nord, aux Etats-Unis et au Brésil, le «phénomène» résulte, peut-être, du regain massif de l'extrême droite. Plus au sud, exemple de la Tunisie de la transition, la Tunisie de l'après-révolution, le plus probable est que ce sont les mentalités qui «rechignent». A tous les coups. A tous les niveaux. Les pouvoirs, dans nos contrées, absorbent difficilement l'idée d'un journalisme libre. Les publics, idem, au fond. Quant aux journalistes, désolés d'avoir à l'admettre, mais eux-mêmes, parfois (souvent ?), se condamnent à avoir «les mains liées». Grosse contradiction, celle-là, et que la rencontre de Tunis aurait, sans doute, gagné à mettre en avant. Il se passe, en fait, que des gens de métier, des médias, en pleine possession de leurs droits, télés, radios, signatures de la presse écrite, s'engagent dans des batailles politiciennes. Ne gardent plus leurs distances. Prennent résolument, ouvertement, parti. Il existe, certes, un journalisme d'opinion. Y a-t-il, cependant, genre plus délicat, plus glissant ? Plus suspect ? Le risque, nous le pressentons, tous, en tout cas : ce journalisme, en politique, équivaut, presque toujours, à un abandon de liberté. A mettre en débat au plus vite, utile, nous en avons bien besoin.