Des buts, de l'intensité, des retournements de situations à couper le souffle ponctués d'un joli chassé-croisé. On en redemande ! Plus de soixante fautes ont été sifflées par l'arbitre du derby, Nasrallah Jaouadi. Un ratio élevé qui a quelque peu grippé l'élan des deux équipes et concouru à moins de fluidité et de rythme du jeu. C'est dire qu'en dépit d'appréciations arbitrales qui ont influencé le jeu, le derby a toutefois tenu ses promesses avec de l'intensité, des chassés-croisés qui ont tenu en haleine le public, de l'engagement et des duels (sorte de matchs dans le match) qui en disent long sur les consignes données par les deux staffs techniques. Alexis au marquage de Darragi et d'Afful parfois, Msakni muselé par Hmam, explication passionnante entre Dhaouadi et Bachtobji, marquage à la culotte de Michael par Souissi et Khéchache (qui se sont relayés à la tâche), le tout sous les yeux d'un arbitre qui aurait dû brandir un carton rouge envers Alexis quand celui-ci a fauché Afful, jusque-là meilleur élément «sang et or». Profil de jeu identique Pour revenir à l'avant-match, Mrad Mahjoub et Faouzi Benzarti ont prôné deux schémas identiques, soit un 4-2-3-1 qui donne la part belle aux relayeurs, à la relance rapide et à l'exploitation des intervalles. Deux nouveautés au sein des deux onze sur le terrain, le revenant pivot clubiste Helmi Hmam a évolué en tant que latéral droit, alors que sur le côté opposé, le défenseur axial Mohamed Bachtobji a lui aussi occupé le flanc droit. Deux porteurs d'eau dans les deux camps, respectivement la paire Alexis-Aouadhi et le duo Korbi-Traoui. Deux animateurs de couloir clubistes, Dhaouadi et Melliti, et leurs binômes «sang et or», Msakni et Afful. Plus haut, Michael Eneramo et Youssef Mouihbi ont constitué les pointes des deux équipes. Si le CA a mis plus de vingt minutes pour entrer de plain-pied dans le match, l'EST a débuté la rencontre tambour battant, acculant quelque peu le CA dans ses retranchements. Les minutes défilent et le CA gagne du terrain, joue de plus en plus haut, et évolue avec une défense plutôt avancée. Toutefois, le ballon n'arrivait pas dans la profondeur pour Dhaouadi et Mouihbi alors qu'en face, côté «sang et or», Michael et Msakni n'arrivaient pas à percer le rideau de récupérateurs clubistes. Le tournant du match aurait pu avoir lieu à la 19' suite à un tir puissant de Ben Yahia que Ben Cherifia arrête en deux temps. Une minute plus tard, le Ghanéen Afful est taclé par Alexis, ce qui aurait pu contraindre le CA à jouer en infériorité numérique, mais l'arbitre a fermé les yeux... Entre amertume et goût d'inachevé... Dans un derby, toute faute se paie cash. Une hésitation de Hmam, une faute de placement de Khéchache et voilà que Saber Khalifa s'engouffre, puis Khaled Souissi concède la faute... en dehors de la surface de réparation. Le penalty curieusement décrété ne laisse aucune chance à Nefzi, Michael ayant exécuté la sentence avec beaucoup de sang-froid. A partir de là, le CA se porte vers l'avant. Les deux latéraux Hmam et Akremi permutent, l'entrejeu est plus dense, le jeu clubiste gagne en célérité et en mobilité, puis l'insaisissable Dhaouadi arme sa frappe de loin et ajuste le gardien dans un angle fermé. Le match était relancé. Le jeu en bloc de l'EST s'étant bonifié, gagnant en consistance et en vélocité, mais Msakni manquait de soutien, d'un joueur tampon (sorte d'élément d'appui) pour opérer le relais exigé. Au niveau des amorces offensives des deux équipes, il manquait toutefois ces automatismes huilés pour surprendre des blocs défensifs respectifs bien articulés autour de Souissi d'un côté et Hicheri de l'autre. Mrad Mahjoub ne cachait pas sa déception en fin de match, ou plutôt un goût d'inachevé : «C'est frustrant de concéder le nul à quelques minutes de la fin. Je suis toutefois satisfait du rendement de l'ensemble. Le CA progresse mais l'on doit capitaliser les points à l'avenir. Nous allons maintenant axer nos interventions sur le mental des joueurs. Il faut garder cet état d'esprit, ne pas abdiquer car la compétition n'a pas encore livré tous ses secrets. On se nourrit certes de victoires, mais telle est la loi du football qui ne récompense pas toujours le meilleur. Je crois en mon groupe. Le public est derrière nous et nous pousse à nous surpasser et à progresser à terme. Nous ne sommes encore qu'à 60%, voire 70% de nos potentialités». Les paroles de Mahjoub sont relayées par celles de l'homme du match, Zouhaier Dhaouadi, ce dernier ayant plutôt fustigé les décisions arbitrales : «Nos buts ne souffrent aucune contestation.» Incorporé en cours de jeu, Amir Akrout regrette le manque d'optimisation des balles arrêtées et des centres en retrait. Il faut dire que cette arme du football moderne n'a pas été bien exploitée par le CA. Le jeune Akremi, révélation clubiste jusque-là, pense que toute distraction se paie cash dans un derby: «Une erreur de marquage, une hésitation, une lecture quelque peu aléatoire du jeu en mouvement adverse, et voilà que le résultat final est sans appel ...C'est la dure loi du football». Bravoure et tête froide Dans le camp «sang et or», les joueurs étaient réalistes, se montrant certes insatisfaits du partage des points, mais vu les péripéties de la rencontre, ils sont unanimes : «Le nul est équitable», affirme Majdi Traoui. Et au pivot «sang et or» de conclure : «L'issue de la finale de la Ligue des champions n'a pas été facile à évacuer. Toutefois, notre sérénité et notre faculté à réagir ont prévalu». Saber Khalifa, à l'origine du penalty de l'EST pense quant à lui que la force de réaction de l'Espérance en dit long sur cette bravoure propre aux grands clubs : «Le CA était motivé au plus haut point alors que dans nos rangs, il nous fallait retrouver la confiance après la finale de la Champions League. Aussi, des deux côtés, le déplacement au Botswana d'un grand nombre d'internationaux, a laissé des séquelles...». Pour le défenseur-buteur, Walid Hicheri, au-delà de la rivalité entre le CA et l'EST, la magie du derby a encore opéré : «Tout d'abord, je tiens à préciser que je suis fier d'avoir porté le maillot des deux grands clubs de la capitale. Pour revenir à la rencontre, nous avons pris le match à notre compte en première période et nous avons perdu le fil de cette domination en seconde période. Je pense que le tournant a eu lieu lors de la sortie d'Afful. Certes, Saber Khalifa s'est acquitté de sa tâche avec mérite et succès mais ce sont deux profils et styles de joueurs différents». Aussi insolite que cela puisse paraître, la première apparition de l'ex-Clubiste Mohamed Bachtobji en tant que titulaire a eu lieu face à ses anciens coéquipiers : «Pour une première, de surcroît face à mon ancien club, la pression était à son paroxysme. Certes, je suis un axial et j'ai évolué désaxé sur le flanc droit, mais j'ai pris mes responsabilités face à un élément vif et rapide, en l'occurrence Zouhaier Dhaouadi». Le rideau est tombé sur le 109e derby de la capitale. Cette opposition de styles a, comme à l'accoutumée, tenu en haleine les supporters des deux camps. Des buts, de l'intensité, des retournements de situations à couper le souffle ponctués d'un joli chassé-croisé. On en redemande.