La boîte magique sort des oubliettes et est projeté sur les écrans de Tunis, un film qui date de 2003 mais qui n'a jamais rencontré le public dans une salle obscure tunisienne, crise de la distribution oblige, diriez-vous! Mais cet événement n'est pas venu seul, pour Ridha Béhi qui, depuis quelques années, travaille dans l'ombre sur un ancien et périlleux projet du film Brando and Brando qui a fait couler beaucoup d'encre et qu'on croyait abandonné à jamais après le décès du monstre sacré du cinéma mondial. «Bien au contraire», précise Ridha Béhi lors de la conférence de presse qui s'est tenue la semaine dernière au CinémAfricArt. «Le projet a pris une nouvelle tournure. Il s'est transformé en un docu-fiction dont le premier tour de manivelle sera donné le mois prochain». Telles sont les nouvelles toutes fraîches de celui qui a signé auparavant Soleil des hyènes, Seuils interdits, Les anges, Les hirondelles ne meurent pas à Jérusalem et bien d'autres, et qui a fait tourner dans ses films de grandes stars d'Orient et d'Occident : Mahmoud Morsi, Madiha Kamel, Julie Christie et Patrick Bruel à ses débuts… Mais l'idée de faire un film avec Marlon Brando, cette figure adulée pour son talent et controversée pour ses positions politiques qui ne vont pas dans le sens du poil hollywoodien, n'est pas un caprice et un tour de fantaisie. C'est un vieux projet, un déclic né de la rencontre de Ridha Béhi avec Anis Raâch dont la ressemblance était frappante avec Brando jeune. De là est née l'idée de faire un film sur un jeune Tunisien qui se laisse emporter par «l'American Dream». Et Brando dans ce film est un symbole de ce rêve, mais aussi du revers de la médaille quand Hollywood tourne le dos aux siens. En mars 2004, la rencontre avec Brando a eu lieu, donnant l'espoir d'une réelle collaboration. Tous les deux jours, pendant deux semaines, Brando propose de nouvelles scènes, en refuse d'autres… Il modifie les dialogues, la logique même des personnages, allant jusqu'à suggérer des acteurs. Brando s'implique dans le scénario et y met son grain de sel. Mais il n'a pas manqué d'avertir le cinéaste tunisien de la difficulté de son entreprise: «Mon cher Ridha ! Tu veux faire un film en Amérique? J'y vois déjà au moins cinq obstacles ! D'abord, tu es arabe et tu ressembles à un Arabe. Ensuite tu parles mal l'anglais. Troisièmement, tu ne connais pas le jazz. Quatrièmement, tu m'as choisi comme acteur, moi, Brando, un vieillard mal en point, le chiffon rouge de l'Amérique bien pensante ! … Quant au cinquième obstacle, c'est le plus difficile : tu n'as pas de juif pour t'épauler ici à Los Angeles…». Mais le plus grand obstacle fut le mauvais tour du sort. Le 30 juin, Brando meurt. Le projet est profondément ébranlé, menacé. Et depuis cette date, il a fallu à Ridha Béhi de trouver une issue, sans pour autant abandonner son rêve, qui n'est pas forcément faire un film avec Brando, mais lui rendre hommage en tant que symbole artistique et homme de principe jusqu'à ses derniers jours. Le film a pris alors une nouvelle tournure, et l'écriture a repris de plus belle pour que Brando and Brando se transforme en Quand tombent les étoiles, une docufiction sur l'impossibilité de rencontre avec l'autre, un questionnement sur le monde et le rêve, une sorte de carnet de voyage qui évoque un projet avorté et aussi l'histoire d'un jeune Tunisien séduit par James, un acteur américain venu tourner dans le Sud tunisien et qui lui trouve une ressemblance avec Marlon Brando jeune. Peu de temps après le départ de l'équipe américaine, Anis décide de s'envoler à son tour pour Los Angeles. Là, commence l'histoire tendre et mouvementée d'un jeune Tunisien épris de cinéma et de Marlon Brando. L'aventure américaine d'Anis se termine par la mort de son modèle, qui avait pourtant accepté de le rencontrer…Ainsi seront enchevêtrées les deux histoires… Après 4 semaines de tournage à Oudhna ( un site archéologique à 60 kilomètres de Tunis) et une semaine à Los Angeles, le projet de Ridha Béhi verra enfin le jour vers le mois de décembre prochain. Un film qui sera plus fiction et carnet de voyage qu'un simple film sur Brando. Espérons que ce film ne rencontre pas le même sort que le précédent et qu'il rencontrera le public dans les meilleures conditions. Et rappelons que La boîte magique est à l'affiche dans trois salles à Tunis, La Marsa et El Manar.