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Du féminisme des pères au féminisme d'Etat (II)
La marche vers l'égalité de genre en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 03 - 2019


Par Oum Kalthoum BEN HASSINE*
Le souci premier de Bourguiba était en effet l'intégration de la femme dans la société tunisienne. En effet, dès l'aube de l'indépendance, toutes les forces vives de la nation, y compris les femmes, devaient être mobilisées pour mener la bataille contre le sous-développement, l'objectif à atteindre étant la création d'une société équilibrée, fondée sur l'égalité, la justice et la morale (Slah-Eddine Baly in Lakhal-Ayat, 1978). Dans ce contexte, la promotion de la femme, en vue de contribuer à l'épanouissement de la Tunisie nouvelle, devient une nécessité urgente que Bourguiba a inscrite en tête des priorités nationales. Pour celui qu'on qualifie de « libérateur de la femme » et qui a toujours tenu à expliquer clairement sa politique dans ses discours, «il faut rendre la femme à sa société pour qu'elle puisse jouer convenablement son rôle d'épouse, de mère et de citoyenne ; elle doit rattraper des siècles de retard pour vivre une femme du XXe siècle». La promotion des droits de la femme était donc conçue non seulement dans l'intérêt de la femme mais surtout pour faire enraciner la modernisation dans la société tunisienne (Damak, 2005).
C'est ainsi que la Constitution, promulguée en 1959, stipulait que tous les citoyens, hommes et femmes, sont égaux devant la loi. Elle a rendu de ce fait possible la naissance de nombreux décrets qui ont permis, entre autres, l'accès de la femme à l'éducation, au même titre que l'homme. Cette réforme éclairée et judicieuse du code juridique a été donc complétée et soutenue, de manière déterminante, par la politique de l'éducation. En effet, l'instruction est un instrument essentiel pour la libération de la femme. C'est en fait grâce à l'éducation que les femmes s'adapteront facilement à la nouvelle condition en tirant parti du nouveau statut juridique, s'intégreront à l'économie en accédant aux emplois salariés et participeront à l'édification de la Tunisie moderne. Dès 1956, Bourguiba avait compris qu'il ne suffisait pas de changer un code mais de construire un nouveau pays moderne « dont toutes les composantes (économique, sociale, religieuse, culturelle…) devaient former un ensemble cohérent, plus précisément un nouveau système de relations entre toutes ces variables, qui assurerait l'émancipation des femmes tunisiennes » (Morrisson, 2004). C'est pour cette raison que dès 1956, le Code du statut personnel a mis la Tunisie sur la voie d'un nouveau choix de société où la femme occupe une place importante (Larguèche, 1999). Ainsi, après son indépendance, la Tunisie se différenciait, des pays arabo-musulmans, par une réalisation essentielle et révolutionnaire (Chater, 1976), ce qui a conduit un juriste tunisien à déclarer que le Code du statut personnel est un symbole de la Tunisie plus puissant que la Constitution (in Charrad, 1997).
Leader charismatique du peuple tunisien depuis les années 30, Bourguiba s'est appuyé sur son extraordinaire popularité mais a aussi profité de « l'état de grâce » de l'indépendance pour imposer la réforme du Code du statut personnel à une société tunisienne traditionnelle. Cette « conjoncture politique aussi exceptionnelle lui permettait, du moins pendant quelques années, de faire passer les réformes qu'il voulait et il a eu le mérite d'en profiter pour émanciper les femmes tunisiennes » (Morrisson, 2004).
Outre cette conjoncture politique favorable, Bourguiba a légitimé son action par ses multiples références à la religion. Il a donc « tiré profit de l'Islam qui permet à tout croyant instruit d'interpréter le coran sans la médiation d'un religieux ». De ce fait, «lorsqu'il présente au cours d'une conférence de presse le Code du statut personnel, c'est en présence du cheikh El-Islam malékite et avec l'aval du recteur de la Zitouna» (Morrisson, 2004).
Cependant, Bourguiba a surtout fait soutenir son action par les femmes en créant, dès 1955, l'Union nationale des femmes tunisiennes en vue d'appuyer la politique de l'Etat en matière de promotion de la femme, notamment par des actions de sensibilisation et d'alphabétisation. Cette organisation fait alors porter ses efforts sur l'éducation des filles, l'alphabétisation des femmes et le contrôle des naissances, notamment dans les zones rurales où vivait, à cette époque, la grande majorité de la population tunisienne (70%) et où la plupart des femmes étaient illettrées. Elle était dirigée par une élite éclairée composée de militantes qui avaient, pour la plupart, participé à la lutte nationale contre le colonialisme. L'Union nationale des femmes tunisiennes, qui éditait une revue de sensibilisation et de vulgarisation et qui représentait la courroie de transmission de la politique de Bourguiba en milieu féminin, a accompli auprès des femmes un énorme travail de conscientisation grâce à ses représentations, couvrant les zones les plus reculées du territoire tunisien. Ainsi, cette organisation a mené une campagne active en faveur des moyens contraceptifs que l'Etat a rendus accessibles dans tout le pays. Elle a diffusé les idées émancipatrices, a organisé des cours d'alphabétisation et a ouvert des centres de formation professionnelle dans toutes les régions. Elle a donc «participé à l'édification du projet de société promu par la Tunisie à l'indépendance» (Rabaaoui-Essefi, 2001).
Pour faire accepter le nouveau code juridique, Bourguiba s'est donc appuyé sur l'Islam mais surtout sur les femmes. Il n'a donc ni procédé par la force, ni imposé un code civil importé de l'Occident comme l'a fait Atatürk en imposant en Turquie le code civil suisse (Morrisson, 2004).
Citoyenne à part entière
Toutefois, bien que beaucoup estiment que, de par sa participation active aux côtés de l'homme à la lutte nationale, la femme méritait le statut de citoyen à part entière, des oppositions fortes se manifestèrent dès la promulgation du Code du statut personnel. En effet, malgré la politique évidente favorable à la femme, l'application de ce code a été, au départ, freinée par les résistances des magistrats, du Vieux-Destour et d'une partie de la population (in Morrisson, 2004).
De ce fait, tout au long des années soixante, Bourguiba fut l'inlassable avocat de l'émancipation de la femme, en saisissant toutes les occasions pour «tonner contre les archaïsmes misogynes et sexistes » (Bessis, 1999). Il faisait des interventions répétées contre le port du voile en s'attaquant aux résistances traditionalistes : «Nous regrettons l'obstination des parents qui contraignent encore des jeunes filles à porter le voile pour aller à l'école. Nous voyons même des fonctionnaires se rendre à leur travail affublées de cet épouvantable chiffon. Le gouvernement ne saurait rester indéfiniment passif devant ce mauvais vouloir qui se dresse comme un obstacle dans la voie d'une grande réforme» (discours prononcé fin 1957). Il arrivait même à intervenir quelquefois dans les procédures lorsqu'il estimait que les femmes ont été incorrectement jugées. Par ailleurs, la réorganisation du ministère de la Justice a permis le renouvellement d'une partie des cadres de la magistrature, notamment par la suppression des tribunaux religieux.
«Ainsi, se construit progressivement un discours officiel de rupture avec la tradition, que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier de féminisme d'Etat» (Bessis, 1999).
Avec l'abolition de la polygamie, l'interdiction de la répudiation et son remplacement par le divorce judiciaire qui peut être réclamé par les deux époux et la suppression de l'institution malékite du tuteur matrimonial, le Code du statut personnel constitue une exception dans le monde musulman d'autant plus que ce « nouveau statut juridique de la femme n'est pas la copie d'un code européen comme en Turquie, mais Bourguiba le présente comme une modernisation guidée par l'interprétation du coran » (Morrisson, 2004). En ce domaine comme dans d'autres d'ailleurs, Bourguiba s'est en effet toujours attaché à justifier ses mesures auprès de l'opinion par un appel à l'ijtihad, autrement dit à une relecture des textes sacrés, sans pour autant dépasser les limites imposées par cette référence (Bessis, 1999).
Avec le Code du Statut Personnel, la Tunisie montre, notamment au monde arabo-musulman, comment la condition de la femme peut changer sans rupture, mais avec des tensions inévitables parce que le pays a voulu concilier modernisation et tradition (Morrisson, 2004).
Ainsi, la plupart des suggestions de Tahar Haddad pour la promotion de la femme par l'amélioration de sa condition ont été prises en considération et appliquées environ seulement vingt ans après sa mort. «Cette prise en charge de la pensée de T. Haddad lors de l'indépendance compense les attaques et les anathèmes subis par son auteur, au moment de la parution de son ouvrage» (Sraïeb, 1999).
Contrairement à ses consœurs occidentales, la femme tunisienne a donc obtenu tout à la fois : l'indépendance de son pays, l'accès à l'éducation et les droits d'être humain et de citoyenne.
Ses acquis ont été affirmés par la suite et l'œuvre des précédents réformateurs a été poursuivie. Ainsi, le successeur de Bourguiba «ne répugne pas à se situer dans une prestigieuse lignée de modernisateurs» (Bessis, 1999), féminisme d'Etat oblige et dont la paternité revient incontestablement d'ailleurs à Habib Bourguiba. En effet, dès 1988, le Pacte national confirme le principe d'égalité entre l'homme et la femme et le nouveau président affirme publiquement son attachement au Code du statut personnel : «Le Code du statut personnel est un acquis auquel nous sommes attachés et par lequel nous nous tenons engagés. Il n'y aura ni remise en cause, ni abandon de ce que la Tunisie a pu réaliser au profit de la femme et de la famille » (discours de mars 1988).
Cependant, il convient de noter que plus que Bourguiba, Ben Ali s'est servi de sa politique féminine pour soigner son image et contrebalancer les critiques relatives au déficit démocratique sous son régime. C'est ainsi que pour consolider les droits des femmes et faciliter leur évolution, de nombreuses mesures juridiques complètent cette politique. Ainsi, la réforme, consignée en 1993 dans les codes à la fois pénal, du statut personnel, du travail et de la nationalité, comporte un ensemble de décrets qui non seulement illustre la continuité d'une politique de l'Etat favorable à la promotion de la femme mais imprime aussi à cette politique une nouvelle dynamique. Ces mesures semblent vouloir « permettre à la femme d'évoluer du statut de citoyenne à celui de partenaire dans toutes les sphères publiques et familiales ». Quant à la réforme constitutionnelle d'octobre 1997, « elle érige la non-discrimination entre l'homme et la femme comme principe de base de toute organisation politique » (Rabaaoui-Essefi, 2001).


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