Le manque d'écoute et d'empathie des enseignants envers certains élèves « hyperactifs, turbulents et ingérables » pose un réel problème d'encadrement pédagogique. Le recours à la punition physique dans les cas extrêmes d'indiscipline reflète l'absence d'une approche psychopédagogique adaptée et personnalisée Les derniers soubresauts, qui ont agité la vie scolaire des élèves tunisiens, pris en otage entre le syndicat de l'enseignement secondaire et leurs parents, connaissent un phénomène sous-jacent. Celui de la punition physique qui se banalise dans l'indifférence totale de la société civile. A cause de la tension permanente que vivent certains élèves en difficulté et en proie à l'échec scolaire, on a relevé de nombreux abus à la fois des enseignants et des géniteurs à l'encontre des enfants : présence de bleus et de traces de coups sur le corps… Sans compter les insultes et les brimades en tout genre et en de nombreuses circonstances. Des élèves « entre le marteau et l'enclume » La grande sévérité des punitions est mise en cause avec des parents et des éducateurs de moins en moins indulgents. A trop « tirer sur une ambulance » à chaque fois qu'une situation fâcheuse se présente, l'enfant devient l'objet de toutes les railleries et moqueries de la part de son entourage. L'avis du Dr Noureddine Elhadawi, psychopédagogue, devient nécessaire pour comprendre dans quelle mesure la pédagogie scolaire doit être revisitée pour mettre fin aux abus. Pourquoi les éducateurs frappent-ils leurs élèves en cas d'indiscipline ? Les parents ne font guère mieux à la maison, et ont recours également au châtiment corporel lorsqu'ils se sentent dépassés. Pour quelles raisons adoptent-ils une attitude néfaste vis-à-vis de leurs enfants? Comment remédier à de telles situations conflictuelles ? Le recours de plus en plus fréquent à la punition physique ces derniers temps, dans les établissements scolaires tunisiens, intrigue. Le nombre de signalements de cas de dépassements a augmenté considérablement. Pourtant, Dr Elhadawi nuance cet état de fait par le déclin de ce genre de sanctions durant ces deux dernières décennies. La démocratie naissante en Tunisie depuis 2011 a créé un climat social où la peur de dénoncer les mauvais actes en milieu scolaire n'existe presque plus. La surcharge des effectifs dans les classes est mise en cause dans la gestion des élèves. Il en découle des problèmes de démotivation et d'abandon scolaire. Ces deux facteurs font croître la tension entre les élèves et leurs enseignants. Au point d'en arriver à des mesures déplaisantes à l'égard des enfants. Cela traduit le malaise généré par la crise de valeurs que traverse la Tunisie. Le rôle de la psychopédagogie en milieu scolaire est là pour tenter de mettre fin à l'hémorragie de la violence verbale ou physique. En parallèle, les enseignants sont débordés. La formation des instituteurs et des enseignants en matière de psychopédagogie est absente. Ce qui nécessite une intervention au niveau de l'enseignement de la discipline chez les instituteurs et les éducateurs. Manque de qualification Cette discipline est encore cruellement mésestimée en Tunisie. Elle n'arrive pas à ouvrir une brèche pour sortir les éducateurs de l'impasse vers un meilleur climat de travail dans les établissements scolaires. « Il faut introduire de nouvelles approches pédagogiques face aux situations de stress, d'échec ou d'abandon scolaire qui prennent en compte la psychologie de l'élève. Il y a, en effet, une absence de formation des enseignants en matière de psychologie de l'apprentissage», note le psychopédagogue. Des avancées sont à créditer tout de même, en matière de psychopédagogie. Dr Elhadawi a animé des conférences et des rencontres-débats sur le thème des modalités de gestion des comportements. En outre, l'école de la deuxième chance et l'intégration de psychologues scolaires dans les délégations régionales sont des points significatifs de l'évolution de la situation. Ce facteur tendrait à minimiser le recours aux châtiments corporels de l'aveu du Dr Elhadawi qui a mis en exergue l'importance d'adopter une démarche multidisciplinaire qui impliquerait les associations, le ministère des Affaires sociales… La mise en place de clubs, d'activités parascolaires, de jeux ludiques et créatifs fait défaut dans les établissements publics, généralement pour des raisons matérielles et organisationnelles. Ce qui n'est pas pour remédier favorablement à la situation. Tant qu'il n'y a pas tous ces éléments intégrés dans la vie scolaire de l'enfant, on ne pourra pas entrevoir un climat propice dans les écoles tunisiennes. « En Tunisie, l'élève vient à l'école seulement pour assimiler les connaissances qu'il va par la suite restituer lors de l'évaluation, ce qui n'est pas suffisant pour son épanouissement et sa réussite», conclut Dr Elhadawi. Le climat social particulier crée des tensions que les enseignants transmettent à leurs élèves. Une situation qu'il faut éviter absolument pour faire face à l'abandon et l'échec scolaire en Tunisie.