L'Instance vérité et dignité et plusieurs organisations de la société civile ont tenu hier une conférence nationale sur les défis de la justice transitionnelle à l'approche de la fin du mandat de l'IVD. La conférence, qui a abordé le rôle que doivent jouer la société civile et les acteurs étatiques durant cette phase post-IVD, a été organisée à Tunis avec l'appui du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (Hcdh) et du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Ainsi avec l'achèvement des travaux de l'Instance, prévus à l'origine pour le mois de mai 2018 et prolongés, selon un communiqué de l'IVD publié la semaine passée, jusqu'à décembre 2018, le processus de justice transitionnelle se poursuivra avec d'autres intervenants. Particulièrement à travers la mise en œuvre par les pouvoirs publics des recommandations et des propositions de l'IVD relatives à l'assainissement des institutions et leurs réformes et à l'ancrage des garanties de non-répétition des dérives passées, à la préservation de la mémoire nationale, à l'exécution du programme global de réparations et d'indemnisation des victimes et au traitement judiciaire des violations graves des droits de l'Homme et la sanction de leurs auteurs. Appliquer les recommandations du rapport final « L'Etat s'engage à appliquer le système de la justice transitionnelle dans l'ensemble de ses domaines... », cite l'alinéa 9 de l'article 148 de la Constitution de janvier 2014. Une disposition qui oblige l'Etat à mettre à exécution les recommandations du rapport que laissera l'IVD à la clôture de sa mission. L'article 70 de la loi relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, adoptée en décembre 2013, donne des détails sur la période post IVD : «Dans un délai d'un an, à compter de la date de publication du rapport global de l'Instance, le gouvernement prépare un plan et des programmes de travail en vue de la mise en application des recommandations et suggestions présentées par l'Instance. Ce plan et ces programmes sont soumis à l'assemblée chargée de la législation pour examen ». L'Assemblée des représentants du peuple (ARP) s'attellera alors à créer « une commission parlementaire spécifique qui collabore avec les associations concernées pour mettre en œuvre les recommandations et propositions de l'Instance », cite encore la loi. « Nous n'avons pas encore réfléchi à la mise en place d'une telle structure au Parlement », soutient le député Samir Dilou lors de son intervention au cours du colloque. La mémoire, l'autre enjeu de l'après-commission vérité Les chambres pénales spécialisées sont une autre structure qui poursuivra le travail d'investigation et d'instruction des dossiers entamé par l'IVD bien après la fin des travaux de l'Instance. Elles statueront sur les affaires relatives aux violations graves des droits de l'Homme, à savoir notamment l'homicide volontaire, les violences sexuelles, la torture, la disparition forcée, la peine de mort sans la garantie d'un procès équitable, la fraude électorale et la corruption financière. « Le 2 mars, nous avons transmis notre premier dossier aux chambres spécialisées du Tribunal de Gabès, qui renferme toutes les preuves et charges en faveur de la victime », témoigne Sihem Bensedrine, qui insistera dans son allocution sur le manque de coopération que l'IVD a rencontré dans ses échanges avec le Tribunal militaire, certains services du ministère de l'Intérieur et la présidence du gouvernement. Le dédommagement des victimes via le fonds de la dignité est également un mécanisme qui traitera les demandes de compensation financière des victimes de la répression pendant les mois à venir. Reste la mémoire. Un sujet qui défraie la chronique ces derniers jours à travers la polémique autour de l'avenir des archives de l'IVD. La loi préconise qu'à la fin de ses travaux l'IVD transmette ses dossiers soit aux Archives nationales ou à une autre structure dédiée à la mémoire créée à cet effet. A travers les débats organisés au cours du colloque, c'est la seconde alternative pour laquelle l'IVD semble avoir opté. « Laisser croupir les dossiers de l'IVD dans les tiroirs des Archives nationales correspond à l'enterrement de la mémoire. Nous avons au contraire besoin de la maintenir toujours vivace », affirme Sihem Bensedrine.