• Une compétition fiction au cru moyen La 23e édition des JCC (Journées cinématographiques de Carthage) qui s'est déroulée du 23 au 31 octobre a vécu. Elle nous a fait vibrer durant huit jours au rythme de 267 films arabes, africains, mais aussi du reste du monde. La compétition officielle des longs métrages de fiction, quoique moyenne dans l'ensemble, a été dominée par un poignant et sublime (mais hélas non primé) long métrage sud-africain Shirley Adams d'Olivier Hermanus, portée par une merveilleuse interprète, Denise Newman, Prix d'interprétation féminine. Il faut dire que le cinéma de l'Afrique anglophone (State of violence du Sud-Africain Kholo Matabane et Soul boy de l'Ethiopien Hawa Essuman) ne cesse de nous surprendre par la force et la maîtrise du propos et du langage cinématographique. La compétition officielle des courts métrages de fiction a été, elle aussi, dominée par un film remarquable , encore et toujours sud-africain The abys boys de J.H. Beetge, encore ignoré par le jury. La compétition officielle documentaires a révélé des films marquants tels Fix me du Palestinien Raed Andoni (1er Prix), Teta mille fois (magnifique) du Libanais Mahmoud Kaâbour, Séparations du Tunisien Fathi Saïdi. La compétition nationale et la section panorama des courts métrages tunisiens, si elles reflètent un foisonnement de la production, elles révèlent un renouvellement de talents dont le cinéma et la vision ne manquent ni d'audace ni d'originalité. Mention pour les cinémas du monde Dans les sections hommages, nous avons apprécié ceux rendus au grand acteur et griot international disparu Sotigui Koyaté, qu'on ne présente plus, au réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb dont la filmographie oscille entre cinéma hollywodien à gros budgets Indigènes et Hors la loi et le cinéma d'auteur à petits budgets (London River, Cheb, Little Sénégal,etc.), au cinéaste libanais Ghassen Salhab dont nous avons apprécié notamment Beyrouth fantôme et Entretien avec Godard. Mais l'hommage à Hiam Abbès, dont les rôles et la fimographie tiennent en quelques lignes, était-il franchement mérité, on se le demande. «Les cinémas du monde» nous a permis de découvrir des films récents ayant été programmés ou primés à Cannes 2010 tels Oncle Boonme du Thaïlandais A. Weerasethakul, Film socialisme de J. Luc Godard, The limits of control de Jim Jarmush, Copie conforme de Abbas Kiarostami, Des hommes et des dieux de Xavier Bauvois, et autres. Enfin «Gros plan sur le cinéma d'Afrique du Sud» et «Aspect du cinéma mexicain contemporain», œuvre de jeunes auteurs au style sobre et dépouillé traitant les tourments qui agitent les humains et le monde (voir l'article «L'univers dans une avenue» de Soufiane Ben Farhat). L'absence de marché du film Les JCC ne se sont pas limitées à montrer des films, il y a eu le traditionnel colloque sur le public maghrébin des films africains, les journées audiovisuelles de Tunis, l'action de l'OIF (francophonie) pour le lancement du Fonds panafricain du cinéma. Il y a eu également l'atelier des projets où trois bourses et trois prix ont été octroyés, les prix du Work in Progress, et autres prix parallèles du syndicat des producteurs, de la Fipresci, mais cela suffit-il à attirer les réalisateurs de l'Afrique Noire francophone qui, au fil des années, préfèrent participer à d'autres festivals internationaux et au Fespaco de Ouagadougou. L'absence d'un marché du film, de stands où l'on expose, vend et achète, pose vraiment problème. Les cinémas africains et arabes, à l'exception de celui de l'Egypte, sont-ils éternellement voués aux seuls festivals ? Nos écrans commerciaux verront-ils un jour une programmation régulière de films d'Afrique Noire ou du Maghreb ? Seul un marché, une large coordination à l'échelle de régions, dans un premier temps, le permettrait. C'est pourquoi d'aucuns invitent à la réflexion sur l'identité des JCC car, il faut le dire, cette année, le comité directeur a eu du mal à réunir et sélectionner 13 films d'où l'Afrique francophone est absente. De quoi se demander comment certaines voix appellent au changement de la périodicité des JCC afin qu'elles deviennent annuelles. C'est possible, certes, mais à moins qu'elles ne perdent leur spécificité arabo-africaine, choisie et décidée, par leur père fondateur, Tahar Cheriaâ, auquel un hommage a été rendu au cours de cette session. Mais perdre cette spécificité veut dire se noyer dans l'océan les «petits» et «grands» festivals internationaux. Cette édition serait-elle une édition charnière ? Terminons enfin sur l'affluence record du public (15.000 spectateurs, par jour) qui a répondu massivement à l'appel, causant même parfois certains débordements, mais conférant un aspect festif du festival. Mieux, les cinéphiles, entre jeunes et moins jeunes, n'ont raté aucune des séances de débats avec les réalisateurs des films en compétition organisées par la Ftcc. Place maintenant à notre rétro sur les 23e JCC. Et vive la 24e édition!