La tragédie survenue à l'hôpital Wassila-Bourguiba et qui a provoqué une onde de choc sans précédent au sein de l'opinion publique a mis à nu les profondes défaillances qui minent la santé publique en Tunisie, soulevant l'urgence de trouver des solutions à un secteur exsangue. Le cri de détresse des professionnels de la santé, de la société civile et des citoyens inquiets face à un secteur en pleine déliquescence et embourbé dans de nombreuses difficultés a soulevé une prise de conscience générale qui a abouti à la volonté et l'initiative du chef du gouvernement d'organiser un dialogue participatif autour des mesures urgentes qui doivent être prises afin de sortir le secteur de l'ornière. Les travaux du dialogue participatif sur les solutions et les défis auxquels la santé publique est appelée à faire face ont démarré, hier, à la Cité de la culture en présence du chef du gouvernement Youssef Chahed, du ministre de la Santé par intérim Sonia Ben Cheikh et des ministres de la Défense, des Affaires sociales, des Finances ainsi que de la présidente de la commission du dialogue sociétal pour la réforme du secteur de la santé, le docteur Faïza Kefi. Plus de 400 participants parmi lesquels les doyens des facultés de Médecine, les directeurs régionaux de la santé, le président du Conseil de l'ordre des médecins ainsi que d'éminents professeurs et spécialistes exerçant dans les structures hospitalières publiques, outre plusieurs autres intervenants dans le secteur ont été invités à participer au débat qui s'est articulé, entre autres, autour des thèmes du financement de la santé publique, de la bonne gouvernance, de la gestion des ressources humaines, des équipements, de la maintenance ainsi que de la prévention de la santé humaine des risques que font peser les infections nosocomiales. Prenant la parole, le chef du gouvernement Youssef Chahed a appelé à engager un dialogue responsable, constructif et fructueux, loin du populisme, visant à déboucher sur une réflexion collective autour des solutions et des remèdes qui pourraient redonner au secteur un nouveau souffle et lui permettre de retrouver ses lettres de noblesse qui ont contribué à asseoir sa solide réputation en dehors de nos frontières. « Le secteur de la santé est un objet de fierté pour nous. L'accès à la santé et aux soins pour chaque citoyen est un droit constitutionnel. 9.000 cartes de soins gratuits et à tarif réduit ont été distribuées aux personnes appartenant aux catégories nécessiteuses, démunies ou dont les revenus sont limités». Le chef du gouvernement, qui a tenu à rappeler les efforts considérables entrepris dans le cadre du dialogue sociétal qui a démarré depuis 2013 et dont le processus qui comprend plusieurs étapes est en train de se poursuivre afin de définir les recommandations et les axes sur la base desquels sera élaboré la politique de la santé à l'horizon 2030, a mis l'accent sur les répercussions négatives de la crise économique sur le secteur de la santé qui n'a fait que se dégrader de plus en plus à cause du manque de ressources financières et humaines conjugué à plusieurs autres facteurs qui ont impacté le rendement du système de santé en Tunisie. La bonne marche du secteur a, en effet, été entravée par la situation fragile et difficile des finances publiques qui a rendu problématique, entre autres, le remplacement des 4000 médecins qui ont quitté les structures hospitalières publiques au cours des deux dernières années. Poursuivant dans ce sens, le chef du gouvernement a souligné les difficultés et les obstacles auxquels sont confrontés aujourd'hui les responsables régionaux de la santé publique appelés à concilier les restrictions des budgets ainsi que l'insuffisances des moyens et le souci de fournir et d'assurer des prestations de qualité aux citoyens dans les structures hospitalières publiques. Les propositions et les recommandations qui découleront de ce débat seront soumises à l'étude au cours du Conseil ministériel qui se tiendra mercredi prochain a, enfin, relevé le chef du gouvernement. Intervenant à son tour, la ministre de la Santé par intérim, Sonia Ben Cheikh, a affirmé que la tenue d'un dialogue participatif sur la situation du secteur de la santé publique reflète la volonté du gouvernement de fédérer les efforts de tous les intervenants et les professionnels de la santé autour de l'urgence de sauver le secteur qui fait face aujourd'hui à une situation complexe. La ministre a affirmé, par ailleurs, que le succès du projet de sauvetage en cours réside dans la mise en œuvre, dans la limite des ressources disponibles, d'une gestion prospective et coordonnée axée sur une juste articulation de tous les intervenants qui permettrait de proposer à chaque patient la prise en charge et les modalités d'intervention les plus appropriées et les plus adaptées à chaque cas. Une démarche participative Ce dialogue devra déboucher sur une vision commune autour des modalités, des méthodologies, des dispositions et des pratiques destinées à garantir la pérennisation du financement de la santé, la promotion des ressources humaines, l'amélioration de la gouvernance, le bon approvisionnement en médicaments et en dispositifs médicaux ainsi que la minimisation des risques liés aux soins par la promotion de l'hygiène hospitalière. « Il s'agit là de quelques défis à relever de toute urgence et de challenges à gagner et nous les gagnerons ensemble en termes de solutions à mettre en place aujourd'hui, pour restaurer la confiance entre usagers et prestataires de soins et pour améliorer la sécurité et la qualité des soins », a relevé à ce propos la ministre de la Santé. S'exprimant également sur le dialogue sociétal pour les politiques, les stratégies et le plan national de la santé qui a démarré en octobre 2012, Sonia Ben Cheikh a mis l'accent sur l'intérêt de cette nouvelle approche qui s'inspire des principes de la démocratie participative dont l'objectif est la mise en place d'un nouveau mode de gouvernance issu d'une démarche collective et non unilatérale qui a permis d'associer tous les intervenants dans le secteur. Une vision prospective Prenant la parole, la présidente du comité technique du dialogue sociétal, Faiza Kefi, est revenue sur le cheminement du processus engagé par le comité du dialogue sociétal qui a démarré en 2013 et qui devra aboutir, dans sa phase finale, à l'élaboration d'une politique nationale de la santé sur la base d'une approche participative qui implique les professionnels de la santé, les directeurs régionaux, les cadres administratifs, les jeunes, la société civile…A terme, cette démarche devra permettre d'esquisser les grandes lignes de la stratégie nationale de la santé à l'horizon 2030. La première étape qui a consisté à procéder au diagnostic du système de santé a débouché sur les premières grandes orientations de la réforme du secteur de la santé. La seconde phase du dialogue sociétal a donné naissance au livre blanc qui retrace les grands axes de la réforme. Huit équipes ont été chargées d'élaborer des feuilles d'orientation qui ont fait l'objet de réunions régionales sur tout le territoire en mai 2018. Le but était de recueillir l'avis des citoyens sur les grandes lignes de la réforme de la santé. L'objectif pour nous est de définir une vision prospective de la santé en Tunisie. Nous achèverons ce processus par la tenue d'une conférence nationale qui devra aboutir à l'adoption d'une nouvelle loi cadre sur la santé». Plusieurs thématiques ont, par la suite, été débattues par les participants qui ont émis des solutions et des recommandations sur la base de la réussite de plusieurs systèmes de santé étrangers qui enregistrent aujourd'hui une bonne performance.