La violence parentale doit être bannie, car le schéma sera reproduit par l'enfant à sa majorité. Un châtiment corporel est une forme de punition, dont l'objectif est d'infliger une douleur physique afin d'amener un enfant coupable d'une faute ou d'un délit à se repentir et à éviter la récidive. Les parents et les éducateurs en milieu scolaire ont malheureusement recours à ce stratagème pour mettre au ban les enfants hyperactifs, agités ou turbulents. Mais pas que. Les enfants autistes ou porteurs de handicaps neurologiques sont souvent la cible de maltraitance. On l'a appris, il y a quelques jours, avec le scandale de l'affaire de violence envers des enfants autistes dans un centre spécialisé de l'Ariana. Donner la fessée, taper sur les doigts à coups de règle, frapper avec une ceinture pour corriger le comportement fautif d'un enfant faisaient jadis partie des mœurs. Mais aujourd'hui, est-ce que le châtiment physique est toujours tolérable et d'actualité en Tunisie, un pays qui aspire à la démocratisation des valeurs et des droits humains ? Dr Wahid Koubaa, pédopsychiatre, a été interrogé brièvement. Sa réponse est formelle : «On n'a absolument pas le droit de frapper un enfant, et ce, en vertu des droits de l'enfant (Ndlr: exigés par l'ONU)». Voilà qui est dit. L'avis d'un spécialiste devenait nécessaire pour comprendre la question de cette forme de punition dégradante sur l'enfant. La Presse a contacté Dr Sofiene Zribi, psychiatre, pour illustrer notre raisonnement. De manière générale, le châtiment est une violence qui est faite à l'autre pour l'asservir, le soumettre à une loi, à une autorité et à une force qui lui est supérieure. Mais alors, à quelles fins voit-on de telles pratiques, afin de discipliner ou simplement pour torturer le corps et l'esprit ? Discipline ou torture ? Dr Zribi explique : «Le châtiment corporel n'a jamais eu pour but d'éduquer, mais uniquement de dresser. C'est une manière primaire et primitive qui n'apporte rien à l'éducation de l'enfant. Son épanouissement devient absent. Il ne va pas s'autonomiser ni exprimer librement son opinion». Les témoignages de nombreux parents assimilent le châtiment corporel à une humiliation déshonorante pour l'enfant victime. Dans quelle mesure peut-on considérer une fessée ou une gifle comme une sanction disciplinaire et ne pas revêtir un aspect tortionnaire. Car l'enfant est fragile, sa mémoire enregistre. Il a besoin de repères éducatifs que la punition corporelle ne lui apporte pas. Une mère de deux enfants, dont un adolescent, donne un témoignage édifiant sur sa méthode. Elle évite dans toutes les situations possibles de passer au bâton. «Il faut, à mon sens, trouver toutes les punitions possibles loin de celles d'ordre physique. Priver d'écrans technologiques et d'Internet son enfant pendant une période est une punition qui porte ses fruits. La récidive chute considérablement, mon ado ne me refait plus le même coup». Les parents s'en remettent parfois aux gifles et fessées dans une visée éducatrice et pas à des fins de torture. Mais ne pas lui faire mal pour lui faire mal. Les maîtres et les éducateurs sont parfois dépassés, à bout de nerfs. Mais les mentalités évoluent favorablement jusque dans les campagnes. Les gens savent qu'il est formellement interdit de frapper ou violenter un enfant. De plus, on ne peut pas discipliner un enfant en ayant recours systématiquement à la violence corporelle et physique. La punition doit être discutée dans un débat à grande échelle. On remarque plus de châtiments au sein du domicile parental qu'au sein des établissements scolaires. Il faut éviter à tout prix la banalisation de la violence car le châtiment corporel représente une humiliation pour l'enfant battu. La communication est indispensable pour casser la spirale de la violence. Pourtant, cette pratique est très ancienne et a la peau dure... Une vieille pratique Le châtiment corporel est très largement répandu à travers le monde en tant que pratique éducative envers les enfants et les adolescents, surtout dans le cadre familial et scolaire. Depuis l'Antiquité, les châtiments corporels ont été utilisés. Que ce soit par les parents envers les enfants, par les forts envers les faibles ou par les rois envers les sujets. Toujours dans le but d'asservir et d'imposer une domination de l'un par rapport à l'autre. Il y a une négation de la personne et du caractère autonome et libre de la personnalité. Là où le bât blesse, c'est au niveau de la réaction des parents. Ils abusent de ces châtiments pour imposer leur loi, tout comme les instituteurs et la police des Etats dictatoriaux qui n'en font pas moins. Dans le cas des enfants autistes, ils ne comprennent pas le sens de cette violence. Ils n'arrivent pas à assimiler cette violence dans le cadre relationnel ou de façon qu'elle aboutisse à quelque chose. Les abus relevés dans le centre, c'est une marque de méconnaissance, de mauvaise fréquentation, d'incompétence... L'enfant autiste battu va reproduire cette violence sans en comprendre le sens. Le rôle de la communication est prépondérant pour éviter de telles dérives comportementales. Dr Zribi explique à ce sujet: «On traite les problèmes rencontrés en dialoguant, en expliquant à l'enfant. La punition physique, c'est la négation de la personnalité de l'autre. C'est rabaissant. La violence émane des problèmes de communication, du fait qu'on n'arrive pas à expliquer de façon rationnelle ce qu'on attend de l'enfant. La main leste et facile à donner des coups doit être retenue, car la violence engendre la violence». Et de poursuivre : «Des séquelles indélébiles et d'énormes problèmes à l'âge adulte sont constatés. Le châtiment corporel est enregistré dans la mémoire de l'enfant. A la majorité, il va reproduire cette violence sur ses enfants, sur son partenaire, voire sur la société et dans son milieu professionnel». Dans les écoles, certains enseignants ont recours également au châtiment physique. La méthode forte aussi. Le danger de la banalisation. C'est une autorité qui s'impose par la force et pas par le caractère moral. Pour les enfants hyperactifs ou turbulents, des solutions existent pour ne pas recourir à la violence punitive. «Il y a des traitements, une prise en charge psychique et psychologique». Dans les cas extrêmes, un médicament appelé ritaline, délivré sur stricte ordonnance par un pédopsychiatre qui sait très bien l'utiliser. Une solution bénéfique à l'enfant. Selon la définition de Murray A. Straus, sociologue américain, un châtiment corporel est défini comme étant «le recours à la force physique avec l'intention de faire ressentir une douleur à l'enfant, mais sans lui infliger de blessure, et ce, dans le but de corriger ou de contrôler son comportement». Un comportement plus humain s'impose dans notre société, parfois trop moralisatrice. Ecouter les enfants, leur donner de l'amour et ne pas réagir par de l'énervement sont indispensables. Ne pas les brusquer, préserver un climat sain et d'épanouissement dans le cercle familial et scolaire sont nécessaires. Il faut faire preuve de compréhension et d'empathie envers eux.