Par Larbi DEROUICHE Dès que notre petit écran affiche le noir et blanc, l'on est enclin à s'y concentrer. Plus besoin de zapper. Parce que c'est le moyen de se régaler d'émissions consistantes, succulentes et d'un intérêt certain. Quelle qu'en soit la nature et quel qu'en soit le sujet. Des émissions, voulues immortelles par leurs artisans, la plupart morts et enterrés… Le noir et blanc nous met nez à nez avec des figures d'une étoffe inégalable. Pour le bonheur de tous Pour les téléspectateurs d'un certain âge, l'occasion est propice pour savourer les délices de la nostalgie pour le bon vieux temps. Pour la génération des temps présents, c'est l'occasion idoine pour découvrir un monde merveilleux où ils étaient inscrits aux abonnés absents. Et où leurs parents n'étaient pas encore fiancés. et étaient libres comme le vent, déliés de tout engagement… Côté culture, a-t-on aujourd'hui revu un animateur de la trempe de Khaled Tlatli, Salah Jegham, Néjib El Khattab, etc. par exemple ? Qui oserait dire oui ? Aujourd'hui, nous rencontrons certains visages médiatiques, brillant par leur médiocrité, animant des émissions insipides et abrutissantes. Coups de «corne» et… de bec! La qualité du produit est leur cadet souci. Ils sont plutôt mus par le souci majeur de faire ce diable de «buzz». Je qualifierais de tels produits et de tels plateaux de spectacles de béliomachie. Mettant aux prises des «farceurs-béliers» qui se chamaillent, se querellent, échangent les accusations et les coups de «corne» et de bec. Ceci, sous le large sourire triomphant et parfois le fou rire de l'animateur, tout joyeux et jubilant d'avoir mis «le feu» sur son plateau, et réussi le «buzz» avec «brio»… Quant aux «béliers», dindons volontiers de la farce et éternels épris du «m'as-tu vu», ils croient trouver leur compte dans leurs fréquentes apparitions à la télé, se voulant célèbres, même à travers la médiocirté ! La gloire de la chanson du noir et blanc Le noir et blanc d'antan nous permet de temps en temps de savourer les chansons mélodieuses du talentueux Mohamed El Jamoussi qui faisait superbement son propre «trois en un» : poésie, composition et interprétation. Et avait le mérite de défendre bec et ongles et mettre en valeur la chanson tunisienne tant en Occident qu'au Moyen-Orient, en l'absence alors de satellites. Ceux parmi nos jeunes n'ayant pas entendu parler de Saliha, Hédi Jouini, Fethia Khaïri, Chafia et Hassiba Rochdi, Ali Riahi, Oulaya, Naâma, Hédi Kallal, etc. ont vu et senti leurs cœurs vibrer, a posteriori, sous les airs mélodieux de leurs chansons, puisées dans leurs riches répertoires. Tous ceux qui, jadis, avaient acclamé et applaudi dans une joie délirante, particulièrement dans les salles archicombles de Madrid, El Fath et Cordoue le sacré bercail de la pure chanson tunisienne, se rappellent cette époque. Un patrimoine en danger Mais, un grand mais, ce qui est propre à nous donner une crampe d'estomac, c'est que ce patrimoine si riche est en train de péricliter, sous l'effet du temps et la mauvaise conservation. Ces images, retraçant notre passé artistique fécond en gloires, sont de plus en plus floues et parfois invisibles à l'œil nu. Et l'on risquerait, un jour ou l'autre et, au fil du temps, de priver nos générations futures de ces belles images, le maillon précieux, auquel tient la connaissance ou l'ignorance d'un passé commun si passionnant… Le trésor «encombrant» ! Tenez, maintenant que la commémoration du décès du combattant suprême est à nos portes, force nous est de déplorer la disparition de la plupart des extraits télévisés si célèbres dits «Des recommandations du Raïs». Il s'agit de séquences puisées dans divers discours du «Zaïm», prononcés à partir de la tribune de l'Ipsi, dirigé à l'époque, par Moncef Chennoufi, que Dieu l'assisté dans sa longue maladie. Le maître d'œuvre de ces documents historiques Raouf Yaïche nous confie la mort dans l'âme que le successeur de Bourguiba, toujours dérangé et complexé par la brillance inégalable et le grand calibre du prédécesseur, a veillé vicieusement à éliminer progressivement et au fil du temps le trésor «encombrant» existant dans les archives de la Télévision. Dommage pour nous à cause de ces dommages ! Il serait utile de préciser à ceux qui n'ont pas vécu l'ère de la télé en noir et blanc que ces flashs de quelque trois courtes minutes étaient diffusés juste avant le journal télévisé de 20 heures. Et étaient programmés selon l'actualité du jour. L'orateur hors pair nous avait parlé de tout ce qui touchait le quotidien du citoyen. S'évertuant à guider celui-ci sur le bon chemin, le mettant en garde contre le tribalisme, la paresse, l'ignorance, l'inculture, l'égoïsme, l'excès de procréation, etc… Oui, le grand monsieur, à travers la télévision, entrait sans frapper à la porte de nos foyers pour mettre le nez même dans nos chambres à coucher, pour conseiller aux conjoints, avec la pointe d'humour qui lui était propre, de savoir se maîtriser et tourner le dos pour ne pas «lapiner» et trop procréer. Expliquant que l'Etat naissant ne pouvait supporter assez de charges et assurer le gîte, le boire et le manger à trop de «lapins» dans chaque foyer… Sauver la mise ! Cela dit, les maîtres de l'écran multicolore surtout «public» gagneraient à mettre du leur pour mieux conserver notre patrimoine de la Télévision en noir et blanc pour pouvoir nous gâter et nous gratifier de temps en temps de programmes télévisés si succulents. Ceci sans oublier d'arrêter les dégâts pour ce qui concerne le trésor TV de Bourguiba. Tant et si bien que le téléspectateur aurait grandement besoin, de temps à autre, de se faire offrir un bol d'oxygène et d'être soustrait de la médiocrité de la «béliomachie» du «buzz», ainsi que de certains programmes lassants et exaspérants des temps présents !