A l'approche d'une saison touristique prometteuse, les étals anarchiques poussent comme des champignons au cœur de Tunis échappant à toute action de contrôle économique et sécuritaire. Dans certains coins de la capitale, il est fréquent de se trouver coincé au milieu d'une foule de personnes tombées sous le charme des produits à bas prix exposés clandestinement. Mettre fin à ce phénomène serait une simple illusion, mais le maîtriser s'avère obligatoire. A la place de la République de Tunis, plus précisément en face de la station de la République connue plutôt sous l'appellation du «Passage», ces étals semblent être plus puissants que les autorités. Opérant en toute clandestinité, ils s'affichent publiquement comme si c'était un droit acquis de s'installer sur ces lieux et vendre des produits dont l'origine est, certainement, inconnue. En plein jour et en heure de pointe, alors que des passants se précipitent pour rejoindre la station, ces étals occupent littéralement la voie publique, créant de véritables bouchons de circulation. Les piétons peinent, en effet, à trouver leur chemin au milieu de ces étals qui ressemblent à un gigantesque bazar à ciel ouvert où règne l'anarchie. D'ailleurs, certains se trouvent obligés de se faufiler au milieu de la foule. Et si cet endroit connaît une affluence record, c'est parce qu'on y trouve des marchandises et des produits pour tous les goûts et toutes les bourses. Quelques sous suffisent pour s'offrir ce dont vous avez besoin. Voiles pour femmes, livres, popcorn, vêtements contrefaits, sacs de fripe et même des fenouils prêts à être consommés… Tout est bon à vendre, en dépit des risques sanitaires. Dans ce mini-écosystème économique, on entend les cris assourdissants de ces vendeurs clandestins qui vantent leurs produits, pourtant, de très mauvaise qualité. Un fait qui, vraisemblablement, ne pose aucun problème, puisque les passants sont nombreux à s'attarder devant ces étals. Pis encore, certains s'avèrent être des clients fidèles. Jeu du chat et de la souris avec la police municipale C'est le cas d'une jeune étudiante habitant à Oued Ellil qui choisit ses articles de beauté chez ces marchands ambulants. Pour elle, même des enseignes commerciales vendent des produits contrefaits alors que leur prix est très élevé. «Donnez-moi une seule raison qui me prive d'acheter un rouge à lèvres ou autre produit de beauté chez ces commerçants ambulants. Des boutiques de renom commercialisent des produits contrefaits alors que leur prix est extrêmement cher. Pour moi, qui est une simple étudiante dont le budget quotidien ne dépasse pas les cinq ou six dinars, je me contente de ces produits, même s'ils sont contrefaits ou présentent des risques sanitaires», explique-t-elle. Dans les rues et ruelles et même artères de la capitale, l'activité de ces contrevenants, profitant d'un manque de contrôle, prospère. Mais ce qui rend le contrôle de ce phénomène encore plus difficile, c'est les stratégies d'évasion et de vigilance adoptées par ces commerçants ambulants. Car, selon les constats et les témoignages que nous avons recueillis, ils ont pu, en effet, mettre en place un réseau de vigiles, qui s'efforcent de suivre tous les pas des équipes de contrôle, et une fois le signal donné, ils disparaissent en un clin d'œil. C'est pour ce fait qu'il est fréquent d'apercevoir à Tunis, des marchands courant à toute vitesse et balançant leurs marchandises dans les ruelles de la capitale, évitant ainsi les amendes et leur saisie par les équipes de contrôle et la police municipale. Dans ce sens, un marchand clandestin décrit son quotidien qui semble être peu confortable : «On joue au chat et à la souris avec les policiers, ils ne nous laissent jamais tranquilles, c'est vraiment inhumain. Voulons-nous travailler dans ces conditions ? La réponse est certainement non, mais nous sommes obligés de le faire, nous avons des bouches à nourrir et nous ne voulons pas mendier», témoigne-t-il. Jouer au chat et à la souris, une expression qui pourrait résumer parfaitement la situation et qui explique pourquoi la municipalité de Tunis, comme d'ailleurs d'autres municipalités, peinent à éradiquer ce phénomène, car placer une infinité d'équipes de contrôle partout et régulièrement dans la capitale et environs serait simplement impossible. La capitale Tunis souffre effectivement de nombreux points noirs dans chacun de ses coins. Il suffit de se rendre du côté de Bab El Jazira, la rue Charles de Gaulle, la rue d'Espagne, les alentours du marché central... on y trouve de véritables fourmilières de vendeurs ambulants hors la loi qui y opèrent en toute impunité. D'ailleurs, le gouvernorat de Tunis avait mis en place en 2017, rappelons-le, cinq espaces consacrés à l'activité d'environ mille marchands ambulants dans les rues de Malte, Zarkoun, El Khirba, Mongi Slim, Sidi El Béchir et à Bab El Khadhra. Mais certains de ces espaces, jugés très loin de l'activité des citoyens, ont été boudés par ces vendeurs, qui optent toujours pour la clandestinité dans les artères de la capitale en vue d'accroître leurs marges de bénéfices. Une clandestinité qui met en péril l'activité de ces vendeurs, mais aussi la santé des citoyens, car, selon l'Organisation de défense des consommateurs, tous les produits exposés de cette manière sont issus de circuits de distribution inconnus, et présentent des risques pour la santé des consommateurs.