On l'attendait ce mercato, et plus rapidement qu'on ne l'attendait, il est arrivé en trombe. Les clubs se sont précipités tête baissée, et cela nous a rappelé les statistiques publiées régulièrement par les différents instituts de consommation : le Tunisien consomme plus que ne lui permet son budget. Il emprunte, fait du porte-à-porte, recourt à toutes les possibilités de prêts, d'avances sur salaire et autres subterfuges, mais il achètera son mouton, ira en vacances en payant son billet et son séjour à crédit. Il fera la queue pour acheter un billet pour aller assister au spectacle de son artiste préféré au Festival de Carthage. Et puis, la vie est si courte ! C'est ce qui se passe et c'est ce à quoi nous assistons au cours de ce mercato. Les clubs, engloutis jusqu'au cou, continuent à acheter. Rien ne pourra les en dissuader, à moins qu'il n'y ait une décision réellement dissuasive pour les freiner, pour contrôler cet élan boulimique. L'avantage, c'est que la première partie de la compétition pliée, on est beaucoup plus enclin à regarder de plus près ce dont on a besoin. Ce n'est nullement le cas en été, où on s'empresse de faire emplette, sans trop regarder aux dépenses d'abord, sans trop savoir si l'on a fait la bonne ou mauvaise affaire. Et le comble est illustré par la présence d'un «directeur technique» qui enfourche avec sérieux son cheval blanc pour montrer la voie, sans prendre la précaution d'étudier ce qu'il possède en réserve, au sein des sections jeunes, et ce dont il a vraiment besoin. Colmater les brèches Le mercato est quand même important pour les clubs qui savent ce qu'ils veulent. Des clubs qui ont des titres continentaux ou nationaux à défendre et qui ont absolument besoin de renforts pour colmater des brèches ou pour se mettre à l'abri d'une méchante déconvenue. Le rythme infernal de la compétition, l'état des terrains, les duels qui, de semaine en semaine, deviennent plus durs, voire plus rudes et même quelque peu violents, obligent les clubs à posséder de bonnes doublures.. Ce sera donc une simple recherche de renfort ou une recrue star, qui renverserait la donne. Cette deuxième fenêtre peut offrir son lot de bonnes affaires pour les clubs qui en demandent. Elle peut relancer l'intérêt, ou… tout simplement plonger les clubs qui ont mal pioché, dans le doute. Traditionnellement, le marché hivernal est, quand même, beaucoup plus calme que le mercato d'été. Il s'agit, généralement, de transactions d'ajustement pour les clubs et les grandes stars sont rarement concernées. Reste que des grands noms en mal de temps de jeu pourraient profiter de la période pour changer d'équipe. Le rôle des agents Ces agents qui possèdent leurs filières, leurs réseaux et des médias en quête de sensations fortes à offrir à leurs lecteurs, sont en alerte. Ils infiltrent les réunions où se décide le sort de bien des clubs. Toujours adossés aux press-books bien faits, des argumentations soigneusement mises au point, ils volent au secours des présidents ulcérés et inquiets qui tiennent à saisir l'occasion de se racheter aux yeux des supporters. C'est ce qui fait que l'ambiance s'en trouve fortement agitée malgré tout. Cette période de mercato hivernal passionne tout de même les amateurs de football, curieux de connaître les choix de leur club et toutes les rumeurs de transferts. Nous assistons, depuis quelques semaines, à de drôles de manèges. C'est ainsi qu'un joueur qui a pris du poids, au point de ne plus être capable d'enfiler un short XXL est relancé par des rumeurs soigneusement distillées. Un autre qui a subi une méchante blessure qui nécessite une longue période de remise en condition générale est annoncé dans une des plus rudes compétitions du monde, arguant que des négociations sont déjà en cours et que la décision à prendre est imminente.. Un autre encore, n'a pas trouvé preneur, mais il est quand même donné sur le point d'opter pour tel ou tel club en mal de renforts. Un marché de dupes avec des mises en scène quelque peu surréalistes. Et aux bourses de se délier et aux centaines de millions de voltiger. Toute feu toute flamme Bien entendu, il est absolument nécessaire de prononcer quelques noms pour que tout s'enflamme. Les infos et les rumeurs enflamment la Toile et les médias. Tout est bon pour faire monter les enchères. C'est ainsi qu'il paraît que de grands noms opteront pour notre compétition. A vrai dire, et n'eût été la situation financière calamiteuse des clubs les plus en vue (à l'exception de l'EST), notre championnat mérite ce bond en avant. On demande un peu partout nos meilleures rencontres. C'est tant mieux si ces promesses se concrétisent, mais il nous semble qu'il ne faudrait pas se faire trop d'illusions. Ces «noms» sont raflés aussitôt mis sur le marché. Tout le monde sait que nos clubs sont empêtrés dans leurs dettes et leur mauvaise gestion. Les meilleurs ne courront jamais de risque, à moins d'être repoussés par les clubs qui souhaitent rehausser le niveau de leurs compétitions. Un début de crainte Lorsque la Fédération tunisienne de football a été la première à entériner la décision prise par l'union de football maghrébine de ne plus considérer les joueurs de notre zone géographique comme des étrangers, nous avions applaudi, mais également émis quelques pressentiments. Des craintes qui commencent à se justifier à la suite des contrats signés avec ce genre d'éléments provenant du Maghreb. Lorsqu'il s'agit de vedettes authentiques et reconnues, il n'y a pas de problèmes. Mais lorsqu'il est question de jeunes, nous éprouvons quelques inquiétudes. Au sein de nos sections élites et juniors est-on sûr qu'il n'y a rien qui puisse rivaliser avec ces jeunes engagés ? Que deviendront nos jeunes joueurs ? Nous avons bien vu la qualité des éléments qui ont été piochés dans ces catégories par le CSS, l'EST, le CA, la JSK et bientôt par l'ESS pour rajeunir et renforcer leurs équipes fanions. Il y a des valeurs sûres, et il semble que le fait d'éviter de courir des risques en optant pour cette alternative en premier choix et par conviction, soit l'argument qui fera changer bien des avis. C'est à la fédération de juger. Sa direction technique nous semble en mesure d'apprécier les effets et les contrecoups de cette ouverture. Une ouverture que nous soutenons bien entendu, mais à la condition formelle de ne pas porter préjudice à l'éclosion des jeunes. Faut-il fixer des limites, des quotas pour éviter de porter préjudice aux nôtres comme à ceux de nos pays frères, qui se retrouveront face à des déracinements préjudiciables à leurs meilleures réserves ?