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« Ceux qui ont gouverné la Tunisie ne lui ont pas toujours été loyaux »
Conférence de clôture des travaux de l'Instance vérité et dignité
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 12 - 2018

…Selon la présidente de l'Instance Vérité et Dignité, Sihem Bensedrine
Une vingtaine d'organisations, dont Bawssala, la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, l'Association des magistrats tunisiens, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, Avocats sans frontières, le Centre international pour la justice transitionnelle, l'Organisation mondiale contre la torture, Alert International, auront un rôle fondamental dans la période post IVD pour pousser les autorités à mettre en œuvre les grandes lignes du rapport final de l'Instance
La conférence internationale de clôture des travaux de l'Instance Vérité Dignité (IVD) s'est déroulée au Complexe de la Caisse de Prévoyance et de Retraite des Avocats (Capra), pendant deux jours, les 14 et 15 décembre. Placée sous le thème : « L'IVD en fin de mandat : les résultats en débat », la conférence ambitionnait de partager les grandes lignes des recommandations de son rapport final avec une audience composée de la société civile tunisienne, les instances constitutionnelles, les ONG internationales qui suivent le processus de justice transitionnelle, le système des Nations unies et les autorités. Or l'événement qui signe la fin des quatre années et demie de travail de l'IVD dédiées à l'investigation, la documentation des violations des droits de l'Homme et des crimes économiques et financiers qui ont marqué la Tunisie depuis l'indépendance et jusqu'à fin 2013 s'est déroulé en l'absence des trois présidents et même de leurs représentants. Un signe interprété comme inquiétant par beaucoup de participants à la conférence, car évoquant le peu d'adhésion des autorités, notamment gouvernementales, au rapport final de l'Instance, qu'elles sont pourtant chargées par la loi de traduire en programmes d'action dans un délai d'une année. « C'est un miracle que de tenir cette conférence aujourd'hui, vu toutes les entraves que nous avons rencontrées au cours de notre mandat », relevait Sihem Bensedrine, la présidente de l'IVD, à l'ouverture du colloque. A l'extérieur de la salle, le Parti Destourien Libre présidé par Abir Moussi était lui au rendez-vous. Bardés de banderoles et de slogans tous opposés aux réparations, à l'IVD et même…au Printemps arabe, les adeptes de Moussi ont manifesté pendant deux jours, sous un froid glacial et une pluie diluvienne.
Les mécanismes de la répression
La révélation de la vérité et les recommandations de la commission vérité ont été présentées au fur et à mesure de sept panels axés sur « le démantèlement du système despotique », « l'impact des violations sur les femmes, le couple et les enfants », « le démantèlement du système de corruption », « le programme global de réparations », « les lieux et actes de mémoire », « les réconciliations » et « les réformes et garanties de non répétition ». Une session finale s'est intéressée au « rôle de la société civile dans la période post-IVD ». « Ceux qui ont gouverné la Tunisie dans le passé ne lui ont pas toujours été loyaux. Ils ont accaparé l'Etat, le pouvoir et les ressources du pays tout en faisant taire par la force toutes les voix dissidentes, sans différencier entre marxistes, communistes, syndicalistes, nationalistes ou islamistes », a affirmé Sihem Bensedrine.
Pour la commission vérité, le système despotique tunisien est fondé sur une corrélation entre violations des droits de l'Homme et corruption. Il s'agit d'une machine dotée de quatre bras : la répression policière, le parti-Etat, les médias et la délation. « Si le ministère de l'Intérieur comptait 45 000 fonctionnaires, les délateurs eux dépassaient les 120 000. Toute la société devait être sous contrôle. Les mouchards qui étaient d'une rare efficacité et rapidité avaient investi tous les secteurs, les médias, les administrations, les universités, les comités de quartier. La facture des services de ces armadas de délateurs est très élevée », précise encore la présidente de l'IVD. Parmi les révélations de l'Instance concernant ce volet, l'histoire étonnante de la création de la société Allo Taxi, qui était destinée en premier lieu au…renseignement. Avec la bénédiction et la validation du président Ben Ali, selon des archives et des documents officiels retrouvés par la commission vérité.
L'enfer du contrôle administratif
Tel que décrit par l'IVD le premier jour du colloque dédié au dévoilement de la vérité, le dispositif de la répression se poursuit par un contrôle administratif qui a soumis 15 000 victimes (sur les 57.000 dont les dossiers ont été acceptés par l'IVD) à un enfer quotidien. Obligés de signaler leur présence toutes les deux heures parfois au poste de police de leur quartier, certains ont passé le quart de leur vie dans cet aller-retour entre leur domicile et le siège des forces de sécurité. « Six suicides ont été enregistrés pour cause du contrôle administratif qui asservit et détruit les personnes et l'ensemble de leur famille, puisqu'il prive les anciens prisonniers d'opinion de travail et de subvenir aux besoins de leurs proches. « Ramène ta jolie épouse avec toi ou encore ta fille qui doit avoir grandi maintenant, fais-la nous voir à ton prochain contrôle », lancent les policiers aux victimes, témoigne Oula Ben Nejma, présidente de la commission Investigations.
Ibtihel Abdellatif, présidente de la commission Femmes, a continué à brosser le paysage des violations, celles en particulier visant les femmes, les enfants et les couples, dont 43 ont été forcés au divorce. Des écoutes ont été placées à l'intérieur des foyers, des jeunes femmes ont été stigmatisées par leur famille et leur quartier pour avoir subi des heures d'interrogatoire et de harcèlement sexuel au poste de police, des enfants ont été enlevés et parfois violés et des mineurs jetés en pâture dans des prisons d'adultes. « L'Etat a programmé ma vie, mon calvaire », nous a confié un homme, violé dans son enfance pour les opinions politiques de son père, assure Ibtihel Abdellatif.
Des réparations aux individus et aux régions
Les recommandations ont été avancées le second jour de la conférence. Hayet Ouertani, présidente de la commission réparations et réhabilitation, est revenue sur le programme global de dédommagement et de réhabilitation des victimes individuelles et collectives, qui a été conçu en concertation avec la société civile et avec les victimes lors de plusieurs cycles de workshops et de sondages d'opinion. « Ces victimes souffrent aujourd'hui à 72% de complications physiques et à 88% de problèmes psychologiques visibles à travers des situations de stress post-traumatique et de panique », précise Hayet Ouertani.
Les recommandations de sa commission vont de la restitution des droits des victimes à la révision de certaines lois, qui ne protègent pas assez les enfants et les femmes, à la mise en place de dispositions spéciales pour prévenir de la torture et du viol et aux conditions d'incarcération dans les prisons, à la criminalisation par les juridictions tunisiennes de la disparition forcée. Pour les régions, quartiers et territoires victimes, qui ont présenté 220 dossiers, la commission présidée par Mme Ouertani préconise une liste de réparations. Elles tournent pour la plupart autour des discriminations positives visant ses lieux marginalisés d'une manière méthodique par le passé, malgré souvent leur foisonnement de richesses naturelles et humaines. « A côté des excuses officielles et des formes symboliques de réparations, ces régions ont droit à une meilleure qualité de l'éducation, des services de santé, de l'environnement, d'accès à l'électricité, à l'eau et à la culture. Les enfants dans ces zones-là sont confrontés à des écoles rurales démunies de tout et de moyens de transport rudimentaires, les femmes, elles, sont discriminées quant à leur salaire dans les activités agricoles », ajoute Hayet Ouertani. Elle propose encore qu'une structure spécialisée multidisciplinaire soit créée pour recevoir et prendre en charge les divers besoins des victimes et leur réhabilitation et qu'une institution publique dirige le Fonds de la dignité pour le dédommagement des victimes.
D'autres recommandations de l'IVD ont mis en exergue l'urgence de réformer des lois, qui ont rendu possibles les malversations et la corruption, d'accélérer la révision du système pénitenciaire ainsi que le Code pénal et le Code des procédures pénales. Ainsi que l'importance d'inaugurer un mémorial sur le site de la prison du 9 avril, un musée à la rue Sabbat Eddhlam, où des youssefistes ont été torturés et un lieu de visite sur les hauteurs de la montagne Agri aux environs de Tataouine où des fausses communes à ciel ouvert de fellaghas ont été retrouvées par les équipes de l'IVD.
La société civile mobilisée pour la période post-IVD
Lors du dernier panel réservé à la société civile, une vingtaine d'organisations ont pris part, dont Bawssala, la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, l'Association des magistrats tunisiens, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, Avocats sans frontières, le Centre international pour la justice transitionnelle, l'Organisation mondiale contre la torture, Alert International…Ces ONG, qui auront un rôle fondamental dans la période post-IVD pour pousser les autorités à mettre en œuvre les grandes lignes du rapport final de l'Instance, ont de leur côté présenté un ensemble de recommandations visant le court et le moyen termes. Elles ont appelé à la publication du rapport dans son intégralité au Journal officiel de la République Tunisienne conformément aux dispositions de la loi organique de décembre 2013, l'engagement ferme du gouvernement en faveur de l'élaboration d'un plan d'action et de programmes reflétant les recommandations de l'IVD concernant les réformes institutionnelles pour garantir la non-répétition des violations de droits humains et des crimes économiques, la préservation de la mémoire nationale et aboutissant à la réconciliation nationale. La société civile demande également à être consultée et associée tout au long de l'élaboration de ce plan et des programmes d'action. Les ONG réclament aussi que les autorités répondent favorablement aux décisions de l'IVD relatives à la réparation et la réhabilitation, tenant compte des besoins spécifiques et urgents des victimes et qu'elles accélèrent la réforme du cadre légal de l'institution des Archives nationales afin que celle-ci réponde aux spécificités des archives de la justice transitionnelle. Remerciant toute son équipe, la société civile et le système des NU, qui ont soutenu le travail de l'Instance plus de quatre ans durant, la présidente de l'IVD a annoncé qu'une cérémonie solennelle durant laquelle l'IVD présentera son rapport final aux trois présidences et au public sera organisée le 25 décembre.


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