La Tunisie est le premier pays africain et arabe à avoir exprimé son intérêt à adopter officiellement la stratégie de spécialisation intelligente «Smart spécialisation strategy-S3» auprès de la Commission européenne. Le chantier est en cours dans trois régions, à savoir Bizerte, Médenine et Sfax. Le professeur du concept, Dominique Foray, directeur du collège du management de la technologie à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne en Suisse est l'expert qui assurera la dissémination du concept auprès des acteurs nationaux de l'environnement de la recherche et l'innovation. Smart spécialisation strategy S3 est une approche qui aide une région à se transformer, à transformer certaines de ses structures, industries ou pôles par la recherche et l'innovation. L'idée est aussi de se concentrer dans les ressources d'une région sur quelques domaines et former dans chacun des domaines une activité, un projet, des acteurs ou encore des capacités qui sont liés, connectés, positionnés dans le même espace et engagés dans la transformation qui a été définie. «Cette concentration de ressources de formation d'une activité transformative dans des domaines prédéfinis permettra d'intensifier le tissu de recherche et d'innovation, avec des effets vertueux d'agglomération, échelle et spillovers. Ces activités deviendront alors les moteurs de transformation dans les domaines concernés et, plus généralement, au niveau de l'économie régionale toute entière», précise-t-on dans une note publiée par l'Agence nationale de la promotion et de la recherche scientifique (Anpr), qui s'apprête à organiser le 31 janvier, un atelier sur le thème «La spécialisation intelligente en Tunisie: sensibilisation des acteurs nationaux». Etapes du concept Le concept de la spécialisation intelligente renferme plusieurs étapes. La première consiste à prédéfinir les grands objectifs de transformation structurelle, comme point de départ, qui concerne les industries existantes. «Nous souhaitons ainsi moderniser le secteur agricole, diversifier le secteur de la sous-traitance automobile, digitaliser le tourisme, etc. Ces objectifs sont déterminés dans un cadre de dialogue public-privé et sur la base d'informations et de données relatives à l'économie, à la compétitivité et à l'innovation». Il s'agit, ensuite, de traduire ces objectifs en activités transformatives. En effet, l'activité transformative n'est ni un projet individuel ni le secteur dans son ensemble, mais des capacités et une série de projets reliés et engagés dans la même direction de transformation. «Il faut éviter qu'une activité transformative se limite à ne soutenir qu'un seul et unique grand projet. Il est beaucoup plus intéressant et productif de voir l'activité transformatrice comme une collection de projets de moyenne envergure portant sur une série de problèmes à résoudre, notamment ceux de recherche et développement, mais aussi de formation, de coordination, de services spécialisés...». Le périmètre et le contenu de l'activité transformative sont fondés sur une vision élargie de l'innovation. Dans de nombreux cas de changement structurel, des actions pour soutenir l'adoption de nouvelles technologies, la formation à de nouvelles compétences et l'amélioration des capacités managériales sont fondamentales. Elles doivent faire partie de l'activité transformative pour que la recherche et l'innovation soit une politique inclusive. Toujours dans le cadre de cette stratégie, il faut prendre en considération que la différenciation entre les régions ayant les mêmes objectifs doit être opérée quand ces objectifs sont traduits en activité, car chaque région a des potentialités et des opportunités spécifiques. La multitude de ces activités transformatives et des objectifs nécessite la mise en place d'un plan d'action afin de soutenir la réalisation des projets, améliorer la coordination...Chaque domaine et activité doivent être coordonnés par un investment board pour pouvoir exécuter ce plan. Dans le cadre de l'exécution, «l'engagement des agences et acteurs de financement est essentiel. Le stade de la conception de l'activité transformative et de l'exécution du plan sont aussi les stades de la découverte entrepreneuriale qui implique des succès, des échecs et des surprises. Tout cela rend indispensables des mécanismes robustes de flexibilité et monitoring pour stopper un projet en échec, augmenter le soutien à un autre, etc.».