Et s'il y avait une deuxième révolution, serait-elle suffisante pour satisfaire toutes les demandes ? Tant qu'il n'y aura pas la volonté de changer et de réformer, la bataille de la 2e République ne sera jamais gagnée. Et encore moins cette transition démocratique hésitante. Révolution acte VIII. Qu'en reste-t-il dans l'imaginaire populaire? Rien ou presque n'est quasiment gardé dans une mémoire trop brouillée, des non-dits absolus, zones d'ombre et des actes indéchiffrables. Contre-révolution, sommes-nous en train de vivre ? Ainsi s'interrogent, déçus, régions démunies mal en point, jeunes sans emploi et familles des martyrs et blessés de la révolution. C'est que leurs attentes sont toujours là. Et les dossiers les plus brûlants font toujours du surplace. Alors que nos politiques et nos élus censés décider de l'avenir de ce pays, jusque-là meurtri, sont constamment aux abonnés absents. Au point d'entendre certains déplorer le départ de Ben Ali. D'autres, sous l'effet de l'insécurité pesante et la cherté de la vie allaient même leur donner raison. Ironie du sort! Huit ans déjà, l'on ne retient de notre révolution qu'un printemps bercé d'illusions. Des moments forts où l'on se croyait vraiment affranchi, près de tourner la page. Mais les mains tremblantes n'écrivent jamais l'histoire, dit-on. Dans le cours du temps qui passe, l'on ne voit guère le bout du tunnel. Et dans une large mesure, il n'y a plus de lumière. Seulement, de douloureux souvenirs auxquels s'ajoute une grande déception d'une population qui se sent trahie, livrée à elle-même et trompée par de fausses promesses électoralistes. Un goût d'inachevé ! Aujourd'hui, Sidi Bouzid, Kasserine, bassin minier, tout comme le reste de nos régions, n'ont retenu, en fait, que la mémoire de leurs blessés martyrs dont la liste définitive n'est pas encore rendue publique. A qui, alors, appartient la commémoration d'un certain 14 janvier ? A ces régions oubliées ou à ceux qui en ont largement profité ? Au-delà, les Tunisiens demeurent, hélas, les mauvais perdants. Infrastructure, emploi, santé, éducation ou autres projets du développement, rien de bien visible en tout cas. Et s'il y avait eu une deuxième révolution, serait-elle suffisante pour satisfaire toutes les demandes ? Tant qu'il n'y a pas la volonté de changer et de réformer, la bataille de la 2e République ne sera jamais gagnée. Et encore moins cette transition démocratique hésitante. La classe politique, elle, n'a pas donné la preuve de sa bonne gouvernance. Nos partis, de la gauche ou de la droite, en passant par les islamistes et les sociaux-démocrates, n'arrivent pas à changer la donne. Entre divisions et implosions, ils ne sont même pas capables de remettre de l'ordre dans la maison. L'ego partisan l'emporte sur l'intérêt du pays. Patrie avant les partis, dites-vous ! Patriotisme de façade, en quelque sorte. Leur bilan, tout compte fait, est peu reluisant : instances indépendantes inachevées, Cour constitutionnelle tarde à venir, entreprises publiques en difficulté, justice transitionnelle non aboutie, modèle du développement socioéconomique dépassé, protestations tous azimuts, chômage endémique sans précédent, corruption à tous les étages, inflation galopante, dépréciation du dinar, fuite des cerveaux et des capitaux… L'échec politique est sans appel. Seule la liberté d'expression, tant rêvée, semble devenir une réalité. Voire un acquis qui nous plaît. Toutefois, la cacophonie médiatique qu'on a vécue et qui continue à échapper au contrôle de la Haica nous laisse, hélas, un goût d'inachevé. Et les grandes réformes de l'Etat (caisses sociales, Cnam, fonction publique, retraite…), publiquement annoncées, ont, semble-t-il, manqué leur coup. Que faire pour rattraper le temps perdu ? Si les sociologues moralisent sur les erreurs du passé et les économistes font toujours parler les chiffres, la société civile tout entière demande à faire valoir la raison. Précieux conseils d'amis, mais personne ne l'entend de cette oreille! Nos politiques le savent très bien, sauf que les fantasmes du pouvoir les retiennent de passer à l'action. Ils maudissent, éternellement, l'avènement de la révolution.