Très attendu, le film de Abdelhamid Bouchnak «Dachra» sera bientôt sur nos écrans. Un film qui lance le cinéma de genre en Tunisie et qui a valu à son auteur une sélection à Venise. Un film convoité par Netflix qui voudrait le transformer en une série TV. Comment êtes-vous venu au cinéma ? J'ai fait mes études de cinéma à l'ESAC (Gammarth). Faire des études de cinéma était toujours mon objectif. Je n'ai pas pris le chemin de la télévision. Au fait, mes débuts étaient dans le web, ce qui m'a permis d'avoir de la visibilité et de la crédibilité. La série «Hadhoukem» m'a conduit aussi vers la télévision. Ensuite, j'ai réalisé mon premier court métrage «Bonbon» pour passer ensuite à «Dachra», mon premier long métrage. Pourquoi avez-vous choisi le film d'horreur ? A mon avis, pour créer une certaine industrie dynamique en Tunisie, il faut diversifier les genres. En Tunisie, on reste dans le cinéma d'auteur très marqué par le côté social alors qu'il y a beaucoup de choses à faire. J'ai voulu gagner le challenge de ce changement et j'ai choisi l'un des genres les plus difficiles. Avec le film d'horreur, soit on est crédible, soit on est ridicule. Sur un autre plan, je suis passionné de ce genre de film et même si j'avais l'histoire depuis des années je n'ai jamais eu le courage de la réaliser. Puis, je me suis dit si je peux «faire peur» au Tunisien je peux «faire peur» au monde entier. Vous faites aussi partie de la génération des Tunisiens qui sont très marqués par les films américains... Je crois qu'on n'a pas encore le savoir-faire ni les moyens financiers des américains, par contre on a quelque chose de particulier et c'est pour cela que j'ai fait «Dachra». J'ai pris le genre que les Américains ont inventé et j'y ai mis mon patrimoine culturel issu de nos croyances et de nos mythes. Ce sont des histoires que les américains ne connaissent pas ! C'est un genre qu'on n'a pas inventé mais c'est un film très tunisien. Cela dit, ce n'est pas une mauvaise chose si on devient comme les Américains côté cinéma ou comme les Coréens côté technologie. Je suis influencé par le cinéma américain. Je suis plutôt de la génération Spielberg que Godard. J'ai grandi avec Spielberg, James Cameron, David Fincher, Terminator, Jurassic Park. Cela dit, je connais les bases comme Chaplin, Hitchcock et Stanley Kubrick. Je suis aussi un grand admirateur de Tarantino et c'est ce genre de cinéma que je voudrais faire. Cependant, dans mon cinéma, j'essaie de trouver un style particulier et c'est la chose la plus difficile pour tout artiste. Un réalisateur doit faire le film qu'il a envie de voir et pas un film de commande. Dans «Dachra», j'ai mis toutes les choses qui me terrifient sur le plan personnel. Les dialogues dans le film sont très particuliers… C‘est tout de même un risque... Oui, il y a beaucoup de chevauchements et c'est fait intentionnellement, parce que, dans la vie, on se coupe mutuellement et on se parle «l'un dans l'autre» et, du coup, cela a créé un nouveau rythme qui pourrait déranger ceux qui connaissent le cinéma classique. Même dans la mise en scène, j'ai pris beaucoup de risques… Mais la question que je me pose aussi c'est «pourquoi le film d'horreur tunisien n'a vu le jour qu'aujourd'hui ?» C'est tout de même très tard ! Après tout, c'est un film de divertissement. Or, la notion de cinéma de divertissement n'existe plus en Tunisie depuis très longtemps. Comme si le côté commercial d'un film était une honte ! Meliès est l'un des premiers qui a compris le concept. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu'il ne faut plus faire de films d'auteur mais il ne faut plus faire des films d'auteur seulement. Il est temps de faire autre chose. «Dachra» est aussi un film qui cible un public jeune... Oui le public est essentiellement composé de lycéens et de collégiens qui ont déserté les salles de cinéma parce que les films ne parlent pas d'eux et ne les représentent pas. En plus il y a le public composé de ma génération (fin 80 et début 90) qui a connu tous les films Slasher, avec la série Screem, Freddy et les films de Wes Craven. Le public est là sauf qu'il ne va pas au cinéma, il regarde ce qu'il aime sur le petit écran. Vous comptez poursuivre dans le genre ? Pas pour le moment parce que le prochain projet est une comédie. C'est un autre genre mais tout en gardant mon style. Et même dans «Dachra» il y a un peu de comédie. Aujourd'hui, les genres se mélangent regardez un peu Tarantino. Je ne veux pas avoir l'étiquette de réalisateur de films d'horreur. Faire un film pour les festivals, qu'en pensez-vous ? Mon objectif n'a jamais été de faire un film pour les festivals ! Que ce soit «Dachra» ou mon prochain film comique, je les fais pour le public tunisien. C'est tout ! Si on fait des films pour les festivals, on perd notre public. Les festivals demandent une certaine écriture et un certain traitement que le public ne peut pas suivre. Les acteurs tunisiens ne sont pas habitués à jouer dans ce genre. Comment les avez-vous «gérés» dans «Dachra» ? Ce sont des acteurs que je connais et avec qui j'ai fait du théâtre. Les acteurs de «Dachra» viennent de l'école de Taoufik Jebali (Théâtre Studio). Au début, les acteurs étaient un peu terrifiés par les rôles parce que ce n'est pas facile de jouer la terreur. Mais j'ai travaillé avec eux pendant des semaines. L'actrice principale Yasmine Dimassi qui a un talent fou a su faire passer ces émotions et pourtant c'est sa première fois au cinéma. Pour elle, c'était un double challenge : être crédible dans un film et faire du cinéma pour la première fois. Vous êtes sur un feuilleton pour la télé ? En effet, je prépare un feuillton pour Nesma Tv et c'est ma première expérience dans le genre «drama» Je continue à être sous le stress parce que les attentes sont devenues importantes. J'ai un bon casting, une belle histoire et un univers très spécial. Je croise les doigts. On croit savoir, également, que vous allez réaliser quelque chose pour Netflix… Oui, j'ai été contacté par Netflix à la suite de «Dachra» pour en faire une série d'horreur mais on est en train de mener des pourparlers et j'espère que cela va aboutir . Ce sont les premiers à m'avoir contacté…