Un beau moment que ce Romdhan Zmen (Ramadan d'antan) où se décline la télé d'antan, des années 1970 et 1980, entre noir et blanc et couleurs. Les images de figures de la chanson et du théâtre dans leurs œuvres et dont, hélas, certaines ont disparu, défilent sur l'écran. On remonte le temps avec délectation, on se remémore ou on découvre des pages de l'histoire à la fois artistique, culturelle et télévisuelle du pays Dans l'un des numéros de ce rendez-vous diffusé depuis la deuxième quinzaine de Ramadan, en deuxième partie de soirée, s'affiche au bas de l'écran : Année 1972. C'était du temps où la télé tunisienne n'était pas encore en couleurs. Apparaît à l'écran le défunt Mohamed Jarrari, le père de la chanson humoristique tunisienne, seul dans le studio, calé dans un fauteuil, il écoute les questions posées en off par une voix féminine juvénile, l'air sérieux, il y répond. Mais quand, à titre d'illustration, l'une de ses chansons les plus célèbres, en l'occurrence El Karrita, est diffusée, la magie opère, des paroles croustillantes et cocasses et un air populaire des plus faciles à retenir interprétés avec verve et éloquence. Idem pour les extraits consacrés aux morceaux choisis concoctés par feu Hédi Jouini enregistrés et diffusés en noir et blanc en 1972, dont YaMahsouna, Hobbi yatbadel ytjadded. Premier enseignement : la chanson humoristique, sous nos cieux, avait ses lettres de noblesse, surtout avec des pointures de la trempe de Jarrari, Jaziri, Mourali, Semlali et nous en passons. Or, aujourd'hui, ce genre a pratiquement disparu. Il est temps qu'il renaisse de ses cendres, surtout que les temps, après la révolution, le permettent à nouveau, que l'humour soit social ou politique. Dans d'autres numéros, nous avons vu à l'écran, en pleine action, une autre figure disparue de la chanson humoristique mais aussi du théâtre, feu Hamadi Jaziri, interprétant le rôle d'un immigré de retour au bercail pour des vacances. Il s'agit de la série comique Ifhimni. Cocasses sont les situations et les mésaventures qu'il vit. lus proches, les années 1980 qui ont vu la cote de Lamine Nahdi monter en flèche. Avec son neveu Riadh, ils avaient animé nos soirées ramadanesques dans Si Zahouani, une sitcom produite en 1986, mais loin d'être défraîchie, ant les critiques de nos travers ociaux, comme le népotisme, l'arrivisme, l'injustice qu'elle véhicule sont toujours d'actualité. Deuxième enseignement: dans les sketches et sitcoms, on peut dire les choses simplement de manière légère sans prendre la tête. Ainsi, le message passe sans pesanteur, ni prétention, a fortiori s'il est interprété par de bons comédiens. Ce qui est loin d'être le cas des sitcoms présentées durant ce Ramadan sur la chaîne publique. Ce Portable, par exemple, est si lourd, si pesant, où le thème de la révolution galvaudé tombe comme un cheveu sur la soupe, dans certains épisodes, d'autant qu'il est traité avec beaucoup de prétention. Décidément la révolution est mélangée à toutes les sauces, juste pour faire in. Or, soit elle est tournée en dérision, soit elle est exploitée par certains auteurs, ayant, du temps de l'ancien régime, accaparé les fictions ramadanesques, telle une chasse gardée, pour se refaire une virginité. Passons. Romdhan Zmen sur El Watania 1, a proposé également aux téléspectateurs des extraits de l'émission Salet El Fath de Raouf Kouka qui reproduit l'ambiance de cet endroit qui a vu défiler tous les monstres sacrés de notre chanson. Aussi, le public peut-il savourer ces chansons du patrimoine léguées par Ridha Kalaï, Hédi allel et d'autres noms phares de ce domaine. Voir notre grand violoniste, le défunt Kalaï, debout sur une haise, vibrer au son de son instrument, d'où s'échappent des mélodies façon Zarzis wa Bnawita, est une raie partie de plaisir. Troisième enseignement: qu'elle était riche et belle notre chanson avec ses paroles fleuries de sens et ses mélodies entraînantes et ouchantes ! Quatrième enseignement, concernant la forme cette fois-ci : les moyens limités d'antan ont généré une simplicité salutaire des décors qui a tendance à se perdre aujourd'hui. Que de leçons à tirer également de l'entretien réalisé par le défunt Khaled Tlatli avec le grand chroniqueur disparu Abdelaziz Laroui : la pédagogie éducative des chroniques, l'emploi d'un dialectal étudié, chargé de sens et de sagesse populaire, la critique sociale, le savoirfaire du chroniqueur et nous en passons! Encore heureux, donc, que de pareilles images nostalgiques et éloquentes existent toujours dans les rchives et qu'on puisse les exploiter et les diffuser pour le plus grand bonheur des téléspectateurs.