La révision du statut et de la condition des travailleurs migrants en Tunisie devient une urgence absolue à cause de graves dépassements.L'intégration des Subsahariens africains dans la société tunisienne prend une nouvelle tournure avec les derniers événements. Depuis au moins deux mois, on ne compte plus les drames perpétrés à leur encontre. Le dernier en date concerne la «vente illicite» d'une aide-ménagère ivoirienne dénommée Jeanne en échange d'une somme dérisoire de deux mille dinars. La vilenie a atteint un niveau tel qu'on en vient à échanger une vie humaine contre monnaie sonnante et trébuchante. Elle a fait l'objet d'un trafic humain orchestré par un Nigérien avant d'atterrir finalement dans un salon de coiffure avec d'autres ressortissantes subsahariennes. La colère s'est de nouveau emparée de l'avenue Habib Bourguiba à la fin de la semaine dernière où de nombreux Tunisiens ont donné de la voix pour témoigner de leur solidarité envers la minorité noire et contre le racisme. Après les décès pour exploitation économique de deux Ivoiriens et d'un troisième, auparavant, dans une sombre affaire de règlement de compte, le précipice est véritablement atteint sur un court laps de temps. Heureusement que les organisations et associations tunisiennes veillent au grain. Elles ont tôt bien fait de hausser le ton pour dénoncer les agissements et les pratiques inspirés de l'esclavagisme. Dans un pays où la liberté d'expression et les droits humains sont en constante progression, cela fait l'effet d'un désavœu en la matière. Pour autant, l'Union générale tunisienne du travail a réagi avec virulence brandissant la menace de l'escalade, si la situation perdure à l'endroit de la colonie des citoyens d'origine africaine résidant en Tunisie… L'Association tunisienne de soutien des minorités, organisation non gouvernementale fondée le 29 septembre 2011 suite à l'avènement de la révolution de la dignité a été sondée pour son activisme dans la lutte pour une meilleure condition des migrants. Cette ONG milite pour la défense des minorités raciales notamment les Tunisiens de couleur et les Subsahariens. L'antisémitisme et l'homophobie font partie de ses chevaux de bataille. Yamina Thabet, la présidente de l'Atsm n'a eu de cesse de mener un combat en faveur des personnes de couleur touchées dans leur droit et leur dignité humaine. Les personnes de couleur à la tête d'organisations anti-raciales ont dénoncé avec vigueur la condition humaine des Noirs en Tunisie à cause de leur exploitation économique. «Honte aux nouveaux esclavagistes des temps modernes», peut-on lire sur les réseaux sociaux. Une honte à peine dissimulée qui rappelle combien de pratiques inhumaines s'opèrent encore à huis clos. Lois caduques et obsolètes La condition des migrants et des travailleurs clandestins en Tunisie a été maintes fois soulevée par l'Atsm. Notamment à cause de l'exploitation économique illégale encouragée par la situation irrégulière de ces résidents dépourvus de cartes de séjour en cours de validité. Mme Yamina Thabet s'insurge contre une telle situation qui pénalise le travailleur subsaharien : «Ils ne sont pas payés et sont victimes d'agressions ou de maltraitance de la part de leur employeur. La personne victime ne peut même pas porter plainte parce qu'elle se trouve en situation irrégulière». A l'instar du Maroc qui a légalisé la vie active des travailleurs étrangers et par voie de conséquence pour les immigrés d'Afrique subsaharienne, la Tunisie devrait lui emboîter le pas et revoir ses lois devenues caduques et «totalement obsolètes». Il devient urgent et nécessaire de mettre à jour les lois sur les statuts des travailleurs étrangers. La loi qui régit le paiement des frais de séjour doit être mise à jour car elle est obsolète. Le travailleur subsaharien doit être mieux payé et travailler légalement. Et Mme Thabet de poursuivre son raisonnement : «Lorsqu'un travailleur africain meurt en Tunisie, c'est un préjugé raciste qui se pose puisqu'on le fait travailler plus que les autres. Le migrant qui va séjourner durant quatre semaines doit payer son séjour. Cependant, l'Etat n'a aucune traçabilité de l'origine du paiement. Ils sont exploités, travaillent dans de mauvaises conditions et doivent payer des pénalités !». L'Etat tunisien, qui a aboli l'esclavagisme, a du pain sur la planche en matière de diplomatie. Comme ces faits arrivent continuellement, il y a une tendance à les banaliser auprès de la population locale. Pourtant, une prise de conscience urge aujourd'hui tant la situation est devenue embarrassante. La traite des humains est une chaîne qui traverse de nombreux pays dont un pays voisin qui a été récemment épinglé pour pratiquer l'esclavage pur et dur. Le trafic et la traite de personnes profitent au final à des employeurs sans scrupules alors que les lois tunisiennes en la matière sont devenues dépassées et obsolètes car elles ne sont pas en adéquation avec notre Constitution.