Par Wafa Kammoun L'évolution qu'a connue la femme tunisienne au cours d'un demi-siècle est notable, incontestable et indéniable… On peut dire – sans risquer de se hasarder, et loin d'être présomptueux — qu'elle occupe une situation de premier rang et une place de choix dans la société civile féminine du monde arabe… Tout cela a été réalisé grâce à son militantisme et à la bataille acharnée qu'elle a menée avec tant de sacrifices pour conquérir son émancipation et avoir accès à une vie dans le respect et la dignité, d'une part, et grâce aussi — il faut être reconnaissant — à deux grands hommes, les deux réformateurs nationalistes et modernistes : Tahar Haddad (1899-1935), auteur du livre intitulé Notre femme dans la Chariâ et dans la société. Selon l'expression du professeur Ahmed Khaled : «Ce livre fut la cause de ses délires tragiques et souleva, dans un tollé général, une cabale de dévots qui dépasse les frontières de la Tunisie… Tahar Haddad fut attaqué de tous côtés, dépouillé de ses titres et expulsé de son emploi», (Cf. Ahmed Khaled, La postérité du traité moderniste de Tahar Haddad). Et grâce aussi au leader Habib Bourguiba qui s'est attaché dès l'aube de l'indépendance à émanciper la femme, à lui ouvrir les voies du progrès et de la modernité, la faire sortir du gouffre de l'ignorance, de la misère et de la souffrance … Le 13 août 1956 est une date remarquable, et considérée comme un événement d'une portée considérable dans l'histoire de la femme tunisienne … Citer cette date c'est s'arrêter sur l'importance que revêt la promulgation du Code du statut personnel, comme étant le premier texte voté à l'aube de l'indépendance, dans l'euphorie et l'enthousiasme du peuple tunisien qui a enduré tant de sacrifices pour conquérir sa liberté, sachant bien que la liberté ne s'offre pas, elle se conquiert… Délivrée et émancipée à partir de cette date mémorable, la femme tunisienne est devenue l'égale de l'homme sur tous les plans : dans la vie familiale, sociale et civique… Dans ce contexte, on peut relever une citation de Monsieur Béji Caïd Essebsi dans son livre Habib Bourguiba: Le bon grain et l'ivraie, à la page 63 : «Dans le contexte de l'époque, l'introduction du principe d'égalité au sein de la famille, entre les conjoints et entre les enfants, est une révolution… Dans ce domaine particulier, Bourguiba est plus qu'un réformateur, il est un authentique révolutionnaire, un visionnaire et un éducateur…». Dans les temps passés, la femme tunisienne était condamnée à mener une vie en état de réclusion, et à rester enfermée entre les murs de la maison de ses parents, jusqu'au jour où elle se marie pour devenir prisonnière de la maison de son époux. Elle mène une vie enfermée, à l'écart du monde, privée de toute liberté, assujettie et tenue à se soumettre à au mari sans avoir le droit de donner son avis. Muselée, elle est réduite au silence et n'a pas le droit à la parole ou à élever la voix en présence de son mari. Contrainte à vivre dans la résignation et la soumission à la volonté de son mari, et au destin, sans protestation. Elle devait sombrer dans la misère, sans rien dire.. - Gare à celle qui ose protester, critiquer ou revendiquer un droit ! C'est une désobéissante ! C'est une rebelle ! C'est «Dar Joued» qui l'attend! Lucie Paul Marguerite dans son livre Tunisiennes a fait la description de ce centre comme suit : «Derrière les murs de ces ghettos, dont les portes sont munies de gros verrous encadrés de barres de fer, la femme tunisienne souffrait dans ces centres de réclusion de toutes les formes de pression et d'humiliation». La femme tunisienne était maintenue dans la condition d'une esclave recluse. Elle était retranchée de la société. Hier captive et emprisonnée, aujourd'hui émancipée, libérée et citoyenne ayant recouvré sa liberté, sa dignité et ses droits, la femme tunisienne est la première fleur de l'indépendance qui lui a permis de s'épanouir pleinement…La liberté recouvrée, son dynamisme explose, dynamisme fait d'initiative, d'enthousiasme, d'esprit d'émulation. Elle secoue l'inertie et la routine. Elle s'engage dans la voie du savoir, des sciences et de la technologie. Elle a bien réussi dans ses études à tous les niveaux. Elle est parmi les lauréats et parmi l'élite. Elle retrouve sa personnalité, et elle occupe la place qu'elle mérite dans le milieu scientifique et sur la scène politique. Et elle aspire à une vie dans la prospérité, dans la sérénité … Son militantisme, sa vie laborieuse lui ont donc valu un certain prix honorable et une place appréciable d'une façon légitime.. C'est le fruit de l'éducation, du travail, de l'abnégation, du dévouement, du sérieux et surtout de la persévérance et de la bonne volonté, car vouloir c'est pouvoir. Le grand poète tunisien Aboul Kacem Chebbi disait : Lorsque le peuple, un jour, aspire à la vie, Force est au destin d'exaucer sa volonté Et pour conclure, on peut rassurer tout le monde que la promotion de la femme tunisienne est une promesse et pas une menace.